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18/06/2021 | FRANCE | N°20NT02470

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3eme chambre, 18 juin 2021, 20NT02470


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 3 février 2020 par lequel le préfet de Loir-et-Cher a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra, le cas échéant, être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2000729 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif d'Orléans a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistré

e le 11 août 2020 le préfet de Loir-et-Cher demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 3 février 2020 par lequel le préfet de Loir-et-Cher a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra, le cas échéant, être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2000729 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif d'Orléans a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 août 2020 le préfet de Loir-et-Cher demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 15 juillet 2020 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A....

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté du 3 février 2020, dès lors que M. A... ne se prévaut que d'un contrat de travail d'une durée de six mois alors que l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 s'applique aux ressortissant marocain désireux d'exercer une activité professionnelle en France pendant au moins un an ;

- en outre, l'arrêté contesté est également fondé sur la méconnaissance par M. A... du délai de trois mois qui s'impose aux étrangers titulaires de la carte de résident longue durée-UE pour demander une carte de séjour temporaire ;

- le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté du 3 février 2020 doit être écarté.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 novembre 2020 M. A..., représenté par Me C... conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que la cour enjoigne au préfet de Loir-et-Cher de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de Loir-et-Cher ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant marocain né en 1975, est entré en France le 10 juillet 2018. Il a demandé un titre de séjour en qualité de salarié. Par un arrêté du 3 février 2020 le préfet de Loir-et-Cher a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé d'office. Le préfet de Loir-et-Cher relève appel du jugement du 15 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé cet arrêté du 3 février 2020.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

2. Aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 visé ci-dessus : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable portant la mention " salarié " éventuellement assorties de restrictions géographiques ou professionnelles ". L'article 9 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". L'accord franco-marocain renvoie ainsi, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code du travail pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord et nécessaires à sa mise en oeuvre. Il en va notamment ainsi, pour le titre de séjour " salarié " mentionné à l'article 3 cité ci-dessus délivré sur présentation d'un contrat de travail " visé par les autorités compétentes ", des dispositions des articles R. 5221-17 et suivants du code du travail, qui précisent les modalités selon lesquelles et les éléments d'appréciation en vertu desquels le préfet se prononce, au vu notamment du contrat de travail, pour accorder ou refuser une autorisation de travail.

3. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., à l'appui de sa demande de titre de séjour, a présenté une demande d'autorisation de travail établie par une société du secteur de l'agro-alimentaire pour une durée de six mois renouvelable, insuffisante au regard des stipulations rappelées ci-dessus, qui prévoient une durée minimale d'un an. Ce motif de rejet, que le préfet de Loir-et-Cher demande à la cour de substituer à celui sur lequel il s'est fondé dans l'arrêté contesté, erroné en droit, tiré de ce que l'intéressé ne bénéficiait pas d'un contrat à durée indéterminée, était de nature à justifier légalement cet arrêté. Il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était fondé initialement sur ce motif. La substitution de motif demandée par le préfet n'a pas privé M. A... d'une garantie procédurale liée au motif substitué. Dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. A... devant le tribunal administratif d'Orléans.

6. L'arrêté contesté a été signé par le secrétaire général de la préfecture de Loir-et-Cher en vertu d'une délégation de signature du 3 mai 2019 l'y autorisant, régulièrement publiée le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture. Le moyen tiré de ce que ce fonctionnaire n'était pas compétent doit donc être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que le préfet de Loir-et-Cher est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté du

3 février 2020. Par voie de conséquences, les conclusions présentées par la voie de l'appel incident par M. A..., tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à M. A... la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°2000729 du tribunal administratif d'Orléans du 15 juillet 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif d'Orléans est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la voie de l'appel incident par M. A... sont rejetées, ainsi que sa demande tendant à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de Loir-et-Cher.

Délibéré après l'audience du 3 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. B..., premier conseiller,

- M. Lhirondel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2021.

Le rapporteur

E. B...La présidente

C. Brisson

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT02470


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02470
Date de la décision : 18/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : TOUBALE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-06-18;20nt02470 ?
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