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23/04/2021 | FRANCE | N°19NT03616

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 23 avril 2021, 19NT03616


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler, d'une part, l'arrêté du 10 février 2017 par lequel le préfet de la région Bretagne a accordé à l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) du Croas Ru l'autorisation d'exploiter 11 hectares 31 ares situés sur la commune de Lanrodec ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux et, d'autre part, l'arrêté du 10 février 2017 par lequel le préfet de la région Bretagne a accordé à l'EARL du Hêtre l'a

utorisation d'exploiter 10 hectares 72 ares situés sur la commune de Plouagat ainsi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler, d'une part, l'arrêté du 10 février 2017 par lequel le préfet de la région Bretagne a accordé à l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) du Croas Ru l'autorisation d'exploiter 11 hectares 31 ares situés sur la commune de Lanrodec ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux et, d'autre part, l'arrêté du 10 février 2017 par lequel le préfet de la région Bretagne a accordé à l'EARL du Hêtre l'autorisation d'exploiter 10 hectares 72 ares situés sur la commune de Plouagat ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement nos 1702962, 1702963 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 9 septembre 2019 et 28 janvier 2021 M. C..., représenté par Me Josselin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 9 juillet 2019 ;

2°) d'annuler, d'une part, l'arrêté du 10 février 2017 par lequel le préfet de la région Bretagne a accordé à l'EARL du Croas Ru l'autorisation d'exploiter 11 hectares 31 ares situés sur la commune de Lanrodec ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux et, d'autre part, l'arrêté du 10 février 2017 par lequel le préfet de la région Bretagne a accordé à l'EARL du Hêtre l'autorisation d'exploiter 10 hectares 72 ares situés sur la commune de Plouagat ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative la somme de 2 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- les arrêtés contestés ne sont pas suffisamment motivés au regard de sa situation de preneur en place ;

- ils sont entachés d'une erreur de fait en ce qu'ils affirment que les terres en cause étaient " précédemment mises en valeur par M. C... B... à Lanrodec " ;

- c'est en raison des difficultés auxquelles son exploitation a dû faire face qu'il n'a pas été en mesure de procéder au règlement des fermages, ce qui a eu pour conséquence la résiliation des baux dont il était titulaire ; c'est cette situation qui est directement à l'origine des demandes d'autorisation d'exploitation présentées avec succès par l'EARL du Croas Ru et l'EARL du Hêtre, mais il exploite toujours les terres en cause ;

- les arrêtés contestés procèdent d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime et des dispositions du schéma directeur régional des exploitations agricoles applicable ; alors que les autorisations litigieuses ont été accordées avec des rangs de priorité 8 pour l'EARL du Croas Ru et 9 pour l'EARL du Hêtre, sa propre exploitation va en être directement et gravement impactée ;

- du fait des autorisations d'exploiter litigieuses, la surface agricole de son exploitation va être diminuée de 42 % soit plus qu'un cinquième des terres, de sorte qu'il relève de la priorité n° 1 ; l'EARL du Croas Ru n'aurait pas dû se voir attribuer une autorisation d'exploiter.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 décembre 2020 le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée le 7 octobre 2019 à l'EARL du Croas Ru et à l'EARL du Hêtre, qui n'ont pas produit de mémoire en défense.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Barbier,

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 24 juin 2010, devenu définitif, le tribunal paritaire des baux ruraux de Guingamp a, d'une part, prononcé la résiliation des baux ruraux dont M. B... C... et Mme A... C..., son épouse, étaient titulaires pour l'exploitation de parcelles agricoles d'une superficie de 22 hectares et 03 ares situées sur le territoire des communes de Plouagat et Lanrodec et, d'autre part, ordonné l'expulsion de ces derniers à compter du 30 septembre 2010. Par un second jugement du 6 novembre 2014, le même tribunal paritaire des baux ruraux a débouté M. et Mme C... de leur demande tendant à faire reconnaître en leur faveur l'existence d'un bail rural sur les terres litigieuses et jugé qu'ils étaient occupants sans droit ni titre depuis le 30 septembre 2010. Par une demande enregistrée le 9 novembre 2016 par les services de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) des Côtes-d'Armor, l'EARL du Hêtre a demandé l'autorisation d'exploiter l'intégralité des 22 hectares et 03 ares de parcelles de terres agricoles pour lesquelles M. et Mme C... étaient auparavant titulaires d'un bail rural. Par ailleurs, le 20 décembre 2016, l'EARL du Croas Ru a présenté une demande d'autorisation d'exploiter portant sur une surface de 11 hectares et 31 ares située à Lanrodec et comprise dans les 22 hectares et 03 ares de parcelles agricoles litigieuses. Après avoir consulté la commission départementale d'orientation de l'agriculture des Côtes d'Armor, réunie le 24 janvier 2017, le préfet de la région Bretagne, par un arrêté du 10 février 2017, a accordé à l'EARL du Hêtre une autorisation d'exploiter les parcelles cadastrées D238, D312, D323, D329, D343, D351, D394, D400, D401, D402, D413 situés sur la commune de Lanrodec, et D103, D316, D323, D347, D367, E179, E556, E963 situés sur la commune de Plouagat, d'une surface totale de 10 hectares et

72 ares, mais lui a refusé l'autorisation d'exploiter les parcelles cadastrées F70 à 79, F89, F188 à 190, F 261, F263 à 270, F274, F349 et F350 d'une surface totale de 11 hectares 31 ares situés sur la commune de Lanrodec, qu'il a autorisé l'EARL du Croas Ru à exploiter par un second arrêté du même jour.

2. Les recours gracieux formés par M. C... contre ces deux arrêtés du 16 mars 2017 ayant été implicitement rejetés, ce dernier a contesté les deux arrêtés du 10 février 2017. Il relève appel du jugement du 9 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté conjointement ses deux demandes.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime : " (...) II.- La décision d'autorisation ou de refus d'autorisation d'exploiter prise par le préfet de région doit être motivée au regard du schéma directeur régional des exploitations agricoles et des motifs de refus énumérés à l'article L. 331-3-1. (...) ".

4. Les arrêtés du préfet de la région Bretagne du 10 février 2017 visent les textes applicables et mentionnent les raisons pour lesquelles il a été fait droit aux demandes d'autorisation d'exploiter de l'EARL du Croas Ru et de l'EARL du Hêtre, ainsi que la circonstance que les parcelles de terres agricoles concernées étaient " précédemment mises en valeur par M. C... ". Ils exposent donc les circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement et sont, par suite, suffisamment motivés.

5. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 331-3-1du code rural et de la pêche maritime dans sa version applicable au litige : " L'autorisation mentionnée à l'article

L. 331-2 peut être refusée : / 1° Lorsqu'il existe un candidat à la reprise ou un preneur en place répondant à un rang de priorité supérieur au regard du schéma directeur régional des structures agricoles mentionné à l'article L. 312-1 ; / 2° Lorsque l'opération compromet la viabilité de l'exploitation du preneur en place ; (...) ". D'autre part, aux termes de l'article 1er du schéma directeur régional des exploitations agricoles : " (...) Pour fixer les critères d'appréciation de l'intérêt d'une opération et pour l'application du présent arrêté, on entend par : / preneur en place : exploitant agricole, personne physique ou morale, mettant en valeur, à titre exclusif ou non, une exploitation agricole en qualité de titulaire de tout bail rural sur les terres de ladite exploitation. Lorsque le bien pris à bail est mis, par son détenteur, à disposition d'une société d'exploitation dans laquelle il est associé, il y a lieu de prendre en compte, en comparaison de situation demandeur(s)/preneur, la situation de la société (...) ".

6. M. C... soutient que, dans la mesure où il exploitait toujours les terres en cause à la date de dépôt des demandes d'autorisation d'exploiter de l'EARL du Croas Ru et de l'EARL du Hêtre, il aurait dû se voir reconnaître un rang de priorité supérieur à ces dernières en sa qualité de preneur en place dont la viabilité de l'exploitation serait gravement compromise puisque, du fait des autorisations d'exploiter litigieuses, la surface agricole de son exploitation sera diminuée de 42 % soit plus qu'un cinquième des terres. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, par un jugement du 24 juin 2010 devenu définitif, le tribunal paritaire des baux ruraux de Guingamp a résilié les baux relatifs aux terres en litige dont M. C... était titulaire et a ordonné l'expulsion des époux C... de ces terres à compter du 30 septembre 2010. Le même tribunal a ultérieurement constaté, par un second jugement du 6 novembre 2014, que les époux C... étaient occupants sans droit ni titre de ces terres depuis le 30 septembre 2010. Dans ces conditions, en estimant que M. C... ne pouvait se prévaloir de la qualité de preneur en place au sens des dispositions précitées de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime, et en ne procédant pas à une appréciation comparative de sa situation avec celle de l'EARL du Croas Ru et de l'EARL du Hêtre, le préfet de la région Bretagne n'a entaché ses arrêtés ni d'une erreur de fait ni d'une erreur d'appréciation au regard de ces dispositions. La circonstance que, par deux courriers des 3 janvier et 13 février 2017, la direction départementale des territoires et de la mer a informé M. C... de l'existence de demandes d'autorisation d'exploiter relatives à des parcelles qu'il exploitait de fait et lui a notifié les arrêtés litigieux est sans incidence à cet égard.

7. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à M. C... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, à l'entreprise agricole à responsabilité limitée du Hêtre et à l'entreprise agricole à responsabilité limitée du Croas Ru.

Copie en sera adressée au préfet de la région Bretagne.

Délibéré après l'audience du 8 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, président-assesseur,

- M. Berthon, premier conseiller,

- Mme Le Barbier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 avril 2021.

Le rapporteur

M. Le BarbierLe président

C. Brisson

Le greffier

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT03616


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03616
Date de la décision : 23/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Muriel LE BARBIER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL VALADOU JOSSELIN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-04-23;19nt03616 ?
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