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01/04/2021 | FRANCE | N°19NT02198

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 01 avril 2021, 19NT02198


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Le Pape Environnement a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des droits supplémentaires de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des années 2012 à 2015, à raison de son établissement de Pluguffan.

Par un jugement n° 1701136 du 10 avril 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistr

ée le 10 juin 2019, l'EURL Le Pape Environnement, représentée par Me A..., demande à la cour :

1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Le Pape Environnement a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des droits supplémentaires de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des années 2012 à 2015, à raison de son établissement de Pluguffan.

Par un jugement n° 1701136 du 10 avril 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 juin 2019, l'EURL Le Pape Environnement, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les frais d'engazonnement ne sont pas des dépenses pouvant être qualifiées de biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties, car ils portent sur des espaces verts ; ils n'ont par nature pas le caractère de propriétés bâties au sens de l'article 1380 du code général des impôts ; ils constituent au demeurant des agencements sur sol d'autrui qui ne peuvent être qualifiés d'immeuble par destination au sens des articles 524 et 525 du code civil ;

- les frais d'enrobés et de terrassement sont engagés sur le sol d'autrui et seront enlevés au terme de la concession de carrière ; ils ne sont pas rattachables à perpétuelle demeure au sens des article 524 et 525 du code civil ; il s'agit d'agencements à usage spécifiquement professionnels non passibles de taxe foncière sur les propriétés bâties ou non bâties, et n'ont pas le caractère de véritables constructions ;

- les portails de sécurité sont imposés par la préfecture afin d'empêcher l'accès à l'alvéole de stockage d'amiante présente sur le site ; les tubes, raccords, tuyaux et séparateurs sont nécessaires à la collecte et au traitement des eaux souillées par la présence de lixiviats et d'hydrocarbures ; les bassins de décantation, le bassin aux roseaux et le complément de plantes de roseaux sont nécessaires au traitement des eaux avant rejet dans le milieu naturel ; les bordures d'arrêt posées au sol et placées au niveau des quais sont un équipement de sécurité afin d'éviter qu'un véhicule ne tombe dans le vide en reculant ; les quais démontables sont simplement posés au sol et vissés entre eux ; les travaux électriques sont nécessaires pour l'alimentation du pont bascule, des pompes, du compresseur, de la cuve à fioul et des éclairages ; la partie bétonnée du pont à bascule est une partie du pont à bascule lui-même ; l'ensemble de ces éléments ne sont pas de véritables constructions au sens de l'article 1381 du code général des impôts ; ils ne peuvent pas être qualifiés de biens immobiliers par destination car ils ne sont pas rattachables à perpétuelle demeure au sens des articles 524 et 525 du code civil ; ils ne sont pas passibles de taxe foncière ; ils sont constitutifs d'agencements à usage spécifiquement professionnel au sens du 11° de l'article 1382 du code général des impôts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2019, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par l'EURL Le Pape Environnement ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Le Pape Environnement exploite un centre de tri et d'enfouissement de déchets sur la commune de Pluguffan dans le Finistère. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le service a réévalué, selon la méthode comptable prévue à l'article 1499 du code général des impôts, l'assiette de la cotisation foncière des entreprises due par la société au titre des années 2012 à 2015. Après mise en recouvrement des droits supplémentaires de cotisation foncière des entreprises résultant du contrôle et rejet de sa réclamation, la société a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge de ces impositions. Par un jugement n° 1701136 du 10 avril 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. La société relève appel de ce jugement. Les droits supplémentaires en litige s'élèvent à 7 130 euros pour 2012, 7 352 euros pour 2013, 7 811 euros pour 2014 et 7 792 euros pour 2015.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

2. En vertu de l'article 1467 du code général des impôts, la cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11° et 12° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période.

3. L'article 1380 du code général des impôts prévoit que : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code. ". L'article 1381 du même code dispose : " Sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : / 1° Les installations destinées à abriter des personnes ou des biens ou à stocker des produits ainsi que les ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions tels que, notamment (...) les ouvrages servant de support aux moyens matériels d'exploitation ; / 2° Les ouvrages d'art et les voies de communication ; (...) / 4° Les sols des bâtiments de toute nature et les terrains formant une dépendance indispensable et immédiate de ces constructions à l'exception des terrains occupés par les serres affectées à une exploitation agricole ; / 5° A l'exception de ceux mentionnés au dernier alinéa de l'article 1393, les terrains non cultivés employés à un usage commercial ou industriel, tels que chantiers, lieux de dépôt de marchandises et autres emplacements de même nature, soit que le propriétaire les occupe, soit qu'il les fasse occuper par d'autres à titre gratuit ou onéreux ; (...) ". Selon l'article 1382 du même code : " Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : (...) 11° Les outillages et autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels à l'exclusion de ceux visés aux 1° et 2° de l'article 1381 ; (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 1495 de ce code : " Chaque propriété ou fraction de propriété est appréciée d'après sa consistance, son affectation, sa situation et son état, à la date de l'évaluation ". Aux termes du II de l'article 324 B de l'annexe III au même code : " Pour l'appréciation de la consistance il est tenu compte de tous les travaux équipements ou éléments d'équipement existant au jour de l'évaluation ".

4. Pour apprécier, en application de l'article 1495 du code général des impôts et de l'article 324 B de son annexe III, la consistance des propriétés qui entrent, en vertu de ses articles 1380 et 1381, dans le champ de la taxe foncière sur les propriétés bâties, il est tenu compte, non seulement de tous les éléments d'assiette mentionnés par ces deux derniers articles mais également des biens faisant corps avec eux. Sont toutefois exonérés de cette taxe, en application du 11° de l'article 1382 du même code, ceux de ces biens qui font partie des outillages, autres installations et moyens matériels d'exploitation d'un établissement industriel, c'est-à-dire ceux de ces biens qui relèvent d'un établissement qualifié d'industriel au sens de l'article 1499, qui sont spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d'être exercées dans un tel établissement et qui ne sont pas au nombre des éléments mentionnés aux 1° et 2° de l'article 1381.

5. L'article 1494 du code général des impôts prévoit que : " La valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de la taxe d'habitation ou d'une taxe annexe établie sur les mêmes bases est déterminée, conformément aux règles définies par les articles 1495 à 1508, pour chaque propriété ou fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte. ". Aux termes de l'article 324 A de l'annexe III au code général des impôts : " Pour l'application de l'article 1494 du code général des impôts on entend : 1° Par propriété normalement destinée à une utilisation distincte : (...) b. En ce qui concerne les établissements industriels l'ensemble des sols terrains bâtiments et installations qui concourent à une même exploitation et font partie du même groupement topographique. ".

6. Il est constant que le centre de tri et d'enfouissement de déchets exploité au lieu-dit Kereured, sur le territoire de la commune de Pluguffan, constitue un établissement industriel devant être imposé à la taxe foncière sur les propriétés bâties selon les dispositions prévues à l'article 1499 du code général des impôts.

En ce qui concerne les frais d'engazonnement acquis en 2010 et inscrits en immobilisation pour une valeur de 3 240 euros :

7. Il résulte de l'instruction que les terrains ayant fait l'objet d'un engazonnement font partie intégrante du centre de tri et n'ont pas été affectées à un autre usage. Dès lors, en dépit du fait que ces terrains ne sont ni des zones de chargement ni des zones de circulation de véhicule, ils doivent être regardés comme étant employés à un usage industriel au sens du 5° de l'article 1381 du code général des impôts. Ces terrains sont donc passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties en application de cet article. Dès lors, ces terrains ne sauraient être assimilés à des carrières au sens de l'article 1393 du code général des impôts et ne relèvent donc pas de la taxe foncière sur les propriétés non bâties. Enfin, le gazon fait corps avec le terrain sur lequel il est semé. Les frais d'engazonnement doivent ainsi être pris en compte dans le calcul de la valeur locative de ces terrains. C'est ainsi à bon droit que l'administration fiscale a intégré ces dépenses dans le calcul de l'assiette de la cotisation foncière des entreprises.

En ce qui concerne les frais de terrassement et d'enrobés acquis en 2010 et inscrits en immobilisation pour une valeur de 77 676 euros :

8. Il résulte de l'instruction que ces dépenses portent sur des voies de communication qui sont passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties en application du 2° de l'article 1381 du code général des impôts. S'il est vrai, comme le fait valoir le ministre en défense, que ces aménagements sont en apparence indissociables de la voie de communication en elle-même et doivent en principe être intégrés au calcul de la valeur locative, il est constant que ces aménagements doivent être enlevés à la fin de l'exploitation du centre de tri. Ils ne sauraient donc, dans les circonstances particulières de l'espèce, être regardés comme étant rattachés au sol à perpétuelle demeure. Il suit de là que la société est fondée à soutenir que ces frais ne doivent pas être intégrés au calcul de l'assiette de la cotisation foncière des entreprises.

En ce qui concerne les agencements professionnels acquis en 2010 et inscrits en immobilisation pour une valeur de 117 481 euros :

9. Il résulte de l'instruction que les bassins de décantation, le bassin de roseaux et les roseaux sont nécessaires au traitement des eaux avant rejet dans le milieu naturel et sont ainsi spécifiquement adaptés à l'activité exercée sur le site. Les tubes, raccords, tuyaux et séparateurs, qui sont nécessaires à la collecte et au traitement des eaux souillées par la présence de lixiviats et d'hydrocarbures sont aussi spécifiquement adaptés à l'activité exercée sur le site. Les bordures d'arrêt, les quais démontables et le pont bascule sont également spécifiquement adaptés à l'activité. Il en va de même de l'installation électrique, celle-ci étant spécifiquement destinée à l'alimentation du pont bascule, des pompes, du compresseur, de la cuve à fioul et des éclairages. Enfin, les portails de sécurité étant imposés par la préfecture afin d'empêcher l'accès à l'alvéole de stockage d'amiante présente sur le site, ils sont, compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, spécifiquement adaptés à l'exploitation. La société est dès lors fondée à soutenir que l'ensemble de ces équipements relève de l'exonération prévue par le 11° de l'article 1381 du code général des impôts et ne doivent par conséquent pas être intégrés à l'assiette de la cotisation foncière des entreprises.

10. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Le Pape Environnement est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande en ce qui concerne les frais de terrassement et d'enrobés ainsi que les agencements professionnels.

Sur les frais liés au litige :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à l'EURL Le Pape Environnement sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La base de la cotisation foncière des entreprises due au titre des années 2012 à 2015 est fixée en excluant les frais de terrassement et d'enrobés acquis en 2010 pour une valeur de 77 676 euros ainsi que les agencements professionnels acquis en 2010 pour une valeur de 117 481 euros.

Article 2 : L'EURL Le Pape Environnement est déchargée des droits supplémentaires de cotisation foncière des entreprises mis à sa charge au titre des années 2012 à 2015 correspondant à la réduction de la base d'imposition définie à l'article 1er.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes n° 1701136 du 10 avril 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à l'EURL Le Pape Environnement une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Le Pape Environnement et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er avril 2021.

Le rapporteur,

H. B...Le président,

F. Bataille

La greffière,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 19NT021982


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02198
Date de la décision : 01/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Harold BRASNU
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : LES CONSEILS D'ENTREPRISES (LCE QUIMPER)

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-04-01;19nt02198 ?
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