Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2019 par lequel le préfet de Loir-et-Cher a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourra, le cas échéant, être reconduite d'office.
Par un jugement n° 2000011 du 3 juin 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 juin et 4 décembre 2020 Mme C..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 3 juin 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Loir-et-Cher du 7 novembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Loir-et-Cher de lui délivrer dans les huit jours et sous astreinte de 50 euros par jour de retard un titre de séjour et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quarante-huit heures et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative la somme de 2 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé et révèle un défaut d'examen de sa situation particulière, dès lors notamment qu'il ne mentionne pas les violences conjugales qu'elle a subies et ne fait pas référence à son insertion professionnelle ;
- la préfet de Loir-et-Cher a méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté contesté a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- le préfet devait lui délivrer un titre de séjour en raison des violences conjugales qu'elle a subies.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 novembre 2020 le préfet de Loir-et-Cher conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante tanzanienne née le 5 février 1994, déclare être entrée en France le 1er janvier 2015. Le 27 septembre 2018, elle a demandé un titre de séjour en qualité de mère d'un enfant français. Par un arrêté du 7 novembre 2019, le préfet de Loir-et-Cher a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée d'office. Mme C... relève appel du jugement du 3 juin 2020 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté son recours tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté contesté du préfet de Loir-et-Cher :
2. Aux termes du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. ".
3. D'une part, le préfet de Loir-et-Cher a refusé à Mme C... le titre de séjour qu'elle demandait en qualité de mère d'une enfant française, née le 17 août 2016, au motif qu'elle ne justifiait pas que le père de sa fille contribuait à l'entretien et à l'éducation de celle-ci. Toutefois, si, en application du second alinéa du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, créé par l'article 55 de la loi du 10 septembre 2018 visée ci-dessus, une ressortissante étrangère mère d'un enfant français dont la filiation à l'égard du père a été établie par une reconnaissance de paternité, doit justifier que celui-ci contribue à l'entretien et à l'éducation de son enfant, en vertu du IV de l'article 71 de la même loi ces nouvelles dispositions ne s'appliquent qu'aux demandes de titres de séjour présentées postérieurement au 1er mars 2019. Mme C... ayant présenté la sienne le 27 septembre 2018, le préfet lui a donc opposé un motif illégal de refus.
4. D'autre part, il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que Mme C... ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'elle contribue à l'entretien et à l'éducation de sa fille française depuis la naissance de celle-ci. Par suite, la décision contestée refusant à Mme C... un titre de séjour a méconnu les dispositions applicables du 6° de
l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile rappelées au point 2 et doit, pour ce motif, être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les autres décisions contestées lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination de sa reconduite.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Pour l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, l'annulation prononcée par le présent arrêt, eu égard au motif qui la fonde, implique que le préfet de Loir-et-Cher délivre à Mme C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu de lui adresser une injonction en ce sens et de fixer à deux mois le délai imparti pour son exécution. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette mesure d'exécution de l'astreinte demandée par la requérante.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser au conseil de Mme C... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 112 du décret du 28 décembre 2020.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°2000011 du tribunal administratif d'Orléans du 3 juin 2020 et l'arrêté du 7 novembre 2019 du préfet de Loir-et-Cher sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de Loir-et-Cher de délivrer à Mme C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros au conseil de Mme C... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 112 du décret du
28 décembre 2020.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de Loir-et-Cher.
Délibéré après l'audience du 18 février 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. B..., premier conseiller,
- Mme Le Barbier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2021.
Le rapporteur
E. B...Le président
C. Brisson
Le greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01670