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18/12/2020 | FRANCE | N°19NT00012

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 18 décembre 2020, 19NT00012


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 19 octobre 2016 par laquelle le préfet

d'Ille-et-Vilaine a refusé de lui délivrer une autorisation d'exploiter les parcelles A 431, 443, 544 et 604 situées sur le territoire de la commune de Clayes (Ille-et-Vilaine), pour une surface totale de 4 hectares 71 ares, ainsi que la décision de rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté.

Par un jugement n° 17

01757 du 5 novembre 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Proc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 19 octobre 2016 par laquelle le préfet

d'Ille-et-Vilaine a refusé de lui délivrer une autorisation d'exploiter les parcelles A 431, 443, 544 et 604 situées sur le territoire de la commune de Clayes (Ille-et-Vilaine), pour une surface totale de 4 hectares 71 ares, ainsi que la décision de rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1701757 du 5 novembre 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 3 janvier 2019 et 10 juillet 2020 l'EARL D..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 5 novembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 19 octobre 2016 ainsi que la décision du 28 février 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les décisions contestées sont entachées d'une erreur de droit ; sa demande relevait non pas du régime de l'autorisation d'exploiter mais de celui de la déclaration préalable d'exploiter, dès lors que les terres litigieuses doivent être considérées comme libres par l'effet du congé ;

- les décisions contestées procèdent d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation du groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) des Hortensias ; c'est à tort que le préfet a estimé que sa demande diminuerait la surface de la structure d'exploitation du preneur en place, en la faisant passer en-deçà du seuil de viabilité fixé par le schéma directeur départemental des structures agricoles, alors que le GAEC disposerait après reprise d'une surface pondérée de 87,25 ha, supérieure donc à 1 UR/UTA ;

- l'autorisation d'exploiter sollicitée lui permettrait de faire face aux besoins en alimentation de son bétail.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 juin 2020, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'EARL D... ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 9 novembre 2020 le GAEC des Hortensias, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'EARL D... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens invoqués par l'EARL D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) D..., dont le siège se situe au lieu-dit La Gonzée, à Clayes en Ille-et-Vilaine, a sollicité auprès du préfet d'Ille-et-Vilaine, le 20 mai 2016, l'autorisation d'exploiter des parcelles de terres agricoles d'une superficie de 4,71 hectares cadastrées A 431, 443, 544 et 604, situées sur le territoire de la commune de Clayes, appartenant à M. B... et Mme C... D..., parents de l'associé unique de l'EARL D..., M. B...-G... D..., et mises en valeur jusqu'alors par le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) des Hortensias. Après avoir recueilli le 8 octobre 2016 l'avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture d'Ille-et-Vilaine, le préfet a refusé de délivrer à l'EARL D... l'autorisation d'exploiter sollicitée, par une décision du 19 octobre 2016. Par une décision du 28 février 2017, le même préfet a également rejeté le recours gracieux formé contre cette décision. L'EARL D... relève appel du jugement du 5 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté le recours qu'elle a formé contre ces deux décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le régime juridique de la demande formulée par l'EARL D... :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : (...) / II.- Par dérogation au I, est soumise à déclaration préalable la mise en valeur d'un bien agricole reçu par donation, location, vente ou succession d'un parent ou allié jusqu'au troisième degré inclus lorsque les conditions suivantes sont remplies : / 1° Le déclarant satisfait aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnée au 3° du I ; / 2° Les biens sont libres de location au jour de la déclaration ; / 3° Les biens sont détenus par ce parent ou allié depuis neuf ans au moins. / Pour l'application des présentes dispositions, sont assimilées aux biens qu'elles représentent les parts d'une société constituée entre les membres d'une même famille. ".

3. Il est constant que si les terres dont l'exploitation était envisagée par l'EARL D... avaient fait l'objet d'un congé à la date du 29 septembre 2015, le litige relatif à ce congé était pendant devant le tribunal paritaire des baux ruraux à la date du 20 mai 2016 à laquelle l'entreprise a formulé sa demande auprès des services du préfet d'Ille-et-Vilaine. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner si le préfet, saisi d'une demande d'autorisation, devait de sa propre initiative la convertir en déclaration d'installation, l'EARL requérante n'était, en l'absence de biens libres de location, en tout état de cause pas en droit de bénéficier du régime de la déclaration préalable défini à l'article L.331-2 du code rural et de la pêche maritime rappelé ci-dessus.

En ce qui concerne le bien-fondé du refus d'autorisation d'exploiter :

4. Aux termes des 3ème et 4ème alinéas de l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable au litige : " L'objectif prioritaire du contrôle des structures est de favoriser l'installation d'agriculteurs (...) / En outre il vise : / - (...) à empêcher le démembrement d'exploitations agricoles viables pouvant permettre l'installation d'un ou plusieurs agriculteurs (...). ". Par ailleurs, en vertu des dispositions de l'article 7 du schéma directeur départemental des structures agricoles d'Ille-et-Vilaine du 19 septembre 2014, applicable au litige et qui fixe les valeurs économiques de référence à prendre en compte pour évaluer le seuil de viabilité d'une exploitation, une exploitation est jugée viable lorsque la valeur en euros du ratio EBS/UTA (Excédent Brut Standard par Unité de Travail Agricole) est supérieure à 85 % de la moyenne départementale, soit 40 000 euros/UTA pour l'Ille-et-Vilaine, et lorsque l'exploitation en cause dispose d'une surface pondérée supérieure à 1 UR/UTA (Unité de référence par unité de travail annuelle), soit 50 ha.

5. Pour refuser de délivrer une autorisation d'exploiter à l'EARL D..., le préfet

d'Ille-et-Vilaine s'est fondé sur le motif tiré de ce que, au regard des prescriptions du schéma directeur départemental des structures agricoles d'Ille-et-Vilaine alors applicable, sa demande diminuerait la surface de la structure d'exploitation du preneur en place, déjà en-deçà du seuil de viabilité.

6. Si l'EARL D... soutient que le GAEC des Hortensias disposerait, après reprise, d'une surface pondérée de 87,25 ha, supérieure donc à 1 UR/UTA, il ressort toutefois des pièces du dossier que la superficie totale dont disposait, pour deux chefs d'exploitation, le même groupement, atelier de production porcine hors sol compris, représente un total de 91,97 ha. La demande d'autorisation en litige, qui porte sur une superficie de 4,71 ha, ramènerait cette surface à 87,26 ha soit 43,63 ha par chef d'exploitation, surface pondérée inférieure au seuil de 1 UR/UTA correspondant à 50 ha, fixé par le schéma directeur départemental des structures agricoles. Par suite, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que la viabilité du GAEC des Hortensias serait compromise du fait de la diminution de superficie de l'exploitation du preneur en place et en refusant d'accorder pour ce motif l'autorisation d'exploitation sollicitée par l'EARL D....

7. Par ailleurs, la circonstance que l'autorisation d'exploiter sollicitée par l'EARL D... aurait favorisé la performance nourricière de son exploitation est sans incidence sur la légalité des décisions contestées, eu égard au motif qui les fonde.

8. Il résulte de ce qui précède que l'EARL D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les frais de l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à l'EARL D... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

10. Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'EARL D... la somme dont le GAEC des Hortensias demande le versement au titre des frais d'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'EARL D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le GAEC des Hortensias au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise agricole à responsabilité limitée D..., au groupement agricole d'exploitation en commun des Hortensias et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Copie en sera adressée au préfet de la région Bretagne, préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020 à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, président-assesseur,

- M. Berthon, premier conseiller,

- Mme F..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2020.

Le rapporteur

M. F...Le président

C Brisson

Le greffier

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°19NT00012


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00012
Date de la décision : 18/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: Mme Muriel LE BARBIER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SCP LIBERTE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-12-18;19nt00012 ?
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