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25/06/2020 | FRANCE | N°18NT02947

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 25 juin 2020, 18NT02947


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010.

Par un jugement n° 1608713 du 1er juin 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 juillet 2018, M. et Mme C..., représentés par Me E..., d

emandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010.

Par un jugement n° 1608713 du 1er juin 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 juillet 2018, M. et Mme C..., représentés par Me E..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la probabilité que la maladie de M. C... consécutive à son exposition à l'amiante soit en lien avec son activité au sein de la société à responsabilité limitée (SARL) C... est suffisamment forte pour justifier une indemnité de 500 000 euros ;

- M. C... n'étant pas salarié de la SARL C..., il ne relevait pas du dispositif de préretraite pour les travailleurs de l'amiante mis en place par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1988 ;

- l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'inverse pas la charge de la preuve ;

- l'administration ne justifie pas du montant retenu pour évaluer la part considérée comme excessive de l'indemnité ;

- le fait que M. C... ait continué d'exercer son mandat de gérant à titre gratuit constitue une contrepartie suffisante au versement de l'indemnité en litige ;

- s'agissant de l'année de mise à disposition des revenus, la trésorerie et les placements financiers de la société ne permettaient pas de verser, en 2010, l'intégralité de la prime de 500 000 euros ; la société était seulement en mesure, pour l'année 2010, de verser 97 361 euros ;

- l'administration fiscale n'apporte pas la preuve du caractère délibéré du manquement.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 avril 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'une vérification de comptabilité de la société à responsabilité limitée (SARL) C..., l'administration a considéré que l'indemnité de 500 000 euros dont a bénéficié M. C..., gérant et détenteur de 30% du capital social, était excessive à hauteur de 394 347 euros. L'administration a donc, par une proposition de rectification du 15 mai 2013, réintégré cette somme de 397 347 euros dans les bases de l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 mars 2010. Puis, par une proposition de rectification du 24 mai 2013, elle a considéré que cette somme devait être regardée comme un revenu distribué en application du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, et a rectifié en conséquence le montant d'impôt sur le revenu et de contributions sociales de M. et Mme C.... Le service a assorti ces impositions supplémentaires de la majoration pour manquement délibéré prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts. Après le rejet de leur réclamation, M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions. Ils relèvent appel du jugement du 1er juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. ". Lorsque la rectification aboutit seulement à la réduction du déficit déclaré, les sommes réintégrées sont regardées comme distribuées si l'administration établit qu'elles ont été mises à la disposition d'un associé et non prélevées sur les bénéfices.

En ce qui concerne l'existence de revenus distribués et leur mise à disposition du contribuable :

3. M. C... souffre d'une pathologie qui a été reconnue en 2008 par la caisse primaire d'assurance maladie comme étant une maladie d'origine professionnelle. En 2009, la caisse régionale d'assurance maladie a décidé de verser l'allocation des travailleurs de l'amiante, d'un montant mensuel brut de 3 287,85 euros, sous réserve qu'il n'exerce plus aucune activité professionnelle. Par une décision d'assemblée générale du 30 octobre 2009, la SARL C... a décidé de cesser de rémunérer M. C..., gérant de la société et détenteur de 30 % du capital social, tout en autorisant la poursuite de son mandat à titre gratuit. Par une décision d'assemblée générale du 2 novembre 2009, la SARL C... a ensuite décidé d'attribuer à M. C... une prime de 500 000 euros, calculée sur la base de cinq années de rémunération, en raison de la " cessation anticipée d'activité du gérant ". Cette prime a été enregistrée en comptabilité le 31 mars 2010, sous le libellé " primes amiante ". Lors de l'exercice suivant, la SARL C... a également versé à M. C... une prime de 102 066,77 euros sous le libellé " primes IRP Auto ". La société précise que cette somme correspond à une indemnité de fin de carrière, en raison d'une inaptitude liée à une maladie professionnelle.

4. Pour établir le caractère excessif de la " prime amiante " de 500 000 euros versée à M. C... en raison de sa cessation anticipée d'activité, l'administration fiscale fait valoir que les éléments produits par la société ne permettaient pas de justifier d'une exposition significative à l'amiante au sein de la SARL C... et que M. C... n'avait pas cessé son activité. L'administration a cependant considéré que M. C... était fondé à percevoir, du fait de sa maladie professionnelle, une indemnité liée à la cessation forcée de ses fonctions de gérant, et ce alors même que M. C... n'avait pas cessé d'exercer ses fonctions de gérant. Pour déterminer le montant de cette indemnité, le service s'est fondé sur les dispositions du 2 de l'article 80 duodecies du code général des impôts, qui prévoient que l'indemnité versée en cas de cessation forcée des fonctions de gérant n'est imposable que pour la fraction qui excède trois fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale. Le service a donc considéré que la société était en droit de verser à M. C... une indemnité au plus égale à 207 020 euros. En conséquence, le service n'a pas remis en cause l'indemnité de 102 067 euros. S'agissant de la prime de 500 000 euros, le service a estimé que cette prime était excessive, pour le montant dépassant 105 653 euros. Ce montant de 105 653 euros correspond à la somme de 207 020 euros que M. C... était en droit de percevoir, diminué du montant de la prime de 102 067 euros. Le service apporte ainsi la preuve, qui lui incombe, du caractère excessif du versement à M. C... de la part restante de la " prime amiante ", soit 394 347 euros. En réponse, M. et Mme C... font valoir que ce montant est justifié par le fait qu'il a été exposé, au sein de la société, aux poussières d'amiante pendant une durée de quinze années. Toutefois, s'il est possible que M. C... ait été exposé, pendant cette période, à des poussières d'amiante du fait de ses activités au sein de la casse automobile, les éléments produits sont trop généraux pour permettre de démontrer que cette exposition aurait pu contribuer, de manière significative, à l'apparition de la maladie professionnelle de M. C.... Il ressort d'ailleurs des courriers de la caisse primaire d'assurance maladie du 9 octobre 2008 et du courrier de la caisse régionale d'assurance maladie du 20 novembre 2009 que l'allocation des travailleurs de l'amiante versée à M. C... fait suite à son exposition aux poussières d'amiante au sein des chantiers navals de Saint-Nazaire et non à son activité au sein de la casse automobile. Surtout, M. C... étant resté gérant de la société, l'indemnité de 500 000 euros qui lui a été versée n'était pas destinée à compenser une cessation forcée d'activité, mais à contourner l'interdiction faite à M. C... de percevoir une rémunération du fait du bénéfice de l'allocation des travailleurs de l'amiante. Il suit de là que c'est à bon droit que le service a réintégré la somme de 394 347 euros dans le résultat imposable de la SARL C.... Par suite, les dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts permettaient à l'administration de regarder cette somme comme des revenus distribués, imposables à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers entre les mains de M. et Mme C....

En ce qui concerne l'année de mise à disposition :

5. L'année de rattachement de la distribution imposable est en principe celle de la rectification des bénéfices sociaux, sauf preuve contraire apportée par le contribuable ou l'administration.

6. Après avoir soutenu, en première instance, que la prime en litige avait été mise à la disposition de M. C... au cours de l'année 2009, M. et Mme C... soutiennent désormais que la somme n'a pas pu être mise à disposition au cours de l'année 2010 en raison de l'insuffisance de trésorerie et de placements financiers de la SARL C.... Toutefois, cette argumentation ne saurait valablement être retenue dès lors que M. et Mme C... ne précisent pas à quelle date cette somme a été mise à la disposition de M. C.... Ainsi, compte tenu de l'impossibilité, pour l'administration, de déterminer la date de cette mise à disposition, c'est à bon droit qu'elle a considéré que cette distribution imposable devait être rattachée à l'année de la rectification des bénéfices sociaux, soit l'année 2010. Au surplus, il est constant que l'allocation de cette prime a été inscrite dans la comptabilité de la société à la date du 31 mars 2010. Il suit de là que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que l'administration a commis une erreur sur l'année de mise à disposition.

Sur les pénalités :

7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".

8. En recevant une prime pour cessation anticipée de fonctions de 500 000 euros, alors qu'il n'avait pas cessé d'exercer les fonctions en cause, M. C... a cherché à contourner l'obligation qui lui était faite de cesser toute activité professionnelle, et ce afin de continuer de percevoir l'allocation des travailleurs de l'amiante. Dans ces conditions, M. C... ne pouvait de bonne foi ignorer le caractère excessif de cette indemnité. Par suite, l'administration apporte ainsi la preuve, qui lui incombe, de l'existence d'un manquement délibéré justifiant l'application de la pénalité prévue à l'article 1729 du code général des impôts.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Par conséquent, leur requête, y compris leurs conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 25 juin 2020.

Le rapporteur,

H. B...Le président,

F. Bataille

Le greffier,

M. D...

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT02947


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NT02947
Date de la décision : 25/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Harold BRASNU
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL SAVARIN AVOCAT FISCALISTE ; SELARL SAVARIN AVOCAT FISCALISTE ; SELARL SAVARIN AVOCAT FISCALISTE ; SELARL SAVARIN AVOCAT FISCALISTE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-06-25;18nt02947 ?
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