Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Sam Labigne Equipement a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013.
Par un jugement n° 1700991 du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 26 juillet 2018, 30 août 2019 et 29 janvier 2020, la SARL Sam Labigne Equipement, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le fait de n'avoir pas donné son congé pour les locaux qu'elle occupait au 18 rue de la Vallée à Lisieux ne constitue pas un acte anormal de gestion ;
- en raison du retard pris dans le chantier dès le début des travaux, il était tout à fait légitime de ne pas donner ce congé afin de ne pas prendre le risque de se retrouver sans locaux ;
- les dispositions de l'article L. 145-5-1 du code de commerce ne trouvaient pas à s'appliquer, le bail initial ayant été conclu avec effet au 3 janvier 2009 ;
- les dispositions de l'article L. 145-7 du code de commerce ne s'appliquent pas non plus, ces dispositions portant uniquement sur le versement d'une indemnité ;
- elle a défendu ses intérêts propres, en sous-louant une partie de ces locaux, en occupant une autre partie pour stocker des matériels et surtout en obtenant une remise importante des loyers ;
- la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, dans son avis relatif à l'impôt sur les sociétés de l'année 2014, a reconnu qu'elle n'était pas en mesure de prendre une décision de résiliation du bail à la date du 3 juillet 2011.
Par des mémoires, enregistrés les 25 janvier 2019 et 28 janvier 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la SARL Sam Labigne Equipement ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Sam Labigne Equipement exerce une activité d'agencement de magasins. Dans le cadre d'une vérification de comptabilité, le vérificateur a constaté que la société n'occupait plus, depuis le 1er avril 2012, les locaux situés au 18 rue de la Vallée à Lisieux. A l'issue du contrôle, le service a alors décidé de réintégrer dans le résultat imposable de la société le montant des charges locatives afférentes à ces locaux qui ont été supportées par la société au cours des exercices clos les 31 décembre 2012 et 31 décembre 2013. Après le rejet de sa réclamation par une décision du 14 avril 2017, la SARL Sam Labigne Equipement a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013, pour un montant total de 68 941 euros. La SARL Sam Labigne Equipement relève appel du jugement du 5 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
2. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
3. La SARL Sam Labigne Equipement a, pour les besoins de son activité, signé un bail commercial avec sa société mère, la société par actions simplifiée (SAS) Sam Labigne pour des locaux situés au 18 rue de la Vallée à Lisieux. Ce bail a débuté le 3 janvier 2009. Au cours de cette période, la société mère a proposé à la SARL Sam Labigne Equipement d'occuper des locaux neufs et plus adaptés à son activité, situés au 1939 rue Edouard Branly à Hermival-Les-Vaulx. La construction de ces nouveaux locaux devait démarrer au début de l'année 2011. Le 1er juin 2011, la SARL Sam Labigne Equipement a signé avec sa société mère un bail commercial définitif prévoyant une entrée dans ces nouveaux locaux le 1er décembre 2011. Afin d'éviter que le bail relatif aux locaux situés au 18 rue de la Vallée à Lisieux ne soit reconduit pour une période de trois ans, la SARL Sam Labigne Equipement avait jusqu'au 3 juillet 2011 pour signifier son congé au bailleur. La SARL Sam Labigne Equipement n'ayant pas signifié son congé, le bail a été reconduit tacitement pour une durée de trois ans. La SARL Sam Labigne, après avoir déménagé dans ses nouveaux locaux le 1er avril 2012, a donc continué de payer les loyers de ses anciens locaux.
4. Pour justifier du fait qu'elle n'a pas signifié son congé avant la date du 3 juillet 2011, la SARL Sam Labigne Equipement fait valoir que les travaux des nouveaux locaux avaient pris du retard et qu'elle a donc préféré, par précaution, prolonger de trois ans le bail relatif à ses anciens locaux afin de ne pas prendre le risque de se retrouver sans local d'exploitation. S'il est vrai que les travaux en question ont effectivement pris du retard, puisque la société n'a pu déménager que le 1er avril 2012 au lieu du 1er décembre 2011, le rapport d'expertise produit par la société ne permet pas d'établir que cette dernière aurait été informée d'un retard prévisible de travaux avant la date du 3 juillet 2011. En effet, ce rapport conclut seulement au fait que la société était informée du retard au mois de juillet 2011 et n'apporte aucun élément permettant de savoir si la société avait été informée de ce retard avant le 3 juillet 2011, date limite pour signifier son congé. En outre, à supposer même que la société ait eu des doutes, avant le 3 juillet 2011, sur la date de livraison des nouveaux locaux, la société n'avait pas à supporter la charge de trois années de loyers en raison du retard pris par le bailleur dans la livraison des locaux. La SARL Labigne Equipement aurait ainsi pu demander à son bailleur de conclure une convention d'occupation précaire, en vertu de l'article L. 145-5-1 du code de commerce. La société aurait également pu, une fois son déménagement achevé, engager des négociations avec son bailleur afin de résilier ce bail à l'amiable. Contrairement à ce que soutient la SARL Labigne Equipement, le fait, pour la société mère, d'accepter la conclusion d'une convention d'occupation précaire ou une résiliation à l'amiable du bail n'aurait pas constitué, pour cette dernière, un acte anormal de gestion. En effet, la société mère étant responsable du retard pris dans la livraison des nouveaux locaux, il lui appartenait de supporter les conséquences financières de ce retard. L'article L. 145-7 du code de commerce prévoit d'ailleurs que le bailleur doit, en cas de retard dans la mise à disposition d'un bien, indemniser le futur occupant des conséquences dommageables qu'a eu pour lui ce retard. Ainsi, en accordant une convention d'occupation précaire ou une rupture anticipée du bail, la société mère n'aurait fait que dédommager la société fille des conséquences du retard dans la livraison du bien. Enfin, si la SARL Labigne Equipement soutient qu'elle a obtenu de son bailleur une diminution de moitié du montant des loyers, l'administration fait valoir, sans être contredite, que cet avenant a été signé pour lui permettre de financer des agencements dans les nouveaux locaux, et non en raison de la situation particulière dans laquelle elle s'est trouvée. Au demeurant, cette réduction n'a concerné que l'année 2012. De même, si la société soutient qu'elle a pu atténuer la charge induite par ces loyers en sous-louant les locaux, il est constant que cette sous-location n'a porté que sur 1 325 m² d'entrepôt, alors que le local présente une surface de 3 050 m² d'entrepôt et 1 340 m² de bureaux. Enfin, si la société soutient qu'elle a utilisé ces locaux pour entreposer des archives et du matériel, il ressort de la proposition de rectification que le vérificateur, lors de sa visite au printemps 2014, a uniquement constaté la présence d'archives sur un espace de 100 m². Ainsi, l'administration est fondée à soutenir que le fait de supporter la charge de trois années de loyers pour des locaux inoccupés, sans avoir au préalable recherché activement toutes les solutions envisageables avec le bailleur pour limiter au maximum le montant de cette charge, relève d'une gestion anormale, les effets dommageables du retard pris dans la livraison des nouveaux locaux devant peser non sur le locataire mais sur le bailleur.
5. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Sam Labigne Equipement n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par conséquent, sa requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Sam Labigne Equipement est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Sam Labigne Equipement et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 11 juin 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 25 juin 2020.
Le rapporteur,
H. A...Le président,
F. Bataille
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT02848