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24/01/2020 | FRANCE | N°19NT03286

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 24 janvier 2020, 19NT03286


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 15 novembre 2018 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises de Tunis du 12 septembre 2018 refusant de lui délivrer un visa de retour sur le territoire français.

Par un jugement n°1900604 du 11 juin 2019, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de

recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 15 novembre 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 15 novembre 2018 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision des autorités consulaires françaises de Tunis du 12 septembre 2018 refusant de lui délivrer un visa de retour sur le territoire français.

Par un jugement n°1900604 du 11 juin 2019, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 15 novembre 2018 et enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. D... le visa de long séjour sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 août 2019, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 11 juin 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... D... devant le tribunal administratif de Nantes.

Le ministre soutient que :

­ le tribunal a commis une erreur d'appréciation en ne retenant pas le motif d'ordre sécuritaire qu'il avait mis en avant pour s'opposer à la délivrance du visa sollicité par M. D... ;

­ la menace que présente l'intimé pour l'ordre public ressort clairement de la note " blanche " communiquée par les services compétents ;

­ le seul motif tiré de l'ordre public est suffisant, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur le second motif retenu par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France qui est abandonné pour être erroné.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 septembre 2019, M. D..., représenté par Me C... conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la note " blanche " produite par le ministre est dépourvue de valeur probante ;

- il conteste avoir tenu les propos rapportés dans la note " blanche " produite par le ministre ;

- la décision contestée porte une atteinte manifestement disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale qu'il tient des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de l'ancienneté de sa présence et des attaches familiales dont il dispose en France ;

- aucun des moyens soulevés par le ministre n'est fondé.

Vu le jugement attaqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu

­ le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

­ le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.

1. M. B... D..., ressortissant tunisien né le 1er mai 1982 à Clichy-la-Garenne, a sollicité, le 5 juillet 2018, auprès des autorités consulaires françaises à Tunis la délivrance d'un visa " de retour " sur le territoire français. Par une décision du 12 septembre 2018, les autorités consulaires ont refusé de lui délivrer ce visa. M. D... a formé, le 20 septembre 2018, un recours contre cette décision devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France qui l'a rejeté par une décision du 15 novembre 2018. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 11 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. B... D..., la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Pour refuser de délivrer à M. D... un visa " de retour ", la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le motif tiré de ce que la présence en France de l'intéressé représentait une menace pour l'ordre public, le ministre abandonnant en appel, le second motif tiré de ce que son épouse n'était pas intervenue à la procédure.

3. Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur (...) ". Selon l'article L. 212-1 de ce code : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 211-1, les étrangers titulaires d'un titre de séjour (...) sont admis sur le territoire au seul vu de ce titre et d'un document de voyage. ". Aux termes de l'article L. 213-1 du même code : " L'accès au territoire français peut être refusé à tout étranger dont la présence constituerait une menace pour l'ordre public ou qui fait l'objet soit d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire, soit d'un arrêté d'expulsion, soit d'une interdiction de retour sur le territoire français, soit d'une interdiction de circulation sur le territoire français, soit d'une interdiction administrative du territoire. ". En vertu de l'article L. 213-2 de ce code : " Tout refus d'entrée en France fait l'objet d'une décision écrite motivée prise, sauf en cas de demande d'asile, par un agent relevant d'une catégorie fixée par voie réglementaire. (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que la détention d'un titre de séjour par un étranger permet son retour pendant toute la période de validité de ce titre sans qu'il ait à solliciter un visa d'entrée sur le territoire français. Entre dans ces prévisions l'étranger qui, bien qu'ayant égaré son titre de séjour, produit des pièces établissant la validité de ce titre. En ce cas, les autorités consulaires ne disposent pas du pouvoir de refuser, quel que soit le motif invoqué pour justifier leur décision, l'octroi d'un visa d'entrée en France à l'étranger. Il appartient seulement à l'autorité compétente visée par les dispositions de l'article L. 213-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et selon la procédure décrite à l'article L. 213-2 du même code, de pouvoir s'opposer à son entrée en France si l'étranger présente une menace pour l'ordre public.

5. Il ressort des écritures du ministre qu'à la date de sa demande, M. D... était titulaire d'une carte de résident valable du 10 octobre 2013 au 9 octobre 2023. Il n'est pas, par ailleurs, établi ni même allégué que l'intéressé aurait perdu son droit au séjour à raison du fait qu'il aurait, à la date de sa demande, quitté le territoire français depuis plus de trois ans. Dans ces conditions, eu égard à ce qui a été dit au point précédent, les autorités consulaires ne pouvaient refuser à M. D..., qui était titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, le visa qu'il sollicitait. Ainsi, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ne pouvait légalement, quel que soit le motif invoqué, rejeter son recours dirigé contre cette décision.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

Sur les frais liés au litige :

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. D... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. D... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... D....

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, président-assesseur,

- M. A...'hirondel, premier conseiller,

- Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique le 24 janvier 2020.

Le rapporteur,

M. E...

Le président,

C. BRISSON

Le greffier,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 19NT03286


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT03286
Date de la décision : 24/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : BELALMI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-01-24;19nt03286 ?
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