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23/01/2020 | FRANCE | N°19NT02428

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 23 janvier 2020, 19NT02428


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 10 avril 2018 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré ou tout pays vers lequel il est légalement admissible.

Par un jugement n° 1810740 du 21 février 2019, le tribunal administr

atif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 10 avril 2018 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré ou tout pays vers lequel il est légalement admissible.

Par un jugement n° 1810740 du 21 février 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juin 2019, M. E..., représenté par la Selarl C... Caron Bouche, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat au bénéfice de Me C... la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 34 et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet était tenu de joindre l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) à son arrêté ;

- le préfet ne justifie pas de ce que les médecins composant ce collège ont été régulièrement nommés par le directeur général de l'OFII ; il n'est pas non plus établi que le médecin qui a établi le rapport médical n'a pas siégé au sein du collège de médecins ; l'avis du collège de médecins a omis de mentionner s'il pouvait bénéficier effectivement d'un traitement dans son pays d'origine ; l'avis ne permet pas de savoir s'il a fait l'objet d'une convocation au stade de l'élaboration de l'avis et s'il a fait l'objet d'examens complémentaires ; ces irrégularités entachent l'arrêté d'illégalité ;

- l'arrêté méconnaît le 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

Par un mémoire en défense enregistré le 2 octobre 2019, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'il s'en remet à ses écritures de première instance et que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.

Par une décision du 21 mai 2019, M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Des pièces complémentaires produites par M. E... ont été enregistrées le 30 décembre 2019 postérieurement à la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- et les observations de Me A..., représentant M. E....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant algérien né le 24 janvier 1976, déclare être entré régulièrement en France le 7 février 2016. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 10 avril 2018, le préfet de la Loire-Atlantique a pris à son encontre un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré ou tout autre pays pour lequel il établit être admissible. M. E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cet arrêté. Il relève appel du jugement du 21 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an, portant la mention vie privée et familiale, est délivré de plein droit (...) : / (...) / 7. au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ".

3. Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. ".

4. En premier lieu, contrairement à ce que soutient M. E..., ces dispositions n'imposent pas au préfet, lorsqu'il prend une décision de refus de titre de séjour, de communiquer à l'intéressé l'avis du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Il est en outre constant que cet avis a été transmis à M. E... dans le cadre de la procédure de première instance. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'absence de communication de cet avis entraîne l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.

5. En deuxième lieu, il ressort de la décision du directeur général de l'OFII du 12 octobre 2017, modifiant la décision du 17 janvier 2017 portant désignation au collège de médecins à compétence nationale de l'OFII, que les Dr Amoussou, Sebille et Joseph avaient compétence pour siéger au sein de ce collège. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que ces médecins n'ont pas été régulièrement nommés par le directeur général de l'OFII.

6. En troisième lieu, il ressort de l'attestation de la directrice territoriale de l'OFII que le rapport médical a été établi par le Dr Pintas, qui n'a pas siégé au sein du collège. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

7. En quatrième lieu, il ressort de l'avis émis le 12 décembre 2017 que le collège de médecins de l'OFII a estimé que, si l'état de santé de M. E... nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, le collège n'était pas tenu de se prononcer sur la possibilité pour M. E... de bénéficier d'un accès effectif à un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

8. En cinquième lieu, la lecture de l'avis du collège de médecins de l'OFII permet de constater que l'intéressé n'a pas été convoqué pour examen au stade de l'élaboration de l'avis et qu'aucun examen complémentaire n'a été sollicité. Par suite, le moyen tiré de ce que l'avis ne mentionne pas ces informations manque en fait et doit être écarté.

9. En sixième lieu, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'OFII venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

10. Pour refuser la délivrance du titre de séjour demandé, le préfet de la Loire-Atlantique s'est fondé notamment sur l'avis du collège de médecins du 12 décembre 2017 indiquant que l'intéressé nécessite une prise en charge médicale mais que le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

11. En l'espèce, si le requérant allègue qu'il est atteint d'une lourde pathologie psychiatrique, il produit seulement des documents relatifs à la qualité du système de soins en Algérie. Il ne produit ainsi aucune pièce relative aux conséquences qu'aurait un défaut de prise en charge de sa pathologie psychiatrique. Ces éléments ne sont ainsi pas susceptibles de remettre en cause l'avis du collège de médecins. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ne peut qu'être écarté.

12. En septième lieu, M. E... ayant uniquement déposé une demande de titre de séjour pour raisons de santé, il ne peut utilement se prévaloir des stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. Il ressort des pièces du dossier que M. E... séjournait en France depuis deux ans et deux mois à la date de la décision contestée. Il a ainsi vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de quarante ans, avec son épouse et ses enfants. Il est en outre constant que son épouse est également en situation irrégulière. Si M. E... fait valoir que deux de ses enfants sont scolarisés, que le troisième est né en France, que ses parents, deux de ses frères et sa soeur résident en France et qu'il a tissé en France des liens amicaux, ces éléments ne sauraient caractériser une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale, dès lors que, comme il a été rappelé, M. E... est arrivé récemment en France et qu'il a vécu l'essentiel de sa vie en Algérie. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 6 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- M. D..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 23 janvier 2020.

Le rapporteur,

H. D...Le président,

F. Bataille

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT02428


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02428
Date de la décision : 23/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Harold BRASNU
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : SELARL BOEZEC CARON BOUCHE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-01-23;19nt02428 ?
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