Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal des pensions d'Orléans, par une requête enregistrée le 16 février 2018, l'annulation de la décision du 18 juillet 2017 de la Caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) rejetant sa demande de prise en charge des actes de kinésithérapie à visée antalgique prescrits par son médecin traitant.
Par un jugement n° 18/00002 du 9 novembre 2018, le tribunal des pensions d'Orléans a rejeté cette demande.
Par un arrêt du 13 septembre 2019, la cour régionale des pensions militaires, saisie d'une requête d'appel par M. B... a, en application des dispositions des articles 51 de la loi n°2018-307 du 13 juillet 2018 et 3 du décret n°2018-1291 du 28 décembre 2018, ordonné la transmission de la requête de M. B... à la cour administrative d'appel de Nantes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et quatre mémoires, enregistrés respectivement le 9 janvier 2019, le
5 septembre 2019, le 13 septembre 2019 et le 15 janvier 2020, M. B... demande à la cour, après avoir indiqué qu'il entendait agir lui-même sans avoir recours à un avocat :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions d'Orléans du 9 novembre 2018 ;
2°) d'annuler les décisions de refus de soins du 11 septembre 2017 et du 6 décembre 2017 ainsi que l'arrêté du 25 février 2008 du ministre de la Défense en ce qu'il comporte des mentions erronées au titre de ses infirmités ;
3°) de reconnaître ses périodes de maladie, soit du 1er mai 2000 au 1er septembre 2002, puis du 9 novembre 2002 au 31 mars 2003, comme étant à plein traitement et condamner l'Etat à lui verser à ce titre les sommes de 5125, 70 euros et 15 9333, 26 euros majorée des intérêts de retard ainsi que des intérêts compensatoires à compter du 21 juin 2009 ;
4°) de procéder à la révision de sa pension en raison de l'aggravation de son état ;
5°) de condamner l'Etat à lui verser une rente viagère d'invalidité à l'indice majoré 641 à compter du 1er avril 2003 ainsi qu'une allocation temporaire d'invalidité à compter du
1er octobre 2002 et une troisième rente viagère d'invalidité pour " électro-sensibilité " ;
6°) de condamner l'Etat à lui verser la majoration spéciale d'assistance d'une tierce personne ;
7°) de condamner l'Etat au versement d'une indemnité en raison des fautes commises du fait du fonctionnement défectueux du service public, du préjudice de carrière qu'il a subi à cause de son infirmité, de l'impossibilité de souscrire une assurance dépendance, du refus de garantir les emprunts nécessaires à l'achat de matériels adaptés ;
8°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 25 000 euros au titre des divers frais de justice qu'il a dû engager ainsi que de 9 000 euros en raison du mauvais fonctionnement de la justice, caractérisé par l'audience irrégulière du tribunal des pensions et la durée excessive de la procédure ;
9°) de reconnaître son droit à partir en retraite à compter du 1er avril 2003 pour invalidité imputable au service ;
10°) de reconnaître son droit à ce que soient pris en charge les actes de kinésithérapie à visée antalgique prescrits par son médecin traitant ainsi que, plus généralement, les préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux résultant de l'application de la nomenclature dite " Dintilhac ";
11°) d'annuler l'ensemble des dispositions réglementaires ne prévoyant pas cette prise en charge ;
12°) de condamner personnellement l'ensemble des autorités et agents responsables de ces dysfonctionnements et de recevoir sa constitution de partie civile ;
13°) de faire procéder à l'affichage de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi que les textes à valeur constitutionnelle ;
14°) d'ordonner toute mesure d'instruction utile et d'appeler la CNMSS à l'instance ;
15°) d'enjoindre à l'administration de procéder à la reconstitution de sa carrière ;
16°) d'enjoindre à l'administration de lui communiquer la nomenclature dite " Dintilhac " et lui reconnaître sa qualité de " lanceur d'alerte ", de lui délivrer une carte à puces répertoriant l'ensemble de ses infirmités, de dresser une nouvelle fiche descriptive de ses infirmités dans un délai de 3 semaines assorti d'une astreinte de 100 euros par jour de retard ;
17°) d'enjoindre à l'administration de créer des commissions de recours amiable.
Il soutient que :
- le commissaire du gouvernement ayant conclu devant le tribunal a été irrégulièrement nommé ;
- le jugement du tribunal des pensions est irrégulier pour non-respect du principe du contradictoire et des droits de la défense ;
- ce jugement est également entaché d'irrégularité en raison de l'absence d'impartialité des magistrats qui y ont siégé ;
- les règles fixées par le code de procédure civile en ce qui concerne la révision n'ont pas été respectées ;
- l'organisation des soins et prestations aux anciens combattants invalides n'est pas conforme aux principes constitutionnels de solidarité, d'égalité et de fraternité ;
- c'est en méconnaissance de ces principes ainsi que de l'article L.1110-5-3 du code de la santé publique que lui ont été refusé le bénéfice de massages à visées antalgique.
M. B... a également déposé une question prioritaire de constitutionnalité relatives au droit de se défendre lui-même sans avocat.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés le 5 septembre 2019 et le 17 octobre 2019, la ministre des armées conclut au rejet de la requête et à ce qu'une amende de 3000 euros pour recours abusif soit infligée à M. B... ;
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés ;
- les propos outranciers du requérant justifient la mise en oeuvre de l'article R.741-12 du code de justice administrative.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n°2018-607 du 13 juillet 2018 ;
- le décret n°2018-1291 du 28 décembre 2018 ;
- le décret n°2018-1292 du 28 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lenoir, président,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- et les observations de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. L'article L. 113-1 du code de justice administrative dispose : " Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu'à un avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai ".
2. Le V de l'article 51 de la loi du 13 juillet 2018 " relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense " a prévu le transfert, à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er janvier 2020, du contentieux relatif aux pensions militaires d'invalidité et de victimes de guerre aux juridictions administratives de droit commun, en l'état de la procédure en cours suivie précédemment devant les tribunaux départementaux des pensions et les cours régionales des pensions, sans qu'il y ait lieu de renouveler les actes, formalités et jugements régulièrement intervenus antérieurement. La date d'entrée en vigueur du transfert du contentieux des pensions d'invalidité a été fixée au 1er novembre 2019 par l'article 6 du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 " portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif pris pour l'application de l'article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ".
3. Les recours contentieux en cette matière sont désormais, sous réserve des dispositions des articles L. 711-2 à L. 711-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, introduits, instruits et jugés conformément au code de justice administrative en vertu des dispositions de l'article L.77-14-1 de ce code.
4. L'article L. 711-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dispose que : " Le demandeur comparaît en personne et peut présenter des observations orales. Il peut se faire assister ou représenter par la personne de son choix. ". L'article L.711-3 de ce même code prévoit que les personnes formant un recours contentieux contre les décisions individuelles prises en cette matière bénéficient de plein droit de l'aide juridictionnelle sans condition de ressources.
5. Aux termes du 1er alinéa de l'article R. 811-7 du code de justice administrative : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 774-8, les appels ainsi que les mémoires déposés devant la cour administrative d'appel doivent être présentés, à peine d'irrecevabilité, par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2 " et aux termes de cette dernière disposition : " Les requêtes et les mémoires doivent, à peine d'irrecevabilité, être présentés soit par un avocat, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation (...) ".
6. La requête de M. B... pose deux questions :
1°) Les dispositions de l'article L. 711-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans leur rédaction issue de la loi n°2018-607 du 13 juillet 2018 doivent-elles être interprétées comme dispensant les demandeurs du ministère d'avocat devant les cours administratives d'appel par dérogation aux règles fixées par l'article R. 811-7 du code de justice administrative '
2°) En cas de réponse négative à la première question, y-a-t-il lieu de considérer, eu égard aux modalités d'entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 2018 prévues par le V de l'article 51 de ce texte, que l'obligation de ministère d'avocat est également applicable aux requêtes enregistrées devant les cours régionales des pensions avant le 1er novembre 2019 et transférées aux cours administratives d'appel à cette date, alors que les requérants étaient, jusqu'à ce transfert, dispensés du ministère d'avocat '
7. Ces deux questions constituent des questions de droit nouvelles présentant une difficulté sérieuse et susceptibles de se poser dans de nombreux litiges. Dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer sur la requête de M. B... et de transmettre pour avis sur ces questions le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat.
DECIDE :
Article 1er : Le dossier de la requête de M. B... est transmis au Conseil d'Etat pour examen des questions de droit suivantes :
1°) Les dispositions de l'article L. 711-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans leur rédaction issue de la loi n°2018-607 du
13 juillet 2018 doivent-elles être interprétées comme dispensant, par dérogation aux règles fixées par l'article R. 811-7 du code de justice administrative, les requérants agissant dans le cadre d'une action contentieuse en matière de pensions militaires d'invalidité et de victimes de guerre de l'obligation de se faire représenter par un avocat '
2°) En cas de réponse négative à la première question, y-a-t-il lieu de considérer, eu égard aux modalités d'entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 2018 prévues par le V de l'article 51 de ce texte, que l'obligation de ministère d'avocat est également applicable aux requêtes enregistrées devant les cours régionales des pensions avant le 1er novembre 2019 puis transférées aux cours administratives d'appel à cette date, alors que les requérants étaient, jusqu'à ce transfert, dispensés du ministère d'avocat '
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de M. B... jusqu'à l'avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration du délai de trois mois à compter de la transmission du dossier prévue à l'article 1er.
Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la ministre des armées et au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat.
Délibéré après l'audience du 17 janvier 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 janvier 2020.
Le président-rapporteur,
H. LENOIR Le président-assesseur,
O. COIFFET
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT04180