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30/04/2019 | FRANCE | N°19NT00591

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 30 avril 2019, 19NT00591


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J...P..., M. AF...-JE...AT..., Mme AL...-B...AU..., Mme CU...R..., Mme GG...AV..., Mme HC...AV..., M. FK...AV..., M. U...AW..., Mme AP...AY..., M. AS...DR..., M. DO...AZ..., M. HP...DS..., Mme IC...DS..., M. V...BA..., M. GL...DQ..., M. H...DT..., M. BQ...BB..., M. AS...BC..., M. EV...BD..., Mme Q...BE..., M. CQ...BF..., M. P...BG..., M. EV...BG..., M. AF...-JF...BH..., M. BO...DU..., M. BY...BI..., M. BK...IF..., Mme FO...BL..., M. C...DW..., M. BY...IG..., M. GZ...JC...-AL..., M. FH...DX..., Mme BV...II..., M.

CY...II..., Mme GQ...II..., M. EL...GA..., M. DF...GA..., M. ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J...P..., M. AF...-JE...AT..., Mme AL...-B...AU..., Mme CU...R..., Mme GG...AV..., Mme HC...AV..., M. FK...AV..., M. U...AW..., Mme AP...AY..., M. AS...DR..., M. DO...AZ..., M. HP...DS..., Mme IC...DS..., M. V...BA..., M. GL...DQ..., M. H...DT..., M. BQ...BB..., M. AS...BC..., M. EV...BD..., Mme Q...BE..., M. CQ...BF..., M. P...BG..., M. EV...BG..., M. AF...-JF...BH..., M. BO...DU..., M. BY...BI..., M. BK...IF..., Mme FO...BL..., M. C...DW..., M. BY...IG..., M. GZ...JC...-AL..., M. FH...DX..., Mme BV...II..., M. CY...II..., Mme GQ...II..., M. EL...GA..., M. DF...GA..., M. FJ...GA..., M. FK...BP..., M. FQ...BP..., M. EE...GB..., M. FJ...V..., M. EM...DZ..., Mme DK...HN..., M. AF...-A...HN..., M. CY...HN..., M. FS...GC..., M. C...DY..., M. HH...IJ..., M. ES...W..., M. I...GD..., Mme HM...BR..., M. T...BS..., M. HH...X..., Mme FE...EA..., Mme AL...-JB...BT..., Mme DK...Y..., M. BX...EB..., M. CY...Z..., Mme HC...GF..., Mme IC...GH..., Mme HM...GI..., M. BQ...ED..., M. U...EG..., Mme FT...EH..., M. ES...HR..., M. FQ...GJ..., M. FS...EJ..., Mme FW...D..., M. FV...CA..., M. IH...CC..., Mme AL...-IZ...GM..., M. AE...E..., Mme AJ...CB..., M. BZ...CD..., Mme AL...-JA...CD..., M. H...AB..., M. CY...F..., M. CT...EN..., Mme DJ...CE..., M. AD...HS..., M. FQ...AC..., M. V...EO..., Mme HK...IW..., Mme B...-AL...EQ..., M. FS...EP..., M. FV...HU..., M. CF...ER..., Mme DK...ER..., M. EI...ER..., Mme HA...IL..., M. FK...IL..., M. BY...CG..., M. CT...CH..., M. HL...AF..., M. BN...AG..., M. IH...AI...], M. IB...AH..., Mme AN...EV..., M. IB...EW..., Mme BJ...CK..., Mme DK...EU..., M. BM...HV..., M. T...CL..., Mme·Nadège Leblanc, M. FF...IV..., Mme B...HW..., M. S...HW..., M. U...HW..., M. FX...EX..., Mme DP...IS..., M. EK...EY...-JD..., M. O...EY..., Mme BU...CM..., M. EC...GR..., Mme HT...CN..., M. HP...IN..., M. V...EZ..., M. FF...IO..., Mme FU...IO..., M. H...Lemoine, Mme IK...GS..., M. J...IM..., M. C...IM..., M. HH...GT..., M. CF...Lemoine, Mme GO...EZ..., M. EV...HX..., M. V...FA..., M. CJ...IT..., M. CY...GU..., M. IH...AK..., M. V...IP..., M. K...GW..., M. ES...GV..., Mme GN...GV..., M. DO...FB..., M. AA...HY..., M. CF...HZ..., M.EV... FD..., M. FQ...IU..., M. U...CP..., Mme IE...GX..., M. CF...AL..., Mme GN...AL..., Mme FY...CO..., M. FC...CO..., M. GE...CR..., M. CY...CS..., Mme GK...AM..., M. DM...IA..., Mme HA...HB..., M. BQ...AO..., M. J...L..., M. FS...CV..., M. FK...CX..., Mme DV...HD..., Mme GN...IQ..., M. A...CZ..., M. S...HE..., Mme GN...HE..., M. EV...HE..., M. EF...M..., M. FS...DA..., Mme DJ...DB..., M. CT...DC..., Mme HQ...DC..., Mme FZ...FI..., M. AX...AQ..., Mme DV...IR..., M. DO...AR..., M. AD...-IY...DD..., M. FF...DE..., M. AE...FL..., M. CI...HF..., M. CQ...FM..., Mme FO...FN..., Mme GG...N..., Mme CW...DH..., Mme CO...DI..., M. GP...FP..., MmeIX..., Mme DG...FR..., M. BW...HI..., M. FG...HJ..., M. DF...FS..., M. BQ...ID..., M. AX...DL..., M. CI...DL..., M. FS...DN...et la délégation unique du personnel ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 17 juillet 2018 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (dirrecte) de Normandie a homologué le document unilatéral relatif au projet de licenciement économique des salariés de la société nouvelle AIM Group.

Par un jugement n° 1802209 du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 février 2019 complétée par un mémoire enregistré le 1er avril 2019, M. P... et les autres requérants de première instance ainsi que le comité d'entreprise de la société Aim Group, représentés par Me Brand, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 17 juillet 2018 du direccte de Normandie ;

3°) de mettre à la charge de la société nouvelle Aim Group et de l'Etat le versement à chacun des appelants de la somme de 150 euros au titre des frais de justice.

Ils soutiennent que :

- le comité d'entreprise est recevable à contester cette décision d'homologation.

- la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente ;

- la décision du dirrecte est insuffisamment motivée ;

- l'employeur a méconnu les stipulations de la convention nationale des entreprises de l'industrie et du commerce de la viande en n'associant pas les représentants du personnel à l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi ;

- l'employeur n'a pas respecté les obligations mises à sa charge par l'article 44 quinquies de cette même convention en matière de recherche de reclassement à l'extérieur de l'entreprise, tant dans des entreprises relevant de la même activité que la société Aim Group qu'auprès d'entreprises exerçant une autre activité ;

- l'employeur n'a pas exercé cette recherche en collaboration avec le comité d'entreprise ;

- le plan de sauvegarde de l'emploi n'a été transmis ni à l'administration ni à la commission paritaire de l'emploi contrairement à ce que prévoient les articles 11 et 12 de l'accord national interprofessionnel sur l'emploi du 10 février 1969 ;

- le plan de sauvegarde de l'emploi est insuffisant, tant pour la prise en compte des cas particuliers des salariées enceintes et des salariés présentant des difficultés de réinsertion sociale que plus généralement s'agissant de l'ensemble des mesures d'accompagnement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2019, la société nouvelle Aim Group et son liquidateur MeHG..., représentés par MeET..., concluent au rejet de la requête et au versement d'une somme de 1500 euros au titre des frais de justice.

Ils soutiennent que :

- la délégation unique du personnel n'a pas intérêt pour agir en appel ;

- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 26 mars 2019, la ministre du travail a conclu au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la délégation unique du personnel n'a pas intérêt pour agir en appel ;

- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 7 mars 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 1er avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de commerce ;

- la convention collective nationale des entreprises de l'industrie et des commerces en gros des viandes du 20 février 1969 étendue par arrêté du 31 décembre 1971.

- l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lenoir,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- les observations de MeG..., substituant Me Brand, avocate des requérants, de MeGY..., substituant MeET..., représentant la société nouvelle Aim Group et son liquidateur Me HG...et de M. HO... représentant la ministre du travail.

Considérant ce qui suit :

1. La société nouvelle Aim Group, dont le site d'exploitation se situe sur le territoire de la commune de Sainte-Cécile (Manche), a été constituée en 2015 afin de reprendre un fonds de commerce d'abattoir de porcs. A la suite de la constatation, le 1er décembre 2017, d'une situation de cessation de paiement, elle a fait 1'objet d'une procédure de redressement judiciaire prononcée par un jugement du 3 avril 2018 du tribunal de commerce de Rouen. Par un deuxième jugement du 4 juillet 2018, le même tribunal a prononcé, après avoir constaté l'absence d'offre de reprise de l'activité de cette société, la liquidation judiciaire de cette dernière. Une procédure de licenciements des 235 salariés de la société a alors été engagée et son mandataire judiciaire a transmis au dirrecte de Normandie une demande d'homologation du document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) élaboré selon les modalités prévues par l'article L. 1233-24-4 du code du travail. Cette homologation a été prononcée par une décision prise par le dirrecte le 17 juillet 2018 et a fait ensuite l'objet d'un recours contentieux devant le tribunal administratif de Caen. M. P...et les autres requérants relèvent appel du jugement du 13 décembre 2018 par lequel ce tribunal a rejeté leur demande d'annulation de cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué et sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur la recevabilité des conclusions présentées au nom du Comité d'Entreprise de la société nouvelle Aim Group :

S'agissant de la légalité externe de la décision du 17 juillet 2018 :

2. Il y a lieu, tout d'abord, de rejeter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision en cause, la circonstance que la décision du 28 mai 2018 lui donnant délégation, au nom du dirrecte de la région Normandie, pour signer les décisions prises en application de l'article L. 1233-57-3 du code du travail, ne mentionne pas l'article L. 1233-57-1 du même code étant sans influence sur la régularité de la délégation ainsi consentie et de la décision prise sur son fondement.

3. Les requérants soutiennent en deuxième lieu que la décision qu'ils critiquent serait insuffisamment motivée dès lors qu'aucune des mentions y figurant ne permet de s'assurer que l'administration a vérifié le respect par l'employeur de son obligation de recherche de postes de reclassement à l'extérieur de l'entreprise telle qu'elle lui est imposée par la convention nationale des entreprises de l'industrie et des commerces en gros des viandes.

4. Selon l'article L. 1233-57-4 du code du travail : " L'autorité administrative notifie à l'employeur (...) la décision d'homologation dans un délai de vingt et un jours (...). / Elle la notifie, dans les mêmes délais, au comité d'entreprise et, si elle porte sur un accord collectif, aux organisations syndicales représentatives signataires. La décision prise par l'autorité administrative est motivée ". Si ces dispositions impliquent que la décision qui homologue un document fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi doit énoncer les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, elles n'impliquent en revanche ni que l'administration prenne explicitement parti sur le respect de chacune des règles dont il lui appartient d'assurer le contrôle en application des dispositions des articles L. 1233-57-2 et L. 1233-57-3 du même code, ni qu'elle retrace dans la motivation de sa décision les étapes de la procédure préalable à son édiction.

5. En l'espèce, la décision d'homologation contestée mentionne que le PSE prévoit des mesures favorisant le reclassement externe, en précisant qu'il comporte notamment un contrat de sécurisation professionnelle, une convention d'allocation temporaire dégressive et le financement d'une cellule de reclassement. Par ailleurs, cette même décision mentionne, dans ses visas, la convention collective des entreprises de l'industrie et des commerces en gros des viandes mais le dirrecte n'avait pas, ainsi qu'il l'a été rappelé au point 4, à prendre expressément parti sur l'application des dispositions de cette convention s'agissant des reclassements à opérer à l'extérieur de l'entreprise. Enfin, conformément aux dispositions de l'article L.1233-57-3 du code du travail, le dirrecte a effectivement vérifié, dans le dernier considérant de sa décision, si les mesures contenues dans le PSE étaient proportionnées aux moyens de l'entreprise. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation de la décision du 17 juillet 2018 doit être écarté.

S'agissant de la légalité interne de la décision du 17 juillet 2018 :

En ce qui concerne l'application de la convention collective nationale des entreprises de l'industrie et des commerces en gros de viande du 20 février 1969 :

6. Les requérants font valoir que c'est à tort que l'autorité administrative a homologué le document qui lui était présenté par l'employeur alors que celui-ci n'a pas satisfait aux différentes obligations découlant de l'application de cette convention.

7. Aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. (...) ". Les articles L. 1233-24-1 et L. 1233-24-4 du même code prévoient que le contenu de ce plan de sauvegarde de l'emploi peut être déterminé par un accord collectif d'entreprise et qu'à défaut d'accord, il est fixé par un document élaboré unilatéralement par l'employeur. Puis l'article L. 1233-57-3 du même code indique qu': " En l'absence d'accord collectif (...) l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2 (. . .) ". Enfin, l'article L. 1233-62 du même code du travail dispose que : " Le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures telles que : / (...) 3° Des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi ".

8. Il résulte de la combinaison des dispositions mentionnées au point précédent que, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier la conformité de ce document et du plan de sauvegarde de l'emploi dont il fixe le contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables. A ce titre, lorsqu'un accord de branche ou toutes autres stipulations conventionnelles propre au secteur d'activité dont relève l'entreprise concernée par le document en question prévoient des obligations en matière de reclassement externe qui s'imposent à l'employeur au stade de l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, l'administration doit s'assurer de la conformité à ces stipulations du contenu du plan.

9. En l'occurrence, l'article 44 ter de la convention collective nationale des entreprises de l'industrie et des commerces en gros des viandes du 20 février 1969 stipule que : " (...) La procédure de consultation des représentants du personnel appelés à donner leur avis sur projet de licenciement collectif pour motif économique est précisée par les articles 11 et 12 de l'accord national interprofessionnel sur l'emploi qui figurent en annexe ". L'article 44 quinquies de cette même convention stipule que : " a) L'employeur recherche avec les représentants du personnel et les services administratifs compétents les possibilités de reclassement soit dans la profession, soit hors de la profession, susceptibles de convenir aux salariés dont le licenciement a dû être décidé ainsi que les moyens de formation et de reconversion qui peuvent être utilisés pour eux. Il facilite par les mesures appropriées (contacts avec les services de l'emploi pour l'attribution de l'indemnité de conversion du Fonds national de l'emploi, information, transports) l'accès des cours ou stages à l'intéressé et en octroyant à celui-ci pendant quatre semaines, à raison de deux jours par semaine, une indemnité égale à la différence entre le versement du Fonds national de l'emploi et le salaire antérieur. Les salariés licenciés dans le cadre d'un licenciement collectif pour raison économique d'ordre structurel et qui ont trouvé un nouvel emploi en cours de préavis peuvent quitter l'entreprise sans avoir à payer l'indemnité de préavis correspondant à la partie non exécutée de leur préavis et en conservant le bénéfice de leur indemnité de licenciement calculée suivant le barème prévu par l'article 42 de la présente convention collective. L'employeur ne peut refuser son accord que pour des nécessités de service. Les heures pour recherche d'emploi prévues à l'article 41 de la présente convention collective peuvent être bloquées dans des conditions à établir avec l'employeur. b) Les salariés compris dans un licenciement collectif d'ordre économique bénéficient d'une priorité de réembauchage durant un délai d'un an à compter de la date de leur licenciement, s'ils manifestent le désir d'user de cette priorité dans un délai de deux mois à partir de leur départ de l'entreprise ".

10. En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le respect des stipulations mentionnées au point 9 n'impliquait aucunement de procéder, au stade de l'élaboration du PSE, à la recherche, à l'extérieur de l'entreprise, des possibilités de reclassement des salariés licenciés. Ce n'est, en effet, qu'à compter de la date à laquelle ont été notifiées les décisions de licenciement qu'il pouvait être considéré que ces licenciements étaient " décidés " au sens des stipulations de l'article 44 ter de la convention collective nationale des entreprises de l'industrie et des commerces en gros des viandes du 20 février 1969.

11. En l'occurrence, il ressort des pièces du dossier que les décisions de licenciement découlant de la fin d'activité de la société nouvelle Aim Group ont été notifiées aux salariés concernés à partir du 23 juillet 2018, sans d'ailleurs que l'ensemble des salariés ait été licencié à cette date, la ministre indiquant, sans être contredite, dans son mémoire produit le 26 mars 2019, qu'à la date du 8 février 2019, trois salariés faisaient encore partie de la cellule liquidative. Ce n'est donc qu'à compter du 23 juillet 2018, et en dépit de la circonstance que la liquidation judiciaire de la société nouvelle à la suite de l'absence d'un repreneur impliquait nécessairement une cessation totale et définitive d'activité sans fixation d'un ordre des licenciements, que les stipulations mentionnées au point 9 impliquaient que liquidateur de la société nouvelle Aim Group procède à l'information et à la consultation des institutions représentatives du personnel, ces dernières étant, contrairement à ce que soutiennent les requérants, restées en fonction à cette date.

12. En troisième lieu, il ressort, en tout état de cause, de la lecture des pièces du dossier que les élus du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et ceux de la délégation unique du personnel ont été précisément consultés sur le projet de PSE lors d'une réunion qui s'est tenue le 13 juillet 2018, soit antérieurement à la date à laquelle, ainsi qu'il l'a été précisé au point précédent, le licenciement des salariés devait être considéré comme " décidé " au sens des stipulations de la convention du 20 février 1969.

13. En quatrième lieu, il ne résulte d'aucune stipulation tant de cette même convention que de celle de l'accord national interprofessionnel sur l'emploi du 10 février 1969 auquel renvoie l'article 44 ter de la convention en question que l'employeur aurait l'obligation de mettre en oeuvre les mesures prévues par ce dernier texte simultanément avec la première transmission aux représentants du personnel du plan de sauvegarde de l'emploi. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance de ces dernières stipulations doit également être écarté.

14. En cinquième lieu, s'agissant de la mise en oeuvre de l'article 12 de l'accord national interprofessionnel sur la sécurité de l'emploi du 10 février 1969 prévoyant que le plan social doit être communiqué pour information à l'autorité administrative et à la commission paritaire de l'emploi, il ressort des pièces du dossier que ces stipulations ont été, en l'espèce, respectées. Ainsi l'administration, à savoir la Dirrecte, a nécessairement eu connaissance du PSE de la société nouvelle Aim Group avant sa mise en oeuvre définitive dès lors que la transmission de ce document à cette administration a été effectuée le 16 juillet 2018, soit antérieurement à la date à laquelle le PSE devait être finalisé comme indiqué au point 11. De même, il ressort des pièces du dossier que la commission nationale paritaire à l'emploi des entreprises de l'industrie et des commerces en gros des viandes a été saisie de ce même document le 11 juillet 2018 et a répondu à la notification dont elle avait été saisie. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations conventionnelles doit donc également être écarté.

15. Enfin, si les requérants soutiennent que les stipulations conventionnelles mentionnées au point 9 n'auraient pas été respectées faute pour le liquidateur d'avoir mis en oeuvre les dispositions du PSE relatives au respect des critères d'ordre et au reclassement interne et externe des salariés avant l'adoption définitive de ce document, ce moyen doit être écarté dès lors que les stipulations en question n'ont, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points précédent, pas cette portée.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance du contenu du plan de sauvegarde de l'emploi :

16. Conformément aux dispositions de l'article L. 1233-57-3 du code du travail, il appartient à l'administration, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, de contrôler la légalité des dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi fixé par ce document et notamment le respect par ce plan des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du même code ainsi que des dispositions conventionnelles éventuellement applicables. A ce titre, elle doit, au regard de l'importance du projet de licenciement, apprécier si les mesures contenues dans le plan sont précises et concrètes et si, à raison, pour chacune, de sa contribution aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés, elles sont, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire à ces objectifs compte tenu, d'une part, des efforts de formation et d'adaptation déjà réalisés par l'employeur et, d'autre part, des moyens dont dispose l'entreprise. Elle doit également vérifier, conformément aux dispositions de l'article L. 1233-61 du code du travail, que le document qu'elle homologue comporte des mesures spécifiques pour faciliter le reclassement des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle plus difficile.

17. En premier lieu, si effectivement, en application tant de l'article L.1233-61 du code du travail que des stipulations de l'article 12 de l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969, l'employeur doit s'efforcer de prendre en compte, dans le cadre des dispositions relatives au reclassement des salariés dont le licenciement est prononcé, les problèmes spécifiques des salariées en état de grossesse, les requérants n'établissent pas plus qu'en première instance l'existence de situations de cette nature dès lors qu'il ressort des documents communiqués devant la cour qu'aucune salariée n'était en état de grossesse à la date à laquelle l'administration a adopté la décision attaquée, les seuls documents qu'ils ont transmis établissant la naissance de l'enfant d'une salariée le 28 mai 2018.

18. Par ailleurs, le PSE en cause comprend des mesures spécifiques aux cas des salariés âgés ou particulièrement fragilisés définis alternativement comme étant les salariés âgés de plus de cinquante ans au 1er juillet 2018, les parents isolés, les salariés souffrant d'un handicap, les salariés dont les deux membres du couple travaillaient dans l'entreprise et les salariés maitrisant difficilement la lecture et l'écriture. Ces mesures consistent en un montant majoré par rapport aux autres salariés en ce qui concerne l'allocation de frais annexes à la formation, à la création d'entreprise et à la mobilité géographique. Elles consistent également en des propositions de participation à des actions de formation spécifiques aux personnes ayant des difficultés à lire et à écrire. Dès lors, et compte tenu de la situation de la société Aim Group, en cessation d'activité comme indiqué plus haut, les mesures en question doivent être considérées comme suffisantes s'agissant de ces salariés. De surcroit, il ressort des pièces du dossier, et n'est pas contesté par les requérants, que les salariés fragilisés bénéficient également de l'ensemble des autres mesures du PSE, et notamment de la mise en place d'une cellule de reclassement financée par l'Etat, de l'allocation temporaire dégressive et du contrat de sécurisation professionnelle. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que l'administration aurait commis une erreur d'appréciation en estimant qu'au regard des moyens dont disposait la société Aim Group, le plan de sauvegarde de l'emploi ne comportait pas des mesures d'accompagnement adaptées aux caractéristiques des salariés.

19. En deuxième lieu, il ressort de la lecture des dispositions du PSE en question qu'il prévoit la mise en place d'aides à la mobilité et au déménagement, à la création ou à la reprise d'entreprise, d'aides à la formation, d'une aide d'accompagnement à la reprise d'emploi, le recours à l'allocation temporaire dégressive et la signature de contrat de sécurisation professionnelle. Par ailleurs, le reclassement étant impossible au sein de la société nouvelle Aim Group en cessation totale d'activité sans possibilité de reprise, l'employeur a effectué une recherche des reclassements possibles auprès de plusieurs sociétés extérieures au groupe, en leur fournissant avec une précision suffisante les informations leur permettant de faire état des postes disponibles. Cette consultation doit être, en l'espèce, considérée, au vu des éléments figurant au dossier et des moyens limités de cette entreprise en liquidation judiciaire, comme suffisante, l'obligation mise à la charge de l'employeur en la matière n'impliquant pas qu'il aurait dû consulter l'ensemble des sociétés d'abattoirs du département de la Manche ou des départements voisins du lieu d'implantation de la société nouvelle Aim Group.

20. Enfin, et compte tenu tant des mesures énumérées aux points 18 et 19 que des moyens dont disposait la société nouvelle Aim Group, le PSE en cause, pris dans l'ensemble de ses dispositions, pouvait être légalement regardé par l'administration comme contenant des dispositions suffisantes propres à satisfaire aux objectifs mentionnés par les articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du code du travail. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir soutiennent que le dirrecte ne se serait pas livré à un contrôle suffisant de proportionnalité du contenu du plan de sauvegarde au regard des moyens de l'entreprise tel que prévu par les dispositions précitées de l'article L. 1233-57-3 du code du travail.

21. Il résulte de ce qui précède que la requête de M. P...et des autres requérants doit être rejetée.

Sur les frais de l'instance :

1. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat et de MeHG..., mandataire liquidateur de la sociétét Aim Group, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, le versement à M. P... et aux autres requérants des frais de l'instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par Me HG...et la société nouvelle AIM Group au même titre.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 19NT00591 est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société nouvelle Aim Group représentée par Me HG...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. J...P..., premier dénommé de la requête, conformément aux dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la société nouvelle AIM Group et à la ministre du travail.

Copies en sera délivré au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Normandie.

Délibéré après l'audience du 12 avril 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre.

- M. Francfort, président-assesseur.

- Mme Gélard, premier conseiller

Lu en audience publique, le 30 avril 2019.

Le président,

H. LENOIR L'

Le président-assesseur

J. FRANCFORT

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne à la ministre du travail, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT00591


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00591
Date de la décision : 30/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Hubert LENOIR
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : CABINET BRAND ET FAUTRAT

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-04-30;19nt00591 ?
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