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19/11/2018 | FRANCE | N°17NT00561

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 19 novembre 2018, 17NT00561


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MmeB... A... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la commune de Lessay à lui verser une somme de 43 619 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison, d'une part, de l'illégalité fautive de l'arrêté du 19 décembre 2011 du maire de Lessay prononçant son changement d'affectation et, d'autre part, du refus de lui octroyer le versement d'heures supplémentaires.

Par un jugement n° 1501208 du 14 décembre 2016, le tribunal administratif de Caen a condamné

la commune de Lessay à verser à la requérante une somme de 500 euros, a mis à la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MmeB... A... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la commune de Lessay à lui verser une somme de 43 619 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison, d'une part, de l'illégalité fautive de l'arrêté du 19 décembre 2011 du maire de Lessay prononçant son changement d'affectation et, d'autre part, du refus de lui octroyer le versement d'heures supplémentaires.

Par un jugement n° 1501208 du 14 décembre 2016, le tribunal administratif de Caen a condamné la commune de Lessay à verser à la requérante une somme de 500 euros, a mis à la charge de la commune le versement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme A....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 février 2017, Mme A... demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune de Lessay à lui verser :

- une somme de 20 000 euros au titre du préjudice moral ;

- une somme de 7 500 euros au titre du préjudice professionnel ;

- une somme de 16 119 euros correspondant au montant des heures supplémentaires non payées majorée des intérêts légaux à compter du 4 février 2015 ;

3°) d'enjoindre à la commune de procéder au retrait des pièces de son dossier relatives à la procédure ayant abouti à l'arrêté illégal du 19 décembre 2011 ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Lessay le versement d'une somme de 3000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté du 19 décembre 2011 la changeant d'affectation a été annulé pour illégalité ;

- cette décision illégale a été à l'origine de plusieurs préjudices de carrière et a entraîné une disqualification en ce qui concerne ses évaluations ultérieures, qui l'a empêchée de postuler avec toutes ses chances au grade d'attaché territorial ;

- elle a subi un préjudice moral important ;

- l'indemnisation prononcée par le tribunal administratif a été versée avec retard ;

- la commune engage sa responsabilité pour l'avoir affectée sur un poste sans aucune perspective ;

- elle est en droit de percevoir des heures supplémentaires sur la période 2008/2011.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2018, la commune de Lessay conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de Mme A... le versement d'une somme de 2000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

En application des dispositions de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction est intervenue le 2 octobre 2018 à 16 h 00.

Un mémoire, présenté pour MmeA..., a été enregistré le 21 octobre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lenoir,

- les conclusions de Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A...a été recrutée par contrat par la commune de Lessay le 24 mai 2008 en qualité de rédacteur territorial afin d'assurer les fonctions de secrétaire général de cette commune. Par arrêté du 19 décembre 2011, le maire de Lessay a affecté la requérante au poste de rédacteur chargé de la gestion administrative des marchés publics, du logement, des dossiers sociaux et de l'état civil. Cet arrêté a été annulé par un jugement devenu définitif du tribunal administratif de Caen du 19 juin 2012, au motif que la décision en question devait être qualifiée de sanction et était dès lors illégale puisque prise sans que n'aient été respectées les dispositions de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 relatif à la procédure disciplinaire des fonctionnaires territoriaux. Par un autre jugement du 14 décembre 2016, le tribunal administratif de Caen, saisi par Mme A...d'une demande d'indemnisation des différents préjudices subis du fait du comportement fautif de la commune de Lessay, a partiellement fait droit à cette demande en allouant à l'intéressée une somme de 500 euros tous intérêts compris en réparation du préjudice professionnel subi par cette dernière et en rejetant le surplus de ses conclusions. Mme A...relève appel de ce jugement en demandant que l'indemnité qui lui a été versée par les premiers juges soit portée à une somme de 43 619 euros.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

S'agissant du paiement des heures supplémentaires :

2. Mme A...fait valoir qu'elle aurait effectué, au cours de la période du 15 mai 2008 au 31 décembre 2011, un total de 1 314 heures supplémentaires non rémunérées par la commune de Lessay, laquelle serait débitrice à son égard d'une somme de 16 119 euros à ce titre. Toutefois, la requérante ne produit, à l'appui de ses allégations, qu'un document, au demeurant peu lisible, établi par elle-même et ne comportant ni intitulé, ni identification de l'agent concerné, ni mention de ce que ce document aurait été édité par un système automatique de pointage, ni enfin que le décompte qu'il contient aurait été validé par la commune. En défense, cette dernière conteste l'existence des heures supplémentaires de travail dont le paiement est demandé, indiquant, sans être contestée, que la charge de travail supplémentaire demandée à Mme A...dans le cadre de ses fonctions de secrétaire général a été prise en compte, comme il se doit pour les fonctions d'encadrement, par le versement d'une indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires ainsi que par l'attribution de la nouvelle bonification indiciaire. Par suite, le document produit par Mme A...est insuffisant pour établir la réalité du préjudice résultant de l'existence d'heures supplémentaires non prises en compte par la commune. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que ce serait à tort que les premiers juges auraient rejeté sa demande d'indemnisation au titre d'heures supplémentaires effectuées et non rémunérées.

S'agissant du préjudice professionnel :

3. Mme A...fait valoir que, compte tenu du comportement fautif de la commune, existant antérieurement à l'édiction de l'arrêté du 19 décembre 2011 et confirmé par l'adoption de cette décision illégale, elle a été privée d'une chance sérieuse d'être promue attaché territorial, grade de catégorie A. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment des évaluations réalisées par la commune et qui ne sont pas utilement démenties par MmeA..., que cette dernière n'a pas démontré qu'elle était en mesure d'exercer les fonctions de secrétaire général d'une commune de 2 000 habitants. Dans ces conditions, et compte tenu des critères requis pour une telle promotion ainsi que nombre de candidats potentiels, la requérante ne démontre ni qu'elle avait une chance sérieuse d'accéder à un grade de catégorie A du cadre des fonctionnaires territoriaux, ni que la décision fautive du 19 décembre 2011 a été de nature à la priver d'une telle possibilité.

4. Si la requérante fait valoir par ailleurs qu'elle aurait subi un traitement discriminatoire de la part de la commune de Lessay, qui aurait compromis ses chances de promotion en lui refusant les formations auxquelles elle postulait, elle ne le démontre aucunement.

5. La requérante soutient enfin que la commune a insuffisamment indemnisé le préjudice résultant de la perte de la nouvelle bonification indiciaire attachée aux fonctions de secrétaire général en procédant avec un retard excessif au versement de la somme de 464,76 euros. Toutefois cette allégation n'est pas avérée puisqu'il ressort des pièces du dossier que la commune a procédé au versement de cette somme le 11 décembre 2012, soit six mois après que soit intervenu le jugement du 19 juin 2012 annulant la décision du 19 décembre 2011, ce qui ne saurait être considéré comme étant un délai déraisonnable.

S'agissant du préjudice moral :

6. Mme A...fait valoir, pour la première fois devant la cour, qu'elle est en droit d'obtenir réparation du préjudice moral qu'elle a subi du fait de l'intervention de l'arrêté du 19 décembre 2011 déclaré illégal. Compte tenu du caractère fautif de la décision du 19 décembre 2011 mettant fin à ses fonctions de secrétaire général pour l'affecter sur un poste comportant des responsabilités moindres, la requérante est effectivement fondée à demander réparation du préjudice moral résultant de ce déclassement. Il en sera fait une juste appréciation en condamnant la commune de Lessay à verser à ce titre une indemnité d'un montant de 1 000 euros.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme A...est seulement fondée à demander que l'indemnité que le tribunal administratif de Nantes a condamné la commune de Lessay à lui verser soit portée à la somme de 1500 euros.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Mme A...demande à la cour d'enjoindre à la commune de procéder au retrait des pièces de son dossier relatives à la procédure ayant abouti à l'arrêté illégal du 19 décembre 2011. L'exécution du présent arrêt, qui statue sur la responsabilité de la commune de Lessay à raison de l'illégalité fautive résultant de l'intervention de l'arrêté du 19 décembre 2011 annulé par le tribunal administratif de Caen, n'implique pas qu'il soit enjoint à la commune de Lessay de procéder au retrait des pièces sur lesquelles cette commune s'est fondée pour prendre une décision défavorable à l'encontre de la requérante. Il y a lieu par suite de rejeter de telles conclusions à fin d'injonction.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de MmeA..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée par la commune de Lessay au titre des frais liés au litige. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de Mme A...présentée sur le même fondement au titre des mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : La somme de 500 euros que la commune de Lessay a été condamnée à verser à Mme A...par le jugement du 14 décembre 2016 du tribunal administratif de Caen est portée à 1500 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1501208 du 14 décembre 2016 du tribunal administratif de Caen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A...et les conclusions de la commune de Lessay tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...et à la commune de Lessay.

Délibéré après l'audience du 26 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

- Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Pons, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 novembre 2018.

Le président- assesseur,

J. FRANCFORT

Le président-rapporteur,

H. LENOIR

Le greffier,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT00561


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00561
Date de la décision : 19/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Hubert LENOIR
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : CABINET RICHARD HUET

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-11-19;17nt00561 ?
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