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15/02/2018 | FRANCE | N°16NT01225

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 15 février 2018, 16NT01225


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) JLS Matériel a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008, d'une part, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, d'autre part.

Par le jugement n° 1307777 du 12 février 2016, le trib

unal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) JLS Matériel a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008, d'une part, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, d'autre part.

Par le jugement n° 1307777 du 12 février 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 avril 2016, la SARL JLS Matériel, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à sa demande.

Elle soutient que :

- les éléments préalables de l'enquête pénale ne lui ont pas été communiqués ;

- l'enquête pénale a été classée sans suite ;

- la proposition de rectification adressée à la société n'indique pas le fondement juridique de la réintégration des charges ;

- le procès-verbal fondant les redressements est dépourvu de valeur probante dès lors que l'enquête pénale dont elle a fait l'objet a été classée sans suite ;

- c'est à tort que l'administration a remis en cause le caractère déductible de frais de restauration et de déplacement.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 novembre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Delesalle,

- et les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.

1. Considérant que la société à responsabilité limitée (SARL) JLS Matériel, qui exerce une activité d'achat revente de véhicules d'occasion, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration, par des propositions de rectification des 19 décembre 2011 et 21 mars 2012, après avoir écarté la comptabilité comme irrégulière et non probante, a notifié à la société, selon la procédure contradictoire, des rectifications en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée déductible résultant notamment de la réintégration aux résultats de la société des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 une partie des frais remboursés à son gérant et déduits en charges ; que saisie à la demande de la SARL JLS Matériel, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a confirmé la position du service aux termes de son avis du 22 février 2013 ; que la société relève appel du jugement du 12 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008 pour un montant de 1 541 euros, d'une part, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 pour un montant total de 2 841 euros, d'autre part ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. " ;

3. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction, et il n'est pas allégué, que la SARL JLS Matériel, aurait sollicité la communication de documents obtenus par des tiers sur lesquels le service se serait fondé pour établir l'imposition ; qu'il ressort par ailleurs des propositions de rectification du 19 décembre 2011 et du 21 mars 2012 adressées à la SARL JLS Matériel que le vérificateur a communiqué spontanément à la société des extraits du procès-verbal de gendarmerie n° 03129/2009 du 31 janvier 2011 fondant les redressements ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...). " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile ;

5. Considérant que les propositions de rectification du 19 décembre 2011 et du 21 mars 2012 adressées à la SARL JLS Matériel se réfèrent notamment au 1 de l'article 39 du code général des impôts et indiquent que des frais non engagés dans l'intérêt de l'entreprise ne peuvent être admis en déduction ; que, par suite, ces propositions de rectification étaient suffisamment motivées pour permettre à la SARL JLS Matériel de formuler utilement ses observations ;

6. Considérant, en dernier lieu, que dans le cadre de l'enquête pénale visant la SARL JLS Matériel, le Parquet de Nantes a transmis aux services fiscaux, en application de l'article 82 C du livre des procédures fiscales, le procès-verbal de gendarmerie du 31 janvier 2011, lequel a fondé une partie des redressements concernant la société ; que contrairement à ce que soutient la société requérante, la circonstance que l'enquête ait été classée sans suite n'est pas, par elle-même, de nature à remettre en cause la valeur probante de ce document et à entacher d'irrégularité la procédure d'imposition ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...). / 5. Sont également déductibles les dépenses suivantes : / a. Les rémunérations directes et indirectes, y compris les remboursements de frais versés aux personnes les mieux rémunérées ; / b. Les frais de voyage et de déplacements exposés par ces personnes ; / (...). " ; qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; qu'en ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ; qu'en vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis ; que la seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense ; que le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration ;

8. Considérant, en premier lieu, que la SARL JLS Matériel a comptabilisé en charges des frais de restauration au titre des trois exercices clos en 2008, 2009 et 2010 et qui faisaient l'objet d'une écriture globale mensuelle assortie d'aucun justificatif ; que par un courrier du 8 novembre 2011, le service a demandé à la société de lui fournir l'ensemble des factures et des pièces justificatives attestant le caractère professionnel des dépenses comptabilisées par la production de factures assorties des noms et des adresses des clients invités ainsi que du motif de l'invitation ; qu'au vu des justificatifs produits, l'administration a estimé, pour chacun des exercices, qu'une partie de ces frais correspondaient à des dépenses personnelles non exposées dans l'intérêt de l'entreprise dès lors que ces repas avaient été pris soit avec l'associé ou un actionnaire de la société, soit le vendredi soir, le week-end ou pendant la période estivale, soit à proximité de la résidence secondaire de M.B..., ou qu'ils correspondaient à des consommations d'alcool ou bien encore que la note de frais afférente n'était pas annotée ou comportait l'annotation " repas personnel " ; qu'en se bornant dans sa requête à énumérer les noms des clients invités lors de certains de ces repas, et alors que dans certains cas elle ne mentionne qu'un invité pour plus de deux repas facturés, la SARL JLS Matériel ne justifie pas du caractère déductible des charges correspondantes notamment pour l'exercice clos en 2008, seul contesté, que le service était ainsi fondé à remettre en cause ;

9. Considérant, en second lieu, que la SARL JLS Matériel a comptabilisé en charges des frais de déplacements, remboursés à son gérant sur présentation d'états détaillés, pour un montant de 23 217 euros, correspondant à 52 600 kilomètres au titre de l'exercice clos en 2008 ; que l'administration a réintégré une partie de ces frais, faute pour la société contribuable de justifier de leur réalité ou de leur bien-fondé professionnel, en estimant, d'une part, à partir d'un échantillonnage des déplacements effectués au cours de deux semaines en 2008 et prenant en considération des trajets effectués à l'intérieur de la zone visitée, que les distances mentionnées dans les états de frais étaient surévaluées de 25 % et, d'autre part, que des frais correspondaient à des déplacements effectués par son dirigeant à titre personnel, notamment entre sa résidence principale, située en Loire-Atlantique, et sa résidence secondaire, située dans les Landes ; que si la société requérante produit des relevés de péage, elle n'assortit ces pièces d'aucune explication ; que la seule circonstance que le service ait omis d'indiquer l'existence d'une étape à Ancenis sur le trajet effectué le 19 mars 2008 entre Nantes et Les Herbiers, justifiant une différence de 11 kilomètres, ne suffit pas à remettre en cause les énonciations du service quant à l'ampleur de la surévaluation au titre de la période correspondante échantillonnée et constituée des déplacements effectués entre les 17 et 23 mars 2008 et les 6 et 12 octobre 2008 ; que les factures produites établies en 2008 par des sociétés clientes situées dans les départements de l'Aude, de l'Ardèche, des Bouches-du-Rhône, des Pyrénées-Orientales ou du Vaucluse ne sont pas, par elles-mêmes, de nature à justifier la réalité ou le caractère professionnel des déplacements remis en cause par le service au titre de cette année ; que, dans ces conditions, la SARL JLS ne justifie pas du caractère déductible des charges réintégrées par le service au titre des frais de déplacement ;

10. Considérant, en dernier lieu, qu'au titre de l'exercice 2008, la SARL JLS Matériel a comptabilisé en charges des frais d'entretien d'un véhicule figurant sur une facture ; que le service a estimé que cette dépense n'avait pas été exposée dans l'intérêt de l'entreprise après avoir relevé qu'elle se rapportait à un " véhicule personnel " ; que la société requérante n'apporte aucun élément de nature à justifier du caractère déductible de cette charge ;

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

11. Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / (...) / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; / (...). " ; que lorsque l'administration, sur le fondement de ces dispositions, met en cause la déductibilité de la taxe ayant grevé l'acquisition d'un bien ou d'un service, il lui appartient, lorsqu'elle a mis en oeuvre la procédure de redressement contradictoire et que le contribuable n'a pas accepté le redressement qui en découle, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour soutenir que le bien ou le service acquis n'était pas nécessaire à l'exploitation ;

12. Considérant que, compte tenu des mentions des propositions de rectification des 19 décembre 2011 et 21 mars 2012 et de ce qui a été dit au point 8 du présent arrêt, l'administration établit que les biens et services acquis et payés par la SARL JLS Matériel, correspondant à des frais de restauration personnels ou à des frais de contrôle technique ou d'entretien se rapportant à un " véhicule personnel " ou " sans relation avec l'entreprise ", ne revêtent pas le caractère de biens et services utilisés pour les besoins d'opérations imposables au sens de l'article 271 du code général des impôts ; qu'il résulte par ailleurs de ces propositions de rectification, et il n'est pas contesté, que la SARL JLS Matériel a déduit à tort la taxe sur la valeur ajoutée sur l'achat de deux véhicules en vertu de deux factures de complaisance établies par son gérant les 25 novembre 2008 et 14 décembre 2009 ; que, par suite, l'administration fiscale a pu à bon droit estimer que la SARL JLS Matériel ne pouvait déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ou soi-disant grevé les sommes correspondantes ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL JLS Matériel n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL JLS Matériel est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée JLS Matériel et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 1er février 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Delesalle, premier conseiller.

- Mme Malingue, premier conseiller.

Lu en audience publique le 15 février 2018.

Le rapporteur,

H. DelesalleLe président,

F. Bataille

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16NT01225


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16NT01225
Date de la décision : 15/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Hubert DELESALLE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : MILOCHAU

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-02-15;16nt01225 ?
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