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01/06/2017 | FRANCE | N°15NT02762

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 01 juin 2017, 15NT02762


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Autos Good Deal a demandé au tribunal administratif de Nantes de la décharger des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er juillet 2006 au 30 avril 2010, des majorations de 80 % pour manoeuvres frauduleuses prévues par le c de l'article 1729 du code général des impôts dont elles ont été assorties et de l'amende de 5 % prévue par l'article 1788 A du même code.

Par un jugement n° 1302620 du 26 juin 2015, le tribunal adminis

tratif de Nantes a, à l'article 1er, substitué la pénalité de 40 % pour manquement dél...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Autos Good Deal a demandé au tribunal administratif de Nantes de la décharger des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er juillet 2006 au 30 avril 2010, des majorations de 80 % pour manoeuvres frauduleuses prévues par le c de l'article 1729 du code général des impôts dont elles ont été assorties et de l'amende de 5 % prévue par l'article 1788 A du même code.

Par un jugement n° 1302620 du 26 juin 2015, le tribunal administratif de Nantes a, à l'article 1er, substitué la pénalité de 40 % pour manquement délibéré prévue par le a de l'article 1729 du code général des impôts à la pénalité de 80 % et a, à l'article 2, rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 septembre 2015 et un mémoire enregistré le 14 décembre 2016, la SARL Autos Good Deal, puis MeB..., liquidateur judiciaire de la société, représentés par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;

2°) de la décharger des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er juillet 2006 au 30 avril 2010 et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre de la première instance et de l'appel.

Il soutient que :

- la procédure est irrégulière au regard de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales dès lors que ni les factures des fournisseurs allemands ni les pièces, et notamment les procès-verbaux d'audition dressés à l'occasion de la garde à vue du gérant de la société, dont l'administration a obtenu communication auprès de l'autorité judiciaire et sur lesquelles celle-ci s'est fondée ne lui ont été transmises, en dépit de sa demande, sans qu'elle ait été invitée à s'adresser aux services judiciaires ;

- la procédure est irrégulière dès lors que la proposition de rectification du 19 décembre 2011 est fondée sur les procès-verbaux d'audition de son gérant établis à l'occasion d'une garde à vue menée en méconnaissance des droits de la défense, ce que le service ne pouvait ignorer ;

- les années 2006 et 2007 sont prescrites ;

- la procédure est irrégulière dès lors qu'elle a été privée de la possibilité de soumettre le litige au comité de l'abus de droit fiscal ;

- s'agissant de la période allant jusqu'au 25 janvier 2009, elle avait la qualité d'intermédiaire transparent dans son activité de recherche et de fourniture pour des clients français de véhicules d'occasion en provenance d'autres Etats membres de l'Union européenne dès lors qu'elle bénéficiait de mandats de la part de ses clients, qu'elle n'était à aucun moment propriétaire des véhicules et qu'elle était rémunérée par une commission facturée au vendeur ;

- sont sans incidence les conditions d'acheminement des véhicules, les modalités de recherche ou le paiement directement à elle ;

- elle était fondée à appliquer le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge dès lors qu'elle est un assujetti-revendeur, que les acquisitions portent sur des biens d'occasion au sens de l'article 298 sexies du code général des impôts et qu'elle n'a pu déduire aucune taxe sur la valeur ajoutée au titre de ses acquisitions ;

- la détention de factures d'achat des véhicules mentionnant explicitement que ses fournisseurs avaient appliqué le régime de la marge constitue une présomption de ce que ces derniers étaient autorisés à le faire ;

- il n'existe pas de présomption d'irrégularité du régime de la marge lorsqu'apparaît une société de forme commerciale dans la chaîne des propriétaires dès lors qu'une société commerciale et notamment un professionnel européen du secteur automobile peut ne pas être en situation de déduire la taxe sur la valeur ajoutée, que cette possibilité dépend de différents éléments, que cette présomption reviendrait à interdire le régime de la marge dans cette hypothèse en violation de l'article 312 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- une obligation de vérification approfondie à la charge du négociant français, s'il est en présence d'une prétendue présomption d'irrégularité, est irréaliste et est sans rapport avec les obligations d'un opérateur commercial français ;

- le fait qu'il ait existé des intermédiaires espagnols entre l'Allemagne et la France et que le véhicule n'ait pas transité par le pays du fournisseur direct n'était pas de nature à faire douter du caractère licite des opérations ;

- l'amende prévue par 1'article 1788 A du code général des impôts n'est pas fondée dès lors qu'elle n'a réalisé aucune acquisition intracommunautaire taxable à la taxe sur la valeur ajoutée au sens du 2 bis du I de l'article 256 bis du code général des impôts, n'avait aucune auto-liquidation à pratiquer et n'avait pas à déclarer de taxe éligible sur la déclaration prévue au 1 de l'article 287 de ce code ;

- elle doit être déchargée des pénalités de 40 % pour manquement délibéré pour les motifs exposés précédemment.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 24 février 2016 et le 16 décembre 2016, le ministre chargé des finances publiques conclut :

1°) à l'annulation de l'article 1er du jugement ;

2°) au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les pénalités de 80 % pour manoeuvres frauduleuses prévues par le c de l'article 1729 du code général des impôts sont fondées dès lors que la société a délibérément eu recours à l'entremise d'une société espagnole pour procéder à l'achat de véhicules en provenance d'Allemagne alors qu'elle pouvait choisir de s'adresser directement au vendeur allemand et que cette interposition constitue un acte destiné à réduire le pouvoir de contrôle de l'administration ;

- les moyens présentés ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré du non-lieu à statuer sur la demande de décharge des intérêts de retard et des amendes de 5 % prévues par l'article 1788 A du code général des impôts du fait de leur dégrèvement intervenu le 5 mai 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Delesalle,

- et les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.

1. Considérant que la société à responsabilité limitée (SARL) Auto Center Import (ACI) 72, devenue Autos Good Deal, qui exerçait une activité d'intermédiaire de commerce dans le domaine du négoce intracommunautaire de véhicules neufs ou d'occasion, a fait l'objet, en 2010, d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration lui a réclamé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er juillet 2006 au 30 avril 2010 ; que la SARL Autos Good Deal a demandé au tribunal administratif de Nantes de la décharger de ces rappels ainsi que des majorations de 80 % pour manoeuvres frauduleuses dont ils ont été assorti s et des amendes de 5 % prévue par l'article 1788 A du code général des impôts pour un montant total de 4 167 039 euros ; que par un jugement du 26 juin 2015, le tribunal a, à l'article 1er, substitué la pénalité de 40 % pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts à cette pénalité de 80 % et a, à l'article 2, rejeté sa demande de décharge ; que la SARL Autos Good Deal, aux droits de laquelle vient MeB..., agissant en qualité de mandataire-liquidateur à la suite du placement en liquidation judiciaire de la société par un jugement du 24 novembre 2015 du tribunal de commerce du Mans, relève appel de l'article 1er du jugement en tant qu'il a maintenu une pénalité de 40 % et de son article 2 ; que par la voie de l'appel incident, le ministre chargé des finances publiques relève appel de son article 1er en tant qu'il a substitué une pénalité de 40 % à la pénalité de 80 % infligée initialement ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que par des décisions du 5 mai 2017 prises en application de l'article 1756 du code général des impôts, postérieures à l'introduction de la requête, le service a accordé un dégrèvement des intérêts de retard, d'un montant de 127 635 euros, et de l'amende prévue par l'article 1788 A du code général des impôts, d'un montant de 43 217 euros ; que la demande de Me B...est ainsi devenue sans objet dans cette mesure ; qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. " ;

4. Considérant que Me B...soutient que la société n'a pas reçu communication des documents obtenus par l'administration fiscale auprès des autorités judiciaires, et en particulier des procès-verbaux d'audition dressés à l'occasion de la garde à vue de son gérant, et des factures des fournisseurs allemands sur lesquels le service s'est fondé ; que, toutefois, il ne résulte pas des termes du courrier du 20 février 2012 rédigé en des termes généraux en réponse à la proposition de rectification du 19 décembre 2011, que la SARL ACI 72 en aurait formellement sollicité la communication ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure au regard de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 81 du livre des procédures fiscales : " Le droit de communication permet aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette et le contrôle des impôts, d'avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 82 C du même livre: " A l'occasion de toute instance devant les juridictions civiles ou criminelles, le ministère public peut communiquer les dossiers à l'administration des finances " ; qu'eu égard aux exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ces dispositions ne permettent pas à l'administration de se prévaloir, pour établir l'imposition, de pièces ou documents obtenus par une autorité administrative ou judiciaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge ;

6. Considérant que la circonstance, à la supposer même établie, que l'administration se serait fondée sur les procès-verbaux d'audition dressés à l'occasion de la garde à vue du gérant de la SARL ACI 72, obtenus auprès de l'autorité judiciaire par l'administration dans le cadre de son droit de communication, et déclarés illégaux par un arrêt du 15 mars 2012 de la cour d'appel d'Angers confirmé par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 14 novembre 2013, est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ;

7. Considérant, en dernier lieu, que l'administration a adressé à la SARL ACI 72 une première proposition de rectification, le 22 décembre 2010, faisant notamment état de ce qu'elle avait commis un abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; qu'elle lui a toutefois adressé une seconde proposition de rectification du 19 décembre 2011, qui s'est intégralement substituée à la précédente, ainsi qu'elle le précisait, et qui, contrairement à ce que soutient MeB..., a abandonné la qualification d'abus de droit ; que, dans ces conditions, en ne donnant pas suite à la demande faite par la société le 5 mai 2011 de saisir le comité de l'abus de droit fiscal, le service n'a privé celle-ci d'aucune garantie ; que, dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition doit être écarté ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la prescription :

8. Considérant qu'en application des dispositions du premier alinéa de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce, pour la taxe sur la valeur ajoutée, jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition de la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2° de l'article 269 du code général des impôts ; que selon le quatrième alinéa de cet article, dans le cas où l'exercice ne correspond pas à une année civile, le délai de reprise de l'administration part du début de la première période sur laquelle s'exerce le droit de reprise en matière d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés et s'achève le 31 décembre de la troisième année suivant celle au cours de laquelle se termine cette période ; que l'article L. 189 du même livre prévoit que la prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification ; que l'irrégularité éventuelle de la vérification de comptabilité entraîne celle de toute la procédure d'imposition, y compris la proposition de rectification qui perd ainsi tout effet interruptif de la prescription ;

9. Considérant qu'à supposer même que le service aurait irrégulièrement refusé de faire droit à la demande faite par la SARL Good Deal le 5 mai 2011 de saisir le comité de l'abus de droit fiscal à la suite de sa proposition de rectification du 19 décembre 2011, cette circonstance n'aurait pas pour effet de priver celle-ci d'effet interruptif ; qu'en tout état de cause, d'une part, il résulte de ce qui été dit au point 6 que le service n'a commis aucune irrégularité sur ce point, et, d'autre part, l'absence d'effet interruptif ne concernerait pas les rappels notifiés au titre de l'année 2007 ;

En ce qui concerne la qualité de mandataire transparent pour les rappels de taxe sur la valeur ajoutée du 1er juillet 2006 au 29 janvier 2009 :

10. Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts: " Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises " ; qu'aux termes du V du même article: "L'assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d'autrui, qui s'entremet dans une livraison de bien ou une prestation de services, est réputé avoir personnellement acquis et livré le bien, ou reçu et fourni les services considérés. " ; qu'aux termes du III de l'article 256 bis du même code : " Un assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d'autrui, qui s'entremet dans une acquisition intracommunautaire, est réputé avoir personnellement acquis et livré le bien " ; et qu'aux termes de l'article 266 dudit code : " 1. La base d'imposition est constituée : / (...) / b) Pour les opérations ci-après, par le montant total de la transaction : - opérations réalisées par un intermédiaire mentionné au V de l'article 256 et au III de l'article 256 bis (...) " ; qu'un intermédiaire agit au nom d'autrui s'il met en relation deux personnes qui contractent entre elles ; qu'il en est de même pour l'intermédiaire qui contracte personnellement avec le tiers lorsque, soit le contrat mentionne expressément qu'il agit au nom d'autrui soit, en l'absence de contrat écrit, la facture est établie directement par le commettant ou par l'intermédiaire en faisant apparaître que celui-ci agit au nom d'autrui, soit enfin, en l'absence de facture, que les circonstances de droit ou de fait permettent d'établir que le tiers avait connaissance du fait que l'intermédiaire agissait au nom d'autrui ;

11. Considérant que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée trouvent leur fondement dans les justificatifs produits par la société elle-même au cours de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet ainsi que dans l'exploitation des informations obtenues dans le cadre de l'assistance internationale exercée ; qu'il résulte de l'instruction que la SARL ACI 72 proposait à des clients particuliers français de rechercher pour leur compte des véhicules d'occasion auprès de négociants spécialisés implantés dans un autre Etat membre de l'Union européenne, en particulier l'Espagne ; que, toutefois, les véhicules provenaient principalement d'Allemagne, les recherches s'effectuant par l'intermédiaire d'internet directement auprès de fournisseurs allemands ; qu'une fois le véhicule trouvé, un document intitulé " mandat véhicule d'occasion " ou " bon de réservation véhicule d'occasion " était signé entre la SARL ACI 72 et le client final ; que la société prenait ensuite elle-même en charge le transport ou le convoyage du véhicule d'Allemagne vers la France, sans transiter par l'Espagne, par le recours à des transporteurs professionnels, sans aucun concours des sociétés qui avaient rédigé les factures à destination des particuliers français ; que le client particulier français payait l'intégralité du prix du véhicule, commission comprise, à la SARL ACI 72 au moment où il en prenait la livraison, alors que celle-ci avait préalablement payé la société espagnole, supportant une avance du prix sur sa trésorerie, sans que fussent distingués le montant du prix qui aurait été dû à la société espagnole et le montant d'une commission à lui verser ; qu'en outre, l'administration fait valoir, sans être contredite, que les sociétés espagnoles étaient dépourvues de la structure nécessaire au fonctionnement d'une centrale d'achat et ne disposaient que de la trésorerie transmise par des mandataires pour 1'acquisition de véhicules ; que, dans ces conditions, et en dépit de ce que la société ne devenait pas propriétaire des véhicules, l'administration a pu à bon droit considérer la société comme un intermédiaire opaque ayant acquis et livré les véhicules, imposable en France conformément aux dispositions de 1'article 258 C du code général des impôts, et appliquer aux opérations réalisées le régime de taxe sur la valeur ajoutée prévu par les dispositions de l'article 256 du code général des impôts relatives aux acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par des assujettis agissant en tant que tels ;

En ce qui concerne l'application de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge pour la période du 1er juillet 2006 au 30 avril 2010 :

12. Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 bis du code général des impôts : " 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises (...) 12° bis Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti (..) ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou 1 'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de 1 'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des B ou C de 1 'article 26 bis de la directive n° 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 297 A du même code : " La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion(..) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat (...) " ; qu'aux termes de l'article 297 E du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures ou tous autres documents en tenant lieu " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur implanté en France qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E du code général des impôts, et dont le fournisseur, situé quant à lui dans un autre Etat membre, a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ; que l'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise française connaissait ou ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur la marge ;

13. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 11, au titre de la période du 1er juillet 2006 au 29 janvier 2009, la SARL ACI 72 doit être regardée comme ayant acquis des véhicules en provenance d'Allemagne auprès de sociétés espagnoles, dont les factures mentionnaient l'application du régime de la marge ; qu'au titre de la période du 30 janvier 2009 au 30 avri1 2010, la société requérante a directement acheté les véhicules auprès de fournisseurs allemands ; que 1'administration fait valoir que ces fournisseurs allemands étaient soit des professionnels du secteur automobile, soit des sociétés de location de voitures, dont les opérations réalisées sur ces véhicules avaient donné lieu à déduction de taxe, rendant inapplicable le régime de taxation sur la marge lors de la revente de ces véhicules d'occasion, et produit au soutien de ses allégations un certain nombre de leurs factures qui ne comportent aucune référence à ce régime de taxation ni aucune mention susceptible de laisser penser qu'il aurait été applicable ; qu'en outre, il n'est pas contesté que la SARL ACI 72 recherchait elle-même les véhicules sur des sites internet allemands qui précisaient que la taxe sur la valeur ajoutée était récupérable ou que le remboursement de cette taxe pouvait être demandé ; qu'elle détenait les copies des certificats d'immatriculation des véhicules dont les mentions en révélaient l'origine et l'identité de leurs premiers propriétaires et assurait elle-même le transport ou le convoyage du véhicule d'Allemagne vers la France, sans transiter par l'Espagne ; qu'ainsi, elle maîtrisait les conditions matérielles de l'ensemble de l'opération d'achat, de revente et de livraison du bien ; que, dans ces conditions, la SARL ACI 72, en sa qualité de professionnel du négoce de véhicules d'occasion, n'ignorait pas que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de la taxation sur la marge ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a refusé l'application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ;

Sur les pénalités :

14. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) / c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) " ; qu'il appartient à l'administration, si elle entend faire application des pénalités de 80 % pour manoeuvres frauduleuses, d'établir l'intention du contribuable d'égarer ou de restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration ;

15. Considérant que dans l'hypothèse où le juge estime que le bien-fondé de la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses n'est pas établie, il lui appartient, alors même que l'administration ne le saisit pas d'une demande en ce sens, de rechercher si les éléments qui étaient invoqués par 1'administration pour justifier des pénalités pour manoeuvres frauduleuses permettent, à défaut d'établir ces dernières, de caractériser le manquement délibéré du contribuable et de substituer, au besoin d'office, à la majoration de 80 % appliquée par l'administration la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts ;

16. Considérant que l'administration fiscale a fait initialement valoir, d'une part, que la SARL ACI 72, en sa qualité de professionnel de l'achat et de la vente de véhicules d'occasion, ne pouvait ignorer qu'elle n'était pas en droit de se prévaloir de la qualité d'intermédiaire transparent, pour laquelle elle n'a, au demeurant, produit aucun contrat d'entremise ou mandat de recherche en bonne et due forme et, d'autre part, qu'elle a opportunément établi des mandats de recherche s'apparentant à des bons de commande ; qu'en appel, elle fait valoir que le recours, par la société requérante, à l'entremise d'une société espagnole pour procéder à l'achat de véhicules en provenance d'Allemagne alors qu'elle pouvait s'adresser directement au vendeur allemand, constitue une interposition destinée à réduire le pouvoir de contrôle de l'administration et, partant, une manoeuvre frauduleuse ; qu'elle doit être regardée comme établissant ainsi l'intention de la SARL ACI 72 d'égarer ou de restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration ; que, par suite, c'est à bon droit que le service lui a infligé la majoration de 80 % prévue par le c de l'article 1729 du code général des impôts et c'est à tort que les premiers juges lui ont substituée la majoration de 40 % prévue au a du même article ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Me B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et a maintenu à sa charge une majoration pour manquement délibéré de 40 % ; que le ministre de l'économie et des finances est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif de Nantes a substitué la pénalité de 40 % pour manquement délibéré à l'amende de 80 % pour manoeuvres frauduleuses ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de Me B...tendant à la décharge des intérêts de retard et de l'amende prévue par l'article 1788 A du code général des impôts.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Me B...est rejeté.

Article 3 : L'article 1er du jugement est annulé.

Article 4 : La pénalité de 80 % est remise à la charge de MeB....

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à MeB..., mandataire liquidateur de la SARL Autos Good Deal, et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Aubert, président assesseur,

- M. Delesalle, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er juin 2017.

Le rapporteur,

H. DelesalleLe président,

F. Bataille

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15NT02762


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15NT02762
Date de la décision : 01/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Hubert DELESALLE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : CABINET GUELOT BARANEZ et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2017-06-01;15nt02762 ?
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