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29/09/2016 | FRANCE | N°15NT01935

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 29 septembre 2016, 15NT01935


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...C...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2008.

Par un jugement n° 1401646 du 7 avril 2015, le tribunal administratif d'Orléans a fait droit à leur demande et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la co

ur :

Par un recours et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juin et 30 décembre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...C...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2008.

Par un jugement n° 1401646 du 7 avril 2015, le tribunal administratif d'Orléans a fait droit à leur demande et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juin et 30 décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 7 avril 2015 ;

2°) de remettre à la charge de M. et Mme C...la somme de 16 104 euros.

Il soutient que :

- la proposition de rectification du 21 décembre 2011, qui a été régulièrement notifiée à M. et Mme C...le 23 décembre 2011, comme en atteste la copie de l'avis de réception produite en appel, a eu pour effet d'interrompre le délai de prescription pour l'année 2008 ; la circonstance que la proposition de rectification du 17 septembre 2012, qui s'est substituée à celle du 21 décembre 2011, est motivée différemment, est sans influence sur l'effet interruptif de ce délai ;

- la proposition de rectification du 17 septembre 2012 n'a pas privé les contribuables, qui ont notamment bénéficié d'un nouveau délai de trente jours pour faire connaître leurs observations, ce qu'ils ont d'ailleurs fait le 2 octobre 2012, des garanties inhérentes à la procédure de rectification contradictoire ;

- les moyens tirés tant de l'absence de vérification de comptabilité et de rectification du résultat de la société en participation (SEP) dont M. et Mme C...sont associés que de l'existence, à la date de mise en recouvrement de l'imposition litigieuse, d'opérations de contrôle engagées et non achevées à l'égard de la société en nom collectif (SNC) Nordy Gest, gestionnaire de cette SEP, sont sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition suivie à leur égard, le redressement résultant exclusivement de la remise en cause de la réduction d'impôt prévue par les dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts ;

- les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales n'ont pas été méconnues, le service s'étant fondé sur les renseignements contenus dans l'état joint à la déclaration fiscale de la SEP, qui doit être produit conformément aux dispositions de l'article 95 T de l'annexe II du code général des impôts ;

- la jurisprudence citée par M. et Mme C...relative au dispositif fiscal prévu à l'ancien article 163 tervicies du code général des impôts n'est pas applicable, les investissements réalisés par la SEP relevant de l'article 199 undecies B du même code, lequel subordonne le bénéfice de la réduction d'impôt au caractère commercial du contrat de location ; les contribuables ne contestent pas sérieusement que les contrats de location conclus entre la SEP et les exploitants agricoles avaient un caractère civil en l'absence de participation de cette société ou des contribuables eux-mêmes aux responsabilités et aux risques de l'exploitation ;

- s'agissant des autres moyens invoqués par M. et MmeC..., il s'en remet à ses écritures de première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août 2015, M. et MmeC..., représentés par MeA..., concluent au rejet de la requête et demandent à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par le ministre des finances et des comptes publics ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 16 juin 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 7 juillet 2016.

Un mémoire présenté pour M. et MmeC..., par MeA..., a été enregistré le 7 septembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Delesalle,

- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.

1. Considérant que M. et Mme C...ont bénéficié au titre de l'année 2008 d'une réduction d'impôt sur le revenu, en application des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, correspondant à leur quote-part des dépenses réalisées par la société en participation (SEP) DOM SEP 329 dont ils sont associés et dont la gestion était assurée par la société en nom collectif (SNC) Nordy Gest, pour l'acquisition de plantations de bananes et d'ananas données en location à des exploitants agricoles ; qu'à la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration, estimant que les contrats de location conclus entre la SEP et ces exploitants étaient par nature civils et non commerciaux, a remis en cause cette réduction d'impôt et a notifié à M. et Mme C...une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2008, assortie de pénalités ; que le ministre des finances et des comptes publics relève appel du jugement du 7 avril 2015 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a prononcé la décharge de ce supplément d'imposition ;

2. Considérant que l'article L. 169 du livre des procédures fiscales dispose que : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...) " ;

3. Considérant que l'administration justifie en appel, par la production de la copie de l'avis de réception, qu'une première proposition de rectification du 21 décembre 2011 relative à l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2008 a été régulièrement notifiée à M. et Mme C...le 23 décembre 2011 ; que cette proposition de rectification, dont la régularité n'est pas contestée, a valablement interrompu le délai de prescription ; que la seconde proposition de rectification du 17 septembre 2012 qui y a été ultérieurement substituée n'a pas effacé son effet interruptif de prescription ; que, dès lors, le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le droit de reprise de l'administration était atteint par la prescription et ont prononcé, pour ce motif, la décharge de l'imposition contestée ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance et en appel par M. et MmeC... ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

5. Considérant, en premier lieu, que la circonstance que l'administration avait admis le bien-fondé des observations présentées par M. et Mme C...en réponse à une première proposition de rectification du 23 décembre 2011 ne lui imposait pas d'abandonner le redressement contesté, en l'absence de prescription du délai de reprise, laquelle ressort du point 3 du présent arrêt, et ne l'empêchait pas de fonder ce redressement sur un autre motif, ainsi qu'elle l'a fait dans la seconde proposition de rectification du 17 septembre 2012 notifiée au requérant ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des termes mêmes de leurs écritures que M. et Mme C...se prévalent de la charte du contribuable de septembre 2005 diffusée par note du ministre du budget et de la réforme de l'Etat du 6 octobre 2005 ; qu'à la différence de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, aucune disposition législative ne rend cette charte opposable à l'administration fiscale ; que, dès lors, M. et Mme C...ne sont, en tout état de cause, pas fondés à s'en prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales : " En ce qui concerne les sociétés dont les associés sont personnellement soumis à l'impôt pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société, la procédure de vérification des déclarations déposées par la société est suivie entre l'administration des impôts et la société elle-même (...) " ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la remise en cause de la réduction d'impôt sur le revenu prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts dont M. et Mme C...se sont prévalus à titre personnel à raison d'un investissement outre-mer réalisé en 2008 par la SEP DOM SEP 329 est fondée sur le seul contrôle sur pièces de leur dossier fiscal et non pas également sur une vérification de comptabilité engagée à l'encontre de la société qui gère cette SEP ; qu'en outre, elle ne résulte pas du rehaussement du résultat de cette société imposable entre les mains de leurs associés au prorata de leurs parts en application des dispositions de l'article 8 du code général des impôts relatif au régime d'imposition des sociétés de personnes ; qu'enfin, et contrairement à ce qu'ils soutiennent, la réduction d'impôt pouvait être remise en cause dans le cadre d'un contrôle sur pièces, sans vérification préalable de la comptabilité de la SEP dont ils étaient associés ; que le moyen tiré du détournement de procédure que le service aurait ainsi commis doit, dès lors, être écarté ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition (...) " ;

10. Considérant qu'il résulte des termes de la proposition de rectification du 17 septembre 2012 que l'administration s'est fondée, pour remettre en cause la réduction d'impôt en litige, sur l'état joint à la déclaration fiscale de l'année 2008 établie par la SEP dont M. et Mme C...étaient associés, conformément aux dispositions de l'article 95 T de l'annexe II au code général des impôts en vertu desquelles doivent être indiqués à l'administration notamment la nature précise de l'investissement ainsi que le nom, l'adresse et la nature de l'activité de l'établissement dans lequel cet investissement est exploité ; que l'administration a , sur la base de ces renseignements, constaté que les investissements portaient sur des plantations de bananes et d'ananas qui avaient été données en location à des exploitants agricoles ; qu'elle a estimé que les contrats de location ne revêtaient pas par nature un caractère commercial mais civil et que les investissements n'étaient pas éligibles à la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces constatations et appréciations sont fondées sur des documents ou renseignements obtenus de tiers, autres que les déclarations des SEP, de la teneur et de l'origine desquelles les contribuables ont été informés ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit, dès lors, être écarté ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

11. Considérant qu'aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...) dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole (...) / (...) Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux investissements réalisés par une société soumise au régime d'imposition prévu à l'article 8 (...) dont les parts sont détenues directement, ou par l'intermédiaire d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, par des contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B. En ce cas, la réduction d'impôt est pratiquée par les associés ou membres dans une proportion correspondant à leurs droits dans la société (...) / La réduction prévue au présent I s'applique aux investissements productifs mis à la disposition d'une entreprise dans le cadre d'un contrat de location si les conditions mentionnées aux quatorzième à dix-septième alinéas du I de l'article 217 undecies sont remplies (...) " ; qu'aux termes de ces quatorzième et seizième alinéas du I de cet article 217 : " La déduction prévue au premier alinéa s'applique aux investissements productifs mis à la disposition d'une entreprise dans le cadre d'un contrat de location si les conditions suivantes sont réunies : / (...) 2° Le contrat de location revêt un caractère commercial (...) " ; qu'en l'absence de participation du bailleur aux responsabilités et aux risques de l'exploitation agricole, la location de plants ou de terres agricoles revêt un caractère civil et les revenus qui en résultent ne constituent pas des bénéfices industriels et commerciaux au sens de l'article 34 du code général des impôts ;

12. Considérant que M. et Mme C...ne justifient, ni même d'ailleurs n'allèguent, que les contrats par lesquels les plantations d'ananas et de bananes étaient louées à des exploitants agricoles prévoyaient la participation du bailleur aux responsabilités et aux risques inhérents à leur exploitation ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la mise à disposition de ces plantations au profit de ces exploitants agricoles aurait été effectuée en vertu d'un contrat revêtant, conformément aux dispositions précitées de l'article 217 undecies du code général des impôts, un caractère commercial ; qu'en outre, est sans incidence sur la nature des contrats de location la double circonstance qu'une déclaration de résultat modèle 2031 réservée aux entreprises exerçant une activité industrielle, commerciale ou artisanale soumises à l'impôt sur le revenu aurait été déposée pour la SEP dont ils sont associés et que ses bénéfices seraient imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a estimé que les contrats de location des plantations agricoles ne revêtaient pas un caractère commercial de sorte que la condition prévue par les dispositions précitées des articles 199 undecies B et 217 undecies du code général des impôts pour bénéficier d'une réduction d'impôt n'était pas remplie ;

13. Considérant que l'existence d'une rupture d'égalité de traitement résultant du maintien, au profit d'un autre contribuable ayant investi dans une plantation, du bénéfice de la réduction d'impôt prévue par l'article 199 undecies B du code général des impôts à un autre contribuable C...n'est pas utilement invoquée ;

14. Considérant qu'eu égard à sa date, M. et Mme C...ne peuvent utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle de M. B...du 26 janvier 2012 ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a prononcé la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle M. et Mme C...ont été assujettis au titre de l'année 2008 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. et Mme C...demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 7 avril 2015 est annulé.

Article 2 : La cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle M. et Mme C...ont été assujettis au titre de l'année 2008 est remise à leur charge en droits et pénalités.

Article 3 : Les conclusions de M. et Mme C...tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D...C...et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Aubert, président de chambre,

- M. Delesalle, premier conseiller,

- Mme Chollet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2016.

Le rapporteur,

H. DelesalleLe président,

S. AubertLe greffier,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT019352


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15NT01935
Date de la décision : 29/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme AUBERT
Rapporteur ?: M. Hubert DELESALLE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : SELARL KIHL DRIE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2016-09-29;15nt01935 ?
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