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22/12/2015 | FRANCE | N°14NT00172

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 22 décembre 2015, 14NT00172


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Cormelles-le-Royal a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la société Practicomfort à lui verser la somme de 223 830,10 euros en réparation du préjudice résultant des désordres affectant les plateformes élévatrices pour personnes handicapées que cette société devait installer dans la halle des sports de la commune, de mettre à la charge de la société le somme de 3 498,79 euros en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ainsi que la somme de

3 000 en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Cormelles-le-Royal a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la société Practicomfort à lui verser la somme de 223 830,10 euros en réparation du préjudice résultant des désordres affectant les plateformes élévatrices pour personnes handicapées que cette société devait installer dans la halle des sports de la commune, de mettre à la charge de la société le somme de 3 498,79 euros en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ainsi que la somme de 3 000 en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1202237 du 14 novembre 2013, le tribunal administratif de Caen de a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 14 janvier 2014 et le 10 juin 2015, la commune de Cormelles-le-Royal, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 14 novembre 2013 ;

2°) à titre principal, de condamner la société Practicomfort au paiement d'une somme de 76 663,60 euros TTC, ou, à titre subsidiaire, au paiement d'une somme de 36 780,09 euros HT ;

3°) de condamner la société Practicomfort au paiement d'une somme de 146 120 euros en réparation du préjudice de jouissance subi ;

4°) de condamner la société Practicomfort au paiement de la somme de 1 046,50 euros correspondant aux frais d'expertise amiable qu'elle a engagés ;

6°) de mettre à la charge de la société Practicomfort la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, son intention n'était pas de réceptionner les monte-escaliers ;

- à titre subsidiaire, les réserves qu'elle a émises sur les dysfonctionnements des monte-escaliers n'ont pas été levées ;

- en conséquence, la responsabilité contractuelle de la société Practicomfort doit être engagée en raison des préjudices causés par les manquements à ses obligations contractuelles.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2014, la société Practicomfort, représentée par MeD..., conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête,

2°) à titre subsidiaire, à la limitation de l'indemnisation allouée à la commune à la somme de 13 740,36 euros HT ;

3°) par la voie de l'appel incident, à la condamnation de la commune de Cormelles-le-Royal au paiement de la somme de 15 000 euros assortie des intérêts conventionnels ;

4°) à ce que soit mise à la charge de la commune de Cormelles-le-Royal la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de la commune est irrecevable ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- les observations de MeB..., représentant la commune de Cormelles-le-Royal.

1. Considérant que le 4 juillet 2007, la commune de Cormelles-le-Royal a signé un devis d'un montant de 36 060 euros TTC pour la fourniture et la pose de deux plateformes monte-escalier destinées à permettre l'accès à tous les niveaux de sa salle de sport des personnes à mobilité réduite, avec la société SECMA, ultérieurement reprise par la société Practicomfort, qui a poursuivi l'exécution de la commande en signant un nouveau contrat le 19 novembre 2007 ; que les deux plateformes ont été livrées, l'une en juillet 2008 et l'autre le 23 février 2009 ; que la commune de Cormelles-le-Royal a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Caen afin qu'il ordonne une expertise pour constater les désordres dont étaient affectées ces installations ; qu'à la suite du dépôt du rapport de l'expert désigné, qui précisait que l'ensemble devait être démonté, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a condamné la société Practicomfort au versement à la commune de Cormelles-le-Royal d'une provision de 2 600 euros HT correspondant aux frais de démontage des plateformes ; que la commune de Cormelles-le-Royal relève appel du jugement du 14 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à ce que la société Practicomfort soit condamnée, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des dysfonctionnements des plateformes, au motif que les travaux avaient été tacitement réceptionnés ; que, par la voie de l'appel incident, la société PractiComfort demande la condamnation de la commune de Cormelles-le-Royal à lui verser la somme de 15 000 euros outre la somme de 3 303,60 euros au titre des intérêts conventionnels applicables, en réparation du préjudice qu'elle aurait subi à raison de l'attitude de la commune ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Practicomfort

2. Considérant que, par délibération du 27 avril 2010, le conseil municipal de la commune de Cormelles-le-Royal a donné délégation à son maire pour intenter au nom de la commune les actions en justice ou défendre la commune dans les actions intentées contre elle ; que, par suite, le maire de Cormeilles-le-Royal avait qualité pour présenter au nom de la commune, tant la présente requête, enregistrée au greffe de la cour le 14 janvier 2014, que la demande présentée devant le tribunal administratif de Caen, enregistrée le 8 novembre 2012 ; que la fin de non-recevoir opposée par la société PractiComfort, tirée du défaut de qualité pour agir du maire de Cormelles-le-Royal, doit ainsi être écartée ;

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle de la société Practicomfort :

3. Considérant que lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ; qu'ainsi, lorsque le juge est saisi d'un litige relatif à l'exécution d'un contrat, les parties à ce contrat ne peuvent invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d'office, aux fins d'écarter le contrat pour le règlement du litige ; que, par exception, il en va autrement lorsque, eu égard, d'une part, à la gravité de l'illégalité et, d'autre part, aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat ;

4. Considérant que la société PractiComfort soutient que le maire de la commune de Cormelles-le-Royal n'aurait pas reçu délégation du conseil municipal pour conclure le contrat passé avec la société SECMA, que le maire adjoint de la commune, n'aurait pas non plus reçu délégation pour poursuivre le marché et qu'il n'y a pas de délibérations relatives au paiement de la commande ou aux subventions réclamées et obtenues par la commune ; qu'il ressort toutefois d'un courrier du 19 novembre 2007 que le conseil municipal a été au moins informé du marché conclu et qu'il ne s'est opposé ni à son exécution, ni à son règlement intervenu le 3 mars 2009 ; que, dans les circonstances de l'espèce, le conseil municipal doit ainsi être regardé comme ayant donné son accord a posteriori à la conclusion du contrat en litige ; qu'en l'absence de toute circonstance conférant une gravité particulière aux vices invoqués, l'exigence de loyauté des relations contractuelles s'oppose à ce que le juge écarte le contrat pour régler le présent litige ;

5. Considérant que, sauf stipulations contraires du marché, la prise de possession de l'ouvrage ne peut valoir réception définitive qu'à la condition, d'une part, que l'ouvrage soit achevé ou en état d'être définitivement réceptionné et que, d'autre part, la commune intention des parties ait bien été de le réceptionner définitivement ;

6. Considérant que, si la commune de Cormelles-le-Royal a pris possession des deux plateformes après leur installation et tenté de les mettre en service, et si elle a réglé le montant du marché à la société Practicomfort le 3 mars 2009, il résulte de l'instruction qu'elle a adressé à cette entreprise de nombreux courriers faisant état des dysfonctionnements constatés sur les deux plateformes installées ; que ces échanges témoignent avec précision des défauts techniques fréquents et des risques pour la sécurité des utilisateurs ; que les dysfonctionnements sont confirmés par le rapport de l'expert désigné, dont la compétence ne saurait être sérieusement contestée, qui met en évidence une inadaptation du matériel au site, des malfaçons et même des non-façons au montage, des problèmes de stabilité, de rigidité et de sécurité de la structure, et préconise, dans l'attente de leur démontage, une mise à l'arrêt des appareils ; que, dans ces conditions, l'existence de ces désordres, récurrents et signalés auxquels, en raison de leur importance, il ne pouvait être porté remède par des travaux appropriés d'un faible montant, fait obstacle, compte tenu de ce que l'installation réalisée n'a jamais été en état de fonctionner correctement, à ce que la commune puisse être regardée, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, comme ayant entendu prononcer la réception sans réserves des ouvrages défectueux ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction, en particulier du rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Caen, que les désordres affectant les installations sont imputables à une mauvaise exécution des travaux et à l'incompétence du personnel de la société Practicomfort chargé de la pose du matériel ; que l'examen de la plateforme reliant le rez-de-chaussée au 1er étage a permis de constater que, malgré des travaux de sécurisation, l'ensemble demeurait fragile et dangereux pour la sécurité des passagers ; que la seconde plateforme, reliant le rez-de-chaussée au sous-sol, présentait les mêmes fragilités ; que l'expert a conclu que ce type de matériel était inadapté au site et aux besoins à satisfaire ; que, par suite, la commune de Cormelles-le-Royal est fondée à soutenir que les fautes ainsi commises engagent la responsabilité contractuelle de la société PractiComfort ;

En ce qui concerne les préjudices :

8. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que les deux plateformes installées doivent être démontées et ne peuvent être réparées dans des conditions qui répondraient aux exigences de fiabilité et de sécurité requises pour ce type d'appareils ; qu'outre une évaluation des frais de démontage à la somme de 2 600 euros HT, soit 3 116 euros TTC, la commune a produit un devis relatif à l'installation d'un élévateur pour personnes à mobilité réduite d'un montant total de 61 500 euros HT ; qu'il n'est pas sérieusement contesté que cette installation, si elle est plus adaptée aux besoins à satisfaire, constitue une amélioration par rapport au choix précédemment effectué de recourir à des plateformes monte-escalier, et d'un coût supérieur ; que la société Practicomfort ne saurait être condamnée à prendre en charge ce surcoût ; que, faute pour la commune de présenter un devis portant sur une installation identique à celle des monte-escaliers, il y a lieu de limiter le montant de l'indemnité due à ce titre à la somme de 36 060 euros TTC, correspondant au coût des installations défectueuses ; qu'ainsi l'indemnité due, au titre de la réparation des désordres, par la société Practicomfort, qui ne saurait utilement arguer pour échapper à cette condamnation qu'elle avait proposé l'installation d'un autre type de plateformes, s'élève à la somme de 39 176 euros TTC ;

9. Considérant, d'autre part, que la commune de Cormelles-le-Royal soutient qu'elle a subi un préjudice de jouissance, qu'elle a fait évaluer non contradictoirement par un expert immobilier ; que la méthode employée par ce dernier, fondée sur une comparaison des valeurs locatives de la salle des sports, selon qu'elle est pourvue ou non d'un équipement permettant l'accès des personnes à mobilité réduite, n'est pas de nature établir la réalité et l'importance du préjudice de jouissance invoqué ; qu'en l'absence d'autre élément de nature à justifier la réalité et l'étendue de ce préjudice, la commune ne saurait prétendre à son indemnisation ; qu'en conséquence, l'expertise amiable n'ayant pas servi au règlement du litige, la demande de la commune visant à la condamnation de la société Practicomfort au paiement de la somme de 1 046,50 euros TTC, correspondant au montant des frais et honoraires versés à l'expert, doit également être rejetée ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Cormelles-le-Royal est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande et à demander la condamnation de la société Practicomfort à lui verser la somme de 39 176 euros TTC, dont sera déduite la provision de 2 600 euros déjà versée en exécution de l'ordonnance du 30 juillet 2012 du juge des référés du tribunal administratif de Caen ;

Sur l'appel incident :

11. Considérant que la société Practicomfort demande la condamnation de la commune de Cormelles-le-Royal à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation de dommages qu'elle estime avoir subis résultant du comportement adopté par la commune de Cormelles-le-Royal au cours de l'exécution du contrat, assortie des intérêts conventionnels applicables ; que le préjudice invoqué, fondé sur l'utilisation " gratuite " des deux plateformes pendant vingt-sept mois et sur la prétendue " résiliation de la commande ", n'est pas établi compte tenu de ce que l'installation réalisée par cette entreprise, comme il a été indiqué ci-dessus, n'a jamais été en mesure de fonctionner correctement ; que l'appel incident de la société Practicomfort doit donc être rejeté ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Cormelles-le-Royal, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société Practicomfort au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Practicomfort le versement à la commune de Cormelles-le-Royal d'une somme de 1 500 euros à ce même titre ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 14 novembre 2013 est annulé.

Article 2 : La société Practicomfort est condamnée à verser à la commune de Cormelles-le-Royal la somme de 39 176 euros TTC dont sera déduite la provision de 2 600 euros déjà versée en exécution de l'ordonnance du 30 juillet 2012 du juge des référés du tribunal administratif de Caen.

Article 3 : La société Practicomfort versera la somme de 1 500 euros à la commune de Cormelles-le-Royal en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la commune de Cormelles-le-Royal est rejeté.

Article 5 : L'appel incident de la société Practicomfort et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Cormelles-le-Royal et à la société Practicomfort.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 décembre 2015.

Le rapporteur,

B. MADELAINE Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°14NT001722


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT00172
Date de la décision : 22/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Bernard MADELAINE
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL JURIADIS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-12-22;14nt00172 ?
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