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13/10/2015 | FRANCE | N°14NT02218

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 13 octobre 2015, 14NT02218


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...C...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 13 juin 2013 par laquelle le préfet du Loiret a rejeté sa demande de titre de séjour.

Par un jugement n° 1401046 du 17 juin 2014, le tribunal administratif d'Orléans a annulé cet arrêté, enjoint au préfet du Loiret de réexaminer la demande de M. B...C...et de prendre une nouvelle décision dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euro

s sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...C...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 13 juin 2013 par laquelle le préfet du Loiret a rejeté sa demande de titre de séjour.

Par un jugement n° 1401046 du 17 juin 2014, le tribunal administratif d'Orléans a annulé cet arrêté, enjoint au préfet du Loiret de réexaminer la demande de M. B...C...et de prendre une nouvelle décision dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 août 2014, le préfet du Loiret demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 17 juin 2014 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...C...devant le tribunal administratif d'Orléans.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la situation personnelle et familiale du M. B... C...a été examinée et prise en compte ;

- en tout cas, la fraude commise par l'intéressé permet d'écarter l'éventuelle atteinte à la vie familiale ; en produisant une fausse carte d'identité portugaise pour se maintenir en France, l'intéressé est lui-même à l'origine de la précarité de son séjour ;

- la famille peut se reconstituer dans le pays d'origine ; la maladie de l'enfant Joao peut être prise en charge dans ce pays.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 13 novembre 2014 et le 5 décembre 2014, M. D...B...C..., représenté par Me Duplantier, avocat au barreau d'Orléans, conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce qu'il soit enjoint au préfet du Loiret de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " ou, à défaut, de reprendre l'instruction de son dossier et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour en l'attente de la décision, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

- à ce que soit mise à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet devait procéder à un nouvel examen de la situation personnelle et familiale de l'intéressé ;

- le risque de menace pour l'ordre public n'était pas évoqué dans la décision du 3 octobre 2012 ;

- si la carte de séjour temporaire peut être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité préfectorale d'apprécier cette notion au regard du comportement de l'intéressé dans son ensemble et du droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale ;

- la décision porte une atteinte disproportionnée au respect de ce droit et à l'intérêt de son fils ;

- le préfet n'a pas examiné la demande au regard des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il était saisi sur ce fondement, et n'a pas sollicité l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ;

- la commission du titre de séjour aurait dû également être saisie.

Le président de la section du bureau d'aide juridictionnelle a constaté, par décision du 1er octobre 2014, que M. B...C...conservait le bénéfice de l'aide juridictionnelle accordée par décision du 4 février 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Madelaine.

1. Considérant que M. B...C..., de nationalité brésilienne, entré en France le 24 avril 2005, s'est maintenu sur le territoire français, ainsi qu'il l'a reconnu en 2012, au moyen d'une fausse carte d'identité portugaise ; que par arrêté du 3 octobre 2012, le préfet du Loiret a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ; que l'intéressé a, le 11 février 2013, présenté une demande de régularisation de sa situation au titre de la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012, en se prévalant de l'ancienneté de son séjour et du fait qu'il avait travaillé pendant huit années ainsi que de l'état de santé de son fils ; que, par une décision du 13 juin 2013, le préfet du Loiret a rejeté cette demande ; que le préfet du Loiret relève appel du jugement du 17 juin 2014 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé cette décision et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. B...C... ;

2. Considérant que, lorsque l'autorité compétente envisage de prendre une mesure de refus d'un titre de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français, qui prive un étranger du droit au séjour en France, il lui incombe notamment de s'assurer, en prenant en compte l'ensemble des circonstances relatives à la vie privée et familiale de l'intéressé, que cette mesure n'est pas de nature à porter à celle-ci une atteinte disproportionnée ; que s'il appartient à l'autorité administrative de tenir compte de manoeuvres frauduleuses avérées qui, en raison notamment de leur nature, de leur durée et des circonstances dans lesquelles la fraude a été commise, sont susceptibles d'influer sur son appréciation, elle ne saurait se dispenser de prendre en compte les circonstances propres à la vie privée et familiale de l'intéressé postérieures à ces manoeuvres au motif qu'elles se rapporteraient à une période entachée par la fraude ;

3. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de la décision litigieuse que, si le préfet du Loiret se réfère aux infractions d'escroquerie et d'usage de faux commises par l'intéressé pour estimer que ce dernier ne remplit " aucune des dispositions prévues par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour l'obtention d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", compte tenu d'une situation de fraude manifeste, il renvoie également à sa décision du 3 octobre 2012 dans laquelle il prenait en compte tous les éléments de la situation personnelle et familiale de M. B...C...ainsi que des membres de sa famille, en particulier l'état de santé de son fils, et estimait que sa décision de rejeter la demande de titre de séjour présentée ne portait pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que M. B...C..., dont la situation n'était pas sensiblement modifiée, n'ignorait pas la teneur de cette décision dont il avait en vain contesté la légalité devant le tribunal administratif d'Orléans et la cour de céans ; que, dans ces conditions, le préfet du Loiret est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler la décision du 13 juin 2013, les premiers juges ont retenu qu'elle était affectée d'une erreur de droit faute pour l'autorité administrative d'avoir examiné si, au regard du comportement de l'intéressé et de la menace que ce dernier est susceptible de représenter pour l'ordre public, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ne portait pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...C...tant devant le tribunal administratif d'Orléans que devant la cour ;

5. Considérant, en premier lieu, que M. B...C...a séjourné en France de 2005 à 2012 sous couvert d'une fausse carte d'identité portugaise, permettant ainsi à son épouse d'obtenir frauduleusement un titre de séjour en qualité de conjointe de ressortissant communautaire, faits pour lesquels il a été condamné pénalement ; qu'il invoque la durée de son séjour et les activités professionnelles qu'il a exercées en France ainsi que les liens qu'il a pu nouer notamment dans le monde associatif, sans toutefois établir qu'ils présenteraient une intensité permettant de les regarder comme un élément d'intégration ; que, s'il fait état des difficultés de santé de son fils, il ressort des pièces du dossier, notamment des avis médicaux émis par le médecin de l'agence régionale de santé du Centre, que si le défaut de prise en charge médicale de la pathologie dont souffre l'enfant Joao peut entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'enfin la cellule familiale peut se reconstituer au Brésil ; que, dans ces conditions, et compte tenu du comportement de l'intéressé, le préfet du Loiret n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en estimant que le refus de séjour opposé à M. B... C...ne porterait pas une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ; qu'il n'a pas davantage méconnu l'intérêt supérieur du fils de l'intéressé ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que le préfet qui n'était saisi que d'une demande de régularisation de la situation de M. B...C...au titre des orientations générales de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012, n'était pas tenu, avant de prendre sa décision, de solliciter à nouveau l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du Centre, quand bien même dans sa demande l'intéressé aurait invoqué l'état de santé de son fils ;

7. Considérant, en troisième lieu, que M. B...C...ne saurait soutenir que la décision litigieuse serait entachée d'erreur de droit faute d'avoir examiné sa situation au regard des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que tel n'était pas le fondement sur lequel il sollicitait un titre de séjour ;

8. Considérant, enfin, que, M. B...C...n'étant pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour, le préfet du Loiret n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Loiret est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé sa décision du 13 juin 2013 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de M. B...C...tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet du Loiret de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou à défaut de reprendre l'instruction de son dossier ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement, par application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à l'avocat de M. B...C..., de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 17 juin 2014 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...C...devant le tribunal administratif d'Orléans ainsi que ses conclusions en appel aux fins d'injonction et d'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... B...C....

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 22 septembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- M. Madelaine, faisant fonctions de premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 octobre 2015.

Le rapporteur,

B. MADELAINE Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14NT02218


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14NT02218
Date de la décision : 13/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Bernard MADELAINE
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL DUPLANTIER MALLET GIRY ROUICHI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-10-13;14nt02218 ?
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