La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/12/2014 | FRANCE | N°13NT02410

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 05 décembre 2014, 13NT02410


Vu la requête, enregistrée le 14 août 2013, présentée pour M. B... D..., demeurant..., par MeA... ; M. D... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat au versement d'une somme de 73 510,67 euros au titre des préjudices qu'il aurait subis du fait de sa radiation des contrôles de l'armée de terre ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 72 318,56 euros assortie des intérêts à taux légal à compter du 30 octobre 2009 en réparation

de ces préjudices ;

il soutient que :

- étant en arrêt de maladie, il ne pouv...

Vu la requête, enregistrée le 14 août 2013, présentée pour M. B... D..., demeurant..., par MeA... ; M. D... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat au versement d'une somme de 73 510,67 euros au titre des préjudices qu'il aurait subis du fait de sa radiation des contrôles de l'armée de terre ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 72 318,56 euros assortie des intérêts à taux légal à compter du 30 octobre 2009 en réparation de ces préjudices ;

il soutient que :

- étant en arrêt de maladie, il ne pouvait être regardé comme ayant déserté ; par arrêt devenu définitif du 17 septembre 2009 la cour d'appel d'Angers n'a pas retenu la qualification de désertion et l'a relaxé ;

- la décision de résiliation du 17 janvier 2008 du général de corps d'armée repose sur des fais inexacts et est entachée d'erreur de procédure ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la mise en demeure du 14 décembre

2007, qui fait seulement mention d'une résiliation de son contrat d'engagement sans procédure disciplinaire préalable, l'informait clairement des conséquences d'une absence de présentation à son régiment ; il n'a pu prendre conscience de ce risque de radiation ;

- il a remis en main propre les certificats médicaux justifiant ses arrêts de maladie au service de la chancellerie de la caserne les 6 novembre et 4 décembre 2007 ; l'autorité militaire a fait obstacle à la régularisation de sa situation ;

- ces certificats médicaux de prolongation, qui lui ont été communiqués à sa demande par l'autorité militaire, sont dans son dossier administratif ;

- il a été placé en congé maladie à compter du 21 mars 2007 et les certificats médicaux afférents ont été correctement enregistrés jusqu'au 31 octobre 2007 ; il a été considéré comme en absence irrégulière à compter du 11 octobre 2007 à la suite d'un contrôle médical à son domicile auquel il n'a pu se soumettre du fait d'un dysfonctionnement de sa sonnerie extérieure ; il a été déclaré déserteur à compter du 26 octobre 2007 ; ses certificats médicaux ont cessé d'être enregistrés après cette dernière date ;

- il a régularisé sa situation en se présentant spontanément à sa caserne le 4 décembre 2007 et en présentant des certificats médicaux pour les mois de novembre et décembre 2007 à l'autorité militaire qui l'a de nouveau considéré comme déserteur ;

- étant revenu à plusieurs reprises à la caserne pour rendre son paquetage et ses cartes de circulation, il n'a pas rompu unilatéralement le lien avec le service ;

- il aurait dû être placé en congé de longue maladie à compter du sixième mois d'arrêt de travail, soit le 21 septembre 2007, au vu des dispositions de l'article 2 du décret n° 2006-882 du 17 juillet 2006 ;

- souffrant d'un syndrome anxio-dépressif, il n'a pu prendre conscience des conséquences de sa situation administrative ; il justifie de son état de santé par un certificat du 30 mai 2009 de son médecin traitant ;

- il a subi un préjudice matériel consistant en une perte de son traitement pour la période de 1er octobre 2007 au 3 février 2008 et en frais bancaires résultant des difficultés financières auxquelles il a alors été confronté ; ayant été involontairement privé d'emploi il aurait dû bénéficier des allocations chômage ; les diverses aides qu'il a perçues n'ont pas vocation à être déduites de son préjudice ;

- sa fiche signalétique mentionnant des faits de désertion, il a subi une perte de chance dans sa recherche d'emploi et ses démarches en vue de sa reconversion ; son préjudice moral est avéré ainsi que les troubles dans ses conditions d'existence ; sa situation de précarité est imputable à l'autorité militaire ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2014, présenté par le ministre de la défense qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- la lettre de mise en demeure du 14 décembre 2007 précise qu'en application des dispositions de l'article 57-II du code de la défense le contrat d'engagement du requérant était susceptible de résiliation pour désertion ; elle n'avait pas à préciser que cette mesure peut être prise sans procédure disciplinaire préalable ; par un arrêt du 21 septembre 2011, le Conseil d'Etat a statué sur ce point en considérant que cette mise en demeure l'informait précisément des conséquences disciplinaires encourues ;

- la présence d'un arrêt de maladie du 29 novembre 2007 dans le dossier administratif du requérant n'établit pas que l'autorité militaire était en possession de ce document lors de l'engagement de la procédure ayant conduit à la résiliation de son contrat ; la mention " position déserteur" est au contraire de nature à attester que ce document a été remis postérieurement à la décision du 17 janvier 2008 ;

- l'affirmation selon laquelle M. D... aurait remis un certificat médical en main propre le 4 décembre 2007 n'est pas démontrée ;

- le requérant ne précise pas la date à laquelle il a rendu son paquetage ; il n'établit pas avoir ainsi conservé un lien avec le service ;

- M. D..., qui n'en avait pas demandé le bénéfice, ne peut soutenir qu'il aurait dû être placé en congé de longue durée ; deux courriers fixant un rendez-vous dans un service spécialisé de l'hôpital militaire Percy en vue de l'établissement du certificat nécessaire à la constitution d'un dossier de congé longue maladie, auxquels il n'a pas donné suite, lui ont été adressés ; un tel manquement serait sans incidence sur la légalité de la décision de résiliation ;

- le certificat médical produit par le requérant n'établit pas que ses facultés de discernement étaient altérées ; ses agissements démontrent au contraire qu'il était parfaitement conscient de sa situation ;

- s'agissant du préjudice invoqué, il s'en remet à ses écritures de première instance ; la perte de chance alléguée de pouvoir retrouver un emploi n'est pas établie ;

Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes du 28 octobre 2013 admettant M. D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le courrier du 26 septembre 2014 adressé aux parties en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance du 20 octobre 2014 portant clôture immédiate de l'instruction en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la défense ;

Vu le code de justice militaire ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le décret n° 2005-794 du 15 juillet 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 novembre 2014 :

- le rapport de M. Auger, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

1. Considérant que M. D..., soldat de 1ère classe affecté au 6ème régiment du génie à Angers a fait l'objet d'arrêts de maladie successifs à compter du 21 mars 2007 sur prescription de son médecin traitant ; qu'il a été déclaré en situation de désertion le 13 décembre 2007 et mis en demeure, par courrier du 14 décembre suivant, de rejoindre son unité le 7 janvier 2008 au plus tard sous peine de résiliation de son contrat d'engagement ; qu'il ne s'est pas présenté à cette convocation ; que, par décision du 17 février 2008, le général commandant la région terre Nord-Ouest a résilié son contrat d'engagement et l'a radié des contrôles de l'armée active pour désertion ; que M. D... relève appel du jugement du 19 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices matériel et moral qu'il estime avoir subis du fait de la résiliation de son engagement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 321-2 du code de justice militaire : " Est considéré comme déserteur à l'intérieur en temps de paix : 1° Six jours après celui de l'absence constatée, tout militaire qui s'absente sans autorisation de son corps ou détachement, de sa base ou formation (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 4137-1 du code de la défense : " Sans préjudice des sanctions pénales qu'ils peuvent entraîner, les fautes ou manquements commis par les militaires les exposent : / 1° A des sanctions disciplinaires prévues à l'article L. 4137-2 ; (...) / Le militaire à l'encontre duquel une procédure de sanction est engagée a droit à la communication de son dossier individuel, à l'information par son administration de ce droit, à la préparation et à la présentation de sa défense. " ; qu'aux termes de l'article L. 4137-2 du même code : " Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes : / (...) 3° Les sanctions du troisième groupe sont : / (...) b) La radiation des cadres ou la résiliation du contrat. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 4137-3 de ce code : " Doivent être consultés : / (...) 3° Un conseil d'enquête avant toute sanction disciplinaire du troisième groupe. (...) " ; qu'aux termes de l'article 57 du décret du 15 juillet 2005 relatif aux sanctions disciplinaires et à la suspension de fonctions applicables aux militaires, aujourd'hui codifié à l'article R. 4137-92 du code de la défense : " (...) II. - En cas d'absence illégale ou de désertion avant la procédure, une sanction disciplinaire du troisième groupe peut être prononcée sans que soit demandé l'avis d'un conseil d'enquête. Dans ce cas, la décision prononçant la sanction disciplinaire doit être précédée de l'envoi à la dernière adresse connue du militaire d'une mise en demeure, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, l'enjoignant de rejoindre sa formation administrative et lui indiquant les conséquences disciplinaires de son abandon de poste " ;

3. Considérant qu'il appartient à un militaire en situation d'absence pour maladie de communiquer à son administration le ou les certificats médicaux le plaçant en arrêt de travail ; que pour éviter d'être en situation de désertion, le militaire doit procéder à cette communication avant la date limite fixée par la mise en demeure de reprendre son service que l'administration lui a adressée ;

4. Considérant que, contrairement à ce que soutient M. D..., la mise en demeure qui lui a été adressée le 14 décembre 2007 l'informait clairement des conséquences disciplinaires susceptibles d'être encourues en cas de non-présentation à son unité, notamment de la résiliation de son contrat d'engagement en application des dispositions précitées ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 4138-3 du code de la défense : " Le commandant de la formation administrative d'affectation ou d'emploi peut, à tout moment, faire procéder à un contrôle médical du militaire placé en congé de maladie afin de s'assurer que ce congé est justifié. Le contrôle médical est effectué par un praticien des armées n'exerçant pas son activité au sein de cette formation. Le militaire doit se soumettre à ce contrôle, sous peine de suspension du versement de sa rémunération ou de l'interruption du congé. Lorsque la durée des congés de maladie est, pendant une période de douze mois consécutifs, supérieure à six mois, le militaire qui ne peut pas reprendre ses fonctions est placé, selon l'affection présentée, en congé de longue durée pour maladie ou en congé de longue maladie dans les conditions prévues aux articles R. 4138-47 à R. 4138-58 " ; qu'en vertu des articles R. 4138-48 et R. 4138-58 du même code, l'autorité compétente se prononce au vu d'un certificat médical établi par un médecin ou un chirurgien des hôpitaux des armées ; qu'il appartient à un militaire en situation d'absence de communiquer à son administration le ou les certificats médicaux le plaçant en arrêt de travail ; que pour éviter d'être en situation de désertion, le militaire doit procéder à cette communication avant la date limite fixée par la mise en demeure de reprendre son service que l'administration lui a adressée ;

6. Considérant, d'une part, qu'un contrôle médical au domicile de M. D... n'a pu avoir lieu le 11 octobre 2007, en l'absence de réponse de l'intéressé qui se borne à alléguer sans l'établir un dysfonctionnement de la sonnette de sa porte d'entrée ; que s'il soutient avoir remis au service de la chancellerie de la caserne, les 6 novembre et 4 décembre 2007, les deux certificats médicaux justifiant du bien-fondé de la prolongation de son congé de maladie, il ne résulte pas de l'instruction que ces certificats médicaux, qui figurent dans son dossier administratif, ont été produits avant le 7 janvier 2008, date limite de présentation fixée dans la seconde mise en demeure, datée du 14 décembre 2007 et reçue le 19 décembre suivant ;

7. Considérant, d'autre part, que M. D... soutient qu'il aurait dû être placé en congé de longue maladie à compter du 21 septembre 2007, date à laquelle la durée de ses congés de maladie était supérieure à six mois pour une période consécutive de douze mois ; qu'il résulte de l'instruction que le requérant n'a pas donné suite à deux convocations à l'hôpital militaire Percy, le 26 juillet 2007 puis le 13 septembre 2007, en vue de l'établissement du certificat médical nécessaire à l'octroi d'un congé de longue maladie ; que le certificat médical exigé par les dispositions précitées des articles R. 4138-48 et R. 4138-58 du code de la défense n'ayant pu être établi du fait de son comportement, M. D... ne peut utilement faire valoir que son placement en congé de longue maladie à compter du 21 septembre 2007 aurait fait obstacle à une situation d'absence irrégulière à partir du 11 octobre 2007 puis de désertion à compter du 26 octobre 2007 ;

8. Considérant que le requérant n'établit pas l'existence d'un syndrome anxio-dépressif à l'origine d'une altération de ses facultés de discernement l'ayant empêché de prendre conscience des conséquences sur sa situation professionnelle de l'absence de réponse aux mises en demeure qui lui ont été adressées, en produisant un certificat daté du 30 mai 2009, établi par son médecin traitant et postérieur à la décision de résiliation du contrat ;

9. Considérant que le seul fait qu'il s'est rendu à plusieurs reprises à la caserne, au surplus pour y rendre son paquetage et ses cartes de circulation, ne permet pas de le regarder comme n'ayant pas rompu tout lien avec le service ;

10. Considérant que l'autorité de la chose jugée ne s'étend exceptionnellement à la qualification juridique donnée aux faits par le juge pénal que lorsque la légalité d'une décision administrative est subordonnée à la condition que les faits qui servent de fondement à cette décision constituent une infraction pénale ; que si, en application des articles L. 321-2 du code de justice militaire et 57 du décret du 15 juillet 2005, le fait de s'absenter sans autorisation de son corps ou détachement, de sa base ou formation, au terme des six jours après celui de l'absence constatée, est constitutif à la fois d'une faute disciplinaire passible de sanction disciplinaire et d'une infraction passible d'une sanction pénale, la légalité de la sanction disciplinaire n'est pas subordonnée à la condition que les faits sur lesquels elle est fondée correspondent à l'ensemble des éléments constitutifs d'une telle infraction ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que la décision portant résiliation du contrat d'engagement méconnaîtrait la qualification juridique donnée aux faits reprochés au requérant par l'arrêt du 17 septembre 2009 de la cour d'appel d'Angers le relaxant du chef de désertion ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant que la résiliation de l'engagement volontaire souscrit par M. D... n'est pas entachée d'illégalité fautive ; que ses conclusions indemnitaires doivent, dès lors, être rejetées ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de la défense.

Délibéré après l'audience du 18 novembre 2014, à laquelle siégeaient :

- Mme Aubert, président de chambre,

- M.C..., faisant fonction de premier conseiller,

- M. Auger, premier conseiller.

Lu en audience publique le 5 décembre 2014.

Le rapporteur,

P. AUGERLe président,

S. AUBERT

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au ministre de la défense et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

2

N° 13NT02410


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02410
Date de la décision : 05/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme AUBERT
Rapporteur ?: M. Paul AUGER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : BOUCHER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-12-05;13nt02410 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award