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05/12/2014 | FRANCE | N°13NT00055

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 05 décembre 2014, 13NT00055


Vu la requête, enregistrée le 8 janvier 2013, présentée pour M. C... B...A..., domicilié..., par Me Launay, avocat au barreau de Caen ; M. B... A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201735 du 9 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 11 750,94 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 28 mars 2012 et la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'illégal

ité de la décision du 17 mai 2011 par laquelle le préfet du Calvados a ref...

Vu la requête, enregistrée le 8 janvier 2013, présentée pour M. C... B...A..., domicilié..., par Me Launay, avocat au barreau de Caen ; M. B... A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201735 du 9 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 11 750,94 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 28 mars 2012 et la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'illégalité de la décision du 17 mai 2011 par laquelle le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 7 698,24 euros à titre de dommages et intérêts toutes causes de préjudice confondues, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la réception de la réclamation préalable indemnitaire, et capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991;

il soutient que :

- il remplissait les conditions pour bénéficier de l'allocation temporaire d'attente allouée

aux demandeurs d'asile, pour la période du 10 mai 2011 au 26 janvier 2012, pour un montant de 2 698,24 euros ;

- il peut prétendre à une indemnité de 5 000 euros au titre du préjudice personnel ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les observations, enregistrées le 12 mars 2013, présentées par le préfet du Calvados ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2014, présenté par le ministre de l'intérieur qui conclut :

1°) à titre principal, en faisant sienne l'argumentation du préfet du Calvados, au rejet de la requête comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

2°) à titre subsidiaire, au rejet des conclusions indemnitaires comme infondées et non justifiées ;

il soutient que :

- le requérant n'apporte pas de preuve de ce que ses ressources sont inférieures au revenu minimum d'insertion ;

- il ne justifie pas davantage de son âge ;

- l'évaluation du préjudice personnel faite par les premiers juges est suffisante ;

Vu la décision en date du 25 février 2013 du président du bureau d'aide juridictionnelle accordant l'aide juridictionnelle totale à M. B... A... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 91-746 du 10 juillet 1991 ;

Vu les décrets n° 2011-123 du 29 janvier 2011 et n° 2012-196 du 9 février 2012 revalorisant notamment l'allocation temporaire d'attente ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 novembre 2014 :

- le rapport de M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller,

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

1. Considérant que M. B... A... relève appel du jugement du 9 novembre 2012 par lequel, en ne lui accordant qu'une somme de 1 000 euros, majorée des intérêts et de la capitalisation des intérêts, le tribunal administratif de Caen n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 11 750,94 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 28 mars 2012 et la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la faute commise par le préfet du Calvados en refusant illégalement de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ; qu'il réduit toutefois en appel le montant de l'indemnisation sollicitée à la somme de 7 698,24 euros ;

Sur la compétence de la cour :

2. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées du deuxième alinéa de l'article R. 811-1 et du 7° de l'article R. 222-13 du code de justice administrative, dans leur rédaction applicable à la date du jugement attaqué, que le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort sur les actions indemnitaires, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 du même code ; que l'article R. 222-14 fixe ce montant à 10 000 euros ; que l'article R. 222-15 précise qu'il s'apprécie au regard des sommes demandées dans la requête introductive d'instance ;

3. Considérant que la demande introductive d'instance formée par M. B... A... comportait des conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 11 750,94 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de la décision en date du 17 mai 2011 par laquelle le préfet du Calvados avait refusé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ; que le montant de la somme dont l'intéressé demandait le versement dans sa requête introductive d'instance excédant 10 000 euros, le jugement du 9 novembre 2012 du tribunal administratif de Caen n'a pas été rendu en premier et dernier ressort ; qu'ainsi et contrairement à ce que soutient le ministre de l'intérieur, les conclusions présentées par M. B... A...contre ce jugement présentent le caractère d'un appel qui ressortit à la compétence de la cour ;

Sur les conclusions indemnitaires :

4. Considérant que M. B... A..., ressortissant afghan, entré irrégulièrement en France en 2009, a déposé auprès de la préfecture du Calvados une demande d'admission au séjour au titre de l'asile le 10 mai 2011 ; que, par un jugement en date du 9 novembre 2011, devenu définitif, le tribunal administratif de Caen a annulé la décision du 17 mai 2011 par laquelle le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour au motif qu'elle était entachée d'erreur de droit au regard de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet avait utilisé sa faculté de soumettre la demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, en application de l'article 3§2 du règlement du Conseil européen en date du 18 février 2003 ; qu'ainsi, la décision du 17 mai 2011 était entachée d'une illégalité interne de nature à engager la responsabilité pour faute de 1'Etat, ce qui n'est au demeurant pas contesté par le ministre de l'intérieur ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 5423-8 du code du travail : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 5423-9, peuvent bénéficier d'une allocation temporaire d'attente: 1° Les ressortissants étrangers ayant été admis provisoirement au séjour en France au titre de l'asile ou bénéficiant du droit de s'y maintenir à ce titre et ayant déposé une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, s'ils satisfont à des conditions d'âge et de ressources " ; qu'en vertu des articles R. 5423-18 et R. 5423-23 du même code, pour bénéficier de l'allocation, les ressortissants étrangers concernés doivent être âgés de dix-huit ans révolus et justifier de ressources mensuelles inférieures au montant du revenu minimum d'insertion, qui s'élevait en 2011 à 466,99 euros mensuels pour une personne seule ;

6. Considérant que M. B... A... déclare être né le 10 mars 1986 ; que s'il a varié dans ses déclarations sur ce point en se prévalant d'ailleurs à chaque fois d'une identité différente, les documents qu'il produit pour la première fois en appel sont de nature à établir qu'il était âgé de plus de dix-huit ans à la date à laquelle il a déposé sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile ; que si le ministre soutient que l'intéressé n'a pas justifié de ressources inférieures au montant du revenu minimum d'insertion, il résulte de l'instruction que le requérant a, pour l'ensemble des procédures engagées, obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, et a déclaré à chacune de ses demandes d'octroi de cette aide ne disposer d'aucune ressource ; que, dès lors, il remplissait les conditions d'âge et de ressources pour bénéficier de l'allocation temporaire d'attente ; que l'intéressé est en droit d'obtenir réparation du préjudice direct et certain qui a pu résulter de l'application de la décision illégale qui l'a privé du bénéfice de cette allocation, postérieurement à la date où cette décision a été prise jusqu'à l'intervention de la décision de la Cour nationale du droit d'asile lui octroyant le bénéfice de la protection subsidiaire, soit du 17 mai 2011 au 25 janvier 2012 ; que, compte tenu du montant journalier de l'allocation, tel que revalorisé par les décrets susvisés du 29 janvier 2011 et du 9 février 2012, M. B... A...peut prétendre, à ce titre, à l'octroi d'une indemnité d'un montant de 2 755,32 euros ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que, s'agissant des troubles dans les conditions d'existence de M. B... A... résultant de l'impossibilité de bénéficier des mesures d'aide sociale pendant plus de huit mois, en particulier d'un hébergement, le tribunal a procédé à une juste appréciation de ce chef de préjudice en condamnant l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... A... est seulement fondé à demander que l'indemnité, que le tribunal administratif de Caen a condamné l'Etat à lui verser, soit portée à la somme de 3 755,32 euros ;

9. Considérant que la somme supplémentaire de 2 755,32 euros allouée par le présent arrêt portera intérêts à compter du 28 mars 2012, date de la réception à la préfecture du Calvados de la réclamation préalable de M. B... A... ; qu'il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts à compter du 28 mars 2013, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, et à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. Considérant que M. B... A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Launay, avocat de M. B... A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Launay de la somme de 1 500 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que l'Etat a été condamné par le tribunal administratif de Caen à verser à M. B... A...est portée à 3 755,32 euros.

Article 2 : La somme supplémentaire de 2 755,32 euros, allouée par le présent arrêt, portera intérêts à compter du 28 mars 2012. Les intérêts dus, sur cette somme, seront capitalisés à la date du 28 mars 2013 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 9 novembre 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Launay une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Launay renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...A...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 18 novembre 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Bachelier, président de la cour,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique le 5 décembre 2014.

Le rapporteur,

B. MADELAINE Le président,

G. BACHELIER

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT000552

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT00055
Date de la décision : 05/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BACHELIER
Rapporteur ?: M. Bernard MADELAINE
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : LAUNAY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-12-05;13nt00055 ?
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