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19/09/2014 | FRANCE | N°13NT03461

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 19 septembre 2014, 13NT03461


Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 2013, présentée pour Mme B...A..., demeurant au..., par MeC... ; Mme A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 24 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 novembre 2012 du préfet du Loiret portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer une carte de séjour portant la m

ention " vie privée et familiale ", ou à défaut une autorisation provisoire de séjour dan...

Vu la requête, enregistrée le 20 décembre 2013, présentée pour Mme B...A..., demeurant au..., par MeC... ; Mme A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 24 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 novembre 2012 du préfet du Loiret portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou à défaut une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de procéder à un réexamen de sa situation et, dans l'attente, de l'admettre provisoirement au séjour dans les mêmes conditions d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

elle soutient que :

- sa requête d'appel est recevable ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le préfet n'était pas tenu de saisir le médecin de l'agence régionale de santé aux motifs de la brièveté de son séjour en France et de l'absence de précisions sur sa demande ;

- le refus du préfet de lui délivrer un titre de séjour au motif qu'elle ne réside pas en France de manière habituelle est entaché d'erreur de droit ;

- elle remplissait les conditions pour se voir délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

- elle souffre d'une polypathologie associant séropositivité au virus VIH avec toxoplasmose cérébrale et insuffisance rénale aigue et ne peut bénéficier de soins appropriés au Cameroun qui ne dispose pas de médicaments antiviraux ; elle satisfait aux conditions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'administration doit tenir compte du fait que selon l'instruction n° DGS/MCI/R12/2010/297 du 29 juillet 2010 l'accès à un traitement antiviral pour les porteurs d'une infection par le VIH n'est pas garanti dans les pays en voie de développement ;

- l'illégalité du refus de titre de séjour rend illégale la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 février 2014, présenté par le préfet du Loiret qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- la requérante ne démontre pas résider habituellement en France dès lors qu'elle est entrée en Belgique le 8 septembre 2012 et les pièces médicales qu'elle produit ne permettent pas d'établir l'existence d'un séjour prolongé en France ;

- elle n'a fait valoir aucune considération humanitaire exceptionnelle la dispensant de remplir la condition de résidence en France ;

- le Cameroun dispose de traitements et infrastructures sanitaires adaptés à la prise en charge de personnes atteintes du virus VIH ainsi qu'en atteste le " guide national de prise en charge des personnes vivant avec le VIH/SIDA- Cameroun " ;

Vu la décision du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal administratif de Nantes du 25 novembre 2013 admettant Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 août 2014 :

- le rapport de M. Auger, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme A..., ressortissante camerounaise, est entrée en Belgique le 8 septembre 2012 munie d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour délivré par les autorités consulaires allemandes ; que, selon ses déclarations, elle aurait ensuite séjourné en France à compter du 9 septembre 2012 ; qu'elle a demandé le 7 novembre 2012 la délivrance d'une carte de séjour en invoquant son état de santé ; qu'elle relève appel du jugement du 24 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 novembre 2012 du préfet du Loiret portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...)11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " L'étranger mentionné au 11° de l'article L. 313-11 qui ne remplirait pas la condition de résidence habituelle peut recevoir une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée du traitement " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A..., qui a sollicité le 7 novembre 2012 la délivrance d'une carte de séjour en se prévalant de son état de santé, n'est présente sur le territoire français que depuis le 9 septembre 2012 ; que, dès lors, à la date de la décision en litige, elle ne pouvait être regardée comme ayant sa résidence habituelle en France, au sens des dispositions précitées ; que le préfet a pu se fonder sur ce motif pour refuser de lui délivrer un titre de séjour ;

4. Considérant, toutefois, qu'il ressort des termes mêmes de l'article R. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que l'intéressée reçoive une autorisation provisoire de séjour pour la durée de son traitement si elle remplissait les autres conditions visées à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant que l'appelante souffre d'une polypathologie lourde associant séropositivité au virus VIH avec toxoplasmose cérébrale et insuffisance rénale aigue ; que son état de santé a nécessité une hospitalisation du 31 octobre au 13 novembre 2012 au centre hospitalier régional d'Orléans ; que les différentes pièces médicales versées aux débats établissent la nécessité d'un suivi hospitalier spécialisé compte tenu d'une infection désormais résistante aux traitements classiques et nécessitant des antiviraux de deuxième génération ; que si le préfet soutient que le Cameroun dispose de traitements et infrastructures sanitaires adaptés ainsi qu'en atteste le " guide national de prise en charge des personnes vivant avec le VIH/SIDA-Cameroun ", ce document, s'il atteste de l'effectivité d'une prise en charge avec médicaments antiviraux, n'est pas de nature à remettre en cause le certificat médical du 13 février 2013 indiquant que la pathologie de Mme A... nécessite des antiviraux spécifiques que le guide médical précité ne mentionne pas ; que, compte tenu de l'ensemble de ces élément, en s'abstenant de saisir pour avis le médecin de l'agence régionale de santé avant de rejeter la demande présentée par Mme A..., le préfet du Loiret a méconnu les dispositions précitées ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

7. Considérant que le présent arrêt implique seulement que le préfet procède à un réexamen de la situation de la requérante ; qu'il y a lieu d'ordonner une telle mesure dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt sans qu'il soit besoin de prononcer d'astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante en la présente instance, le versement au conseil de Mme A... de la somme de 1 500 euros demandée au titre de ces dispositions, sous réserve de la renonciation de ce dernier à percevoir le montant de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 24 septembre 2013 et l'arrêté du préfet du Loiret du 15 novembre 2012 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Loiret de réexaminer la demande de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à l'avocat de Mme A..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de ce dernier à percevoir le montant de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée pour information au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 29 août 2014, à laquelle siégeaient :

- Mme Aubert, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, premier conseiller,

- M. Auger, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 septembre 2014.

Le rapporteur,

P. AUGERLe président,

S. AUBERT

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT03461


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT03461
Date de la décision : 19/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme AUBERT
Rapporteur ?: M. Paul AUGER
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL DUPLANTIER MALLET GIRY ROUICHI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-09-19;13nt03461 ?
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