Vu la requête, enregistrée le 6 janvier 2014, présentée pour M. M'hamedA..., demeurant..., par Me Bessa-Soufi, avocat au barreau de Montpellier ; M. A... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1108181 du 22 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 juin 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a rejeté sa demande de naturalisation ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer sa demande de naturalisation dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que :
- la décision attaquée n'est pas suffisamment motivée ;
- le ministre et le préfet ont commis une erreur de procédure en statuant sur sa demande de naturalisation alors qu'il y a lieu de constater que sa situation lui permettait d'obtenir la nationalité française par déclaration à raison du mariage ;
- il n'a pas séjourné de façon irrégulière sur le territoire français, il justifie de titres de séjour pour la période de 1979 à 1986 puis de 1986 à 1996 ; s'agissant de la période de 1971 à 1979, il sollicite compte tenu de l'ancienneté une mesure d'enquête auprès de la préfecture de Corse qui lui a délivré un titre de séjour ;
- le ministre a commis une erreur manifeste d'appréciation concernant son insertion professionnelle alors qu'il a travaillé pendant plus de 30 ans depuis son arrivée en France, qu'il occupait un emploi lors du dépôt de son recours hiérarchique et qu'il ne peut plus travailler en raison d'un handicap résultant de son activité professionnelle ;
- il y a lieu d'ordonner la production de son entier dossier ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 février 2014, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;
il soutient que :
- les moyens de la requête dirigés contre la décision préfectorale sont inopérants ;
- le moyen tiré du défaut de motivation de la décision contestée ne pourra qu'être écarté par adoption des motifs des premiers juges ;
- le moyen tiré du vice de procédure sera aussi écarté puisque M. A... a sollicité l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique et n'a pas procédé à une déclaration à raison du mariage ;
- il n'est pas lié par les motifs retenus par le préfet ;
- si la situation de l'intéressé a été régularisée en 1986, il a méconnu les dispositions sur l'entrée et le séjour des étrangers en France de 1971 à 1986 ;
- M. A... ne démontre pas son insertion professionnelle, en alléguant avoir occupé des emplois pendant plus de 30 ans et en produisant une décision fixant son taux d'incapacité à un taux inférieur à 80 % postérieure à la décision contestée ;
- le requérant n'a pas sollicité la communication de son dossier, les documents permettant de contrôler la légalité de la décision sont produits dans le cadre de la présente instance ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 modifié, relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa demande, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 avril 2014 :
- le rapport de M. Iselin, président-rapporteur ;
1. Considérant que M. A..., de nationalité marocaine, interjette appel du jugement du 22 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 juin 2011 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration rejetant sa demande de naturalisation ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré du défaut de motivation de la décision contestée, que le requérant renouvelle en appel sans apporter aucune précision supplémentaire, doit être écarté par adoption des mêmes motifs que ceux retenus par les premiers juges ;
3. Considérant, en second lieu, que la décision ministérielle du 23 juin 2011 s'est substituée à la décision préfectorale du 15 février 2011 ; qu'il en résulte que le moyen tiré de ce que cette dernière n'aurait pas été régulièrement motivée est inopérant ;
En ce qui concerne la légalité interne :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger " ; qu'aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant, son degré d'insertion professionnelle ainsi que le niveau et la stabilité de ses ressources ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A... a déposé une demande de naturalisation en application des articles 21-15 et suivants du code civil ; qu'ainsi, s'il invoque l'article 21-2 du code civil qui prévoit l'acquisition de la nationalité française à raison du mariage, ce moyen est inopérant à l'appui d'un recours dirigé contre le rejet d'une demande de naturalisation ;
6. Considérant que, pour rejeter la demande de naturalisation présentée par M. A..., le ministre s'est fondé sur la double circonstance que l'intéressé avait séjourné irrégulièrement sur le territoire français de 1971 à 1987 en méconnaissance de la législation relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et que la précarité de sa situation actuelle en tant que demandeur d'emploi ne lui permettait pas de disposer de revenus suffisants pour subvenir durablement à ses besoins ;
7. Considérant que le requérant soutient qu'il a séjourné régulièrement sur le territoire français depuis son arrivée en 1971 ; qu'il ressort, en outre, des pièces produites en appel, qu'une carte de résident valable du 2 janvier 1979 au 13 août 1986 lui a été délivrée par le préfet de la Loire puis qu'une nouvelle carte de résident lui a été délivrée du 14 août 1986 au 13 août 1996 par le préfet de l'Aude ; que le motif tiré de l'irrégularité de son séjour est ainsi partiellement entaché d'une erreur de fait ; qu'en tout état de cause, eu égard à l'ancienneté de ces faits par rapport à la date de la décision contestée, le ministre a, en retenant ce motif, entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ;
8. Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas sérieusement contesté, que M. A... était demandeur d'emploi depuis 2006 et percevait depuis le 12 septembre 2008 l'allocation de solidarité spécifique ; que si l'intéressé se prévaut du contrat à durée déterminée conclu pour la période du 18 février 2011 au 17 juin 2011, ce contrat d'une durée de quatre mois avait pris fin à la date de la décision contestée soit le 23 juin 2011 ; que par ailleurs, s'il fait valoir qu'il a dû cesser son activité professionnelle en raison de son état de santé, il ne peut utilement se prévaloir de la reconnaissance, par décision du 10 janvier 2013 de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, d'un taux d'incapacité évalué entre 50 et 79 % et de l'octroi de l'allocation pour adulte handicapé à compter du 1er avril 2012, soit postérieurement à la décision contestée ; que, dans ces conditions, le ministre, qui aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que ce seul motif, a pu, dans le cadre de son large pouvoir d'appréciation de l'opportunité d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite, rejeter la demande de M. A... sans entacher sa décision d' erreur manifeste ; que les circonstances selon lesquelles il vit en en France depuis 1971, que son épouse a obtenu la nationalité française, que ses enfants sont de nationalité française et qu'il est propriétaire de son logement sont sans incidence sur la légalité de la décision contestée ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de procéder aux mesures d'instruction sollicitées, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions de la requête à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A... ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme sollicitée par M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. M'hamed A...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 10 avril 2014, à laquelle siégeaient :
- M. Iselin, président de chambre,
- M. Millet, président-assesseur,
- M. Durup de Baleine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 avril 2014.
Le président-assesseur,
J.-F. MILLET
Le président-rapporteur,
B. ISELIN Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT00006