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21/02/2014 | FRANCE | N°13NT01914

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 21 février 2014, 13NT01914


Vu la requête, enregistrée le 1er juillet 2013, présentée pour Mme A... B..., demeurant au..., par Me Duplantier, avocat au barreau d'Orléans ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203399 du 27 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Loiret du 12 avril 2012 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer une

carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut,...

Vu la requête, enregistrée le 1er juillet 2013, présentée pour Mme A... B..., demeurant au..., par Me Duplantier, avocat au barreau d'Orléans ; Mme B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203399 du 27 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Loiret du 12 avril 2012 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de reprendre 1'instruction de son dossier et de l'admettre au séjour durant ce laps de temps, au besoin sous astreinte de 100 euros par jour de retard à partir d'un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, la somme de 1 500 euros, sous réserve qu'il renonce à percevoir le bénéfice de l'aide juridictionnelle, en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

elle soutient que :

- la décision du préfet est entachée d'une erreur de droit résultant de la méconnaissance de son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par les articles L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen précis de sa situation et des conséquences de sa décision ;

- elle n'entre pas dans les critères d'une demande de regroupement familial ;

- un retour en Turquie l'isolerait de son mari, avec lequel elle vit depuis 2008, et des ses enfants ;

- la commission du titre de séjour aurait dû être saisie ;

- l'illégalité du refus de titre de séjour entache d'illégalité l'obligation de quitter le territoire ;

- la décision d'obligation de quitter le territoire est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle et familiale ;

- l'arrêté dans son ensemble méconnaît l'article 3-1 de convention internationale des droits de l'enfant ;

- l'obligation de quitter le territoire n'est pas motivée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2013, présenté pour le préfet du Loiret, par Me Moulet, avocat, qui conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que soit mise à la charge de Mme B... la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- la commission du titre de séjour n'avait pas à être saisie ;

- la requérante rentre dans les catégories qui ouvrent droit au regroupement familial ;

- l'atteinte à sa vie privée et familiale n'est pas établie ;

- l'exception d'illégalité du refus de titre n'est pas fondée ;

- l'obligation de quitter le territoire ne méconnaît ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Vu la décision en date du 22 mai 2013 du président du bureau d'aide juridictionnelle accordant l'aide juridictionnelle totale à Mme B... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale des droits de l'enfant ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 janvier 2014 :

- le rapport de M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller,

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme B... relève appel du jugement du 27 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Loiret du 12 avril 2012 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'il appartient à l'autorité administrative qui envisage de refuser de régulariser la situation d'un ressortissant étranger en situation irrégulière et de procéder à son éloignement d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise ; que la circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé ; que cette dernière peut en revanche tenir compte le cas échéant, au titre des buts poursuivis par sa décision, de ce que le ressortissant étranger en cause ne pouvait légalement entrer en France pour y séjourner qu'au seul bénéfice du regroupement familial et qu'il n'a pas respecté cette procédure ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France en août 2008, pour rejoindre M. D... B...son compagnon, ressortissant turc, titulaire d'une carte de résident, dont elle attendait un enfant, lequel est né en France le 11 mai 2009 ; qu'elle a épousé M. B... le 6 octobre 2011 ; qu'il ressort des documents produits tant en première instance qu'en appel que, depuis son entrée en France, elle a toujours vécu au domicile de son compagnon puis conjoint, soit depuis trois ans et huit mois à la date de la décision litigieuse ; que ce dernier, après avoir exercé une activité salariée, a créé sa propre entreprise dont le développement ne lui procure encore que des revenus modestes ; qu'ainsi, si la requérante était susceptible de bénéficier d'une mesure de regroupement familial, à la date de la décision contestée, la possibilité d'être autorisée à séjourner en France par cette voie n'était pas immédiatement envisageable ; que, sauf à contraindre M. B... à accompagner son épouse en Turquie, alors qu'il exerce une activité en France, l'unité de la cellule familiale risquait en conséquence du refus de séjour opposé d'être brisée pour une période relativement longue, alors que par ailleurs la requérante était enceinte d'un deuxième enfant ; qu'en outre Mme B..., en vue de faciliter son intégration à la société française, participe de manière assidue à des cours d'apprentissage de la langue française ; que, dans ces conditions, alors même que l'intéressée disposerait encore d'attaches familiales dans son pays d'origine, l'atteinte portée par la décision à son droit au respect de sa vie privée et familiale doit être regardée comme disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, l'arrêté du préfet du Loiret du 12 avril 2012 a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et doit pour ce motif être annulé ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

5. Considérant que le présent arrêt implique nécessairement que le préfet du Loiret délivre à Mme B..., sous réserve de changement des circonstances de droit ou de fait, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. Considérant que Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Duplantier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de celui-ci le versement à Me Duplantier de la somme de 1 500 euros ;

7. Considérant, en revanche, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le préfet du Loiret sur le même fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1203399 du 27 décembre 2012 du tribunal administratif d'Orléans et l'arrêté du 12 avril 2012 du préfet du Loiret sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Loiret de délivrer à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à Me Duplantier la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Duplantier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 4 : Les conclusions du préfet du Loiret tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique le 21 février 2014.

Le rapporteur,

B. MADELAINE Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT019142

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT01914
Date de la décision : 21/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Bernard MADELAINE
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SELARL DUPLANTIER MALLET GIRY ROUICHI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-02-21;13nt01914 ?
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