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24/01/2014 | FRANCE | N°12NT00935

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 24 janvier 2014, 12NT00935


Vu la requête, enregistrée le 6 avril 2012, présentée pour la Sarl AQUA, dont le siège est situé Zone artisanale " La Guerche " à Saint Brévin les Pins (44250), par Me Dizier, avocat au barreau de Nantes ; la Sarl AQUA demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903424 du 9 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 89 958,33 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la décision du préfet de la Loire-Atlantique du 11 févrie

r 2008 annulée par jugement du tribunal administratif du 10 juillet 2008 ;

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Vu la requête, enregistrée le 6 avril 2012, présentée pour la Sarl AQUA, dont le siège est situé Zone artisanale " La Guerche " à Saint Brévin les Pins (44250), par Me Dizier, avocat au barreau de Nantes ; la Sarl AQUA demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903424 du 9 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 89 958,33 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la décision du préfet de la Loire-Atlantique du 11 février 2008 annulée par jugement du tribunal administratif du 10 juillet 2008 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser cette somme avec intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2008, et d'ordonner la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- l'illégalité de l'arrêté lui refusant l'ouverture tardive est fautive ;

- la perte de clientèle peut être évaluée à 80 000 euros, au vu des pièces justificatives produites ;

- des heures non effectuées ont dû être payées à certains salariés ;

- le lien de causalité entre la fermeture prématurée imposée par l'arrêté illégal et la moindre progression du chiffre d'affaires est réel ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2012, présenté pour le préfet de la Loire-Atlantique, par Me Plateaux, avocat au barreau de Nantes, qui conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que soit mise à la charge de la Sarl Aqua la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il soutient que :

- la société ne démontre pas l'existence d'un faute lourde, régime de responsabilité qui trouve à s'appliquer à raison des circonstances particulières de l'espèce ;

- la société ne pouvait bénéficier d'une dérogation de fermeture exceptionnelle à 7 h, la commune de Saint-Brévin n'étant pas classée " station touristique " ;

- la preuve de la perte financière n'est pas apportée ;

Vu le courrier en date du 1er octobre 2013 adressé aux parties en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance en date du 7 novembre 2013 portant clôture immédiate de l'instruction en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2014 :

- le rapport de M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de Me Plateaux, avocat, représentant le préfet de la Loire-Atlantique ;

1. Considérant que la SARL Aqua relève appel du jugement du 9 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 89 958,33 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la décision du préfet de la Loire-Atlantique du 11 février 2008 annulée par jugement du tribunal administratif du 10 juillet 2008 ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

2. Considérant que, par un jugement devenu définitif du 10 juillet 2008, le tribunal

administratif de Nantes a annulé la décision du 11 février 2008 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté la demande d'autorisation d'ouverture dérogatoire jusqu'à 7 heures présentée par la SARL Aqua, qui exploite une discothèque à Saint-Brévin-Les-Pins sous l'enseigne " Aqualimba ", et a ramené l'heure de fermeture de cet établissement de six à cinq heures ; que l'illégalité qui entache cet arrêté est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que l'Etat n'est pas fondé à soutenir que sa responsabilité ne pourrait être engagée que pour faute lourde au motif que le département de la Loire-Atlantique connaîtrait une consommation d'alcool, notamment chez les jeunes, supérieure à la moyenne nationale ;

3. Considérant, toutefois, que la décision du 11 février 2008 n'a été annulée que par voie de conséquence de l'illégalité qui affectait l'arrêté du 12 novembre 2007 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique instaurait une nouvelle réglementation relative aux horaires d'ouverture et de fermeture des débits de boissons, qui en constituait la base légale ; que faute, pour la SARL Aqua, de pouvoir se prévaloir d'un droit de fermeture de son établissement à 7 heures, la responsabilité de l'Etat n'est engagée qu'à raison des préjudices découlant de la réduction d'une heure de sa durée d'ouverture ;

Sur les préjudices :

4. Considérant que la Sarl Aqua soutient que l'obligation de fermer à 5 heures au lieu de 6 heures, ainsi qu'elle y était autorisée auparavant, compte tenu de l'obligation de cesser de servir de l'alcool une heure avant la fermeture, est à l'origine d'une importante baisse du chiffre d'affaires sur la période de février à juin 2008 au cours de laquelle la décision du 11 février 2008 a été appliquée, en raison d'une évasion de sa clientèle vers les établissements de même nature bénéficiant d'une autorisation de fermeture plus tardive ; que, pour établir son préjudice, la société requérante a produit ses comptes de résultat ainsi qu'un tableau élaboré par un expert comptable, commissaire aux comptes, retraçant l'évolution du chiffre d'affaires de l'établissement sur la période de février à juin pour 2008 et les deux années précédentes ; que la fiabilité de ces documents n'est pas sérieusement contestée ; que la perte de chiffre d'affaire pour la période en cause a été de 50 000 euros par rapport à la même période de l'année précédente ; que, compte tenu d'une progression de l'activité de l'établissement, qui au vu des résultats des années antérieures pourrait être fixée à 5 %, la perte de chiffre d'affaires doit être évaluée à 64 450 euros ; qu'il résulte des documents comptables produits pour les deux exercices antérieurs que les charges d'exploitation d'achats de marchandises, de personnel et externes représentent environ 15 %, 45 % et 25 % du chiffre d'affaires de ces exercices ; qu'ainsi, il sera fait une juste appréciation du manque à gagner subi par la Sarl Aqua en l'évaluant à la somme de 9 500 euros, à laquelle il convient d'ajouter la somme de 9 958 euros correspondant au montant des salaires et des charges y afférentes que la société a dû verser sans contrepartie au titre de la période litigieuse ; que le préjudice total subi par la société peut ainsi être évalué à la somme de 19 458 euros ; que, compte tenu du mode de détermination du préjudice retenu, il n'y a pas lieu de le réduire du montant des économies susceptibles d'avoir été réalisées ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL Aqua est fondée à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 19 458 euros en réparation des préjudices consécutifs à l'illégalité fautive de la décision du préfet de la Loire-Atlantique du 11 février 2008, et à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les intérêts et la capitalisation :

6. Considérant, d'une part, que la somme de 19 458 euros, mentionnée au point 5, allouée à la SARL Aqua, doit être augmentée, ainsi qu'elle le demande, des intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2008, date de réception de sa réclamation préalable par le préfet de la Loire-Atlantique ;

7. Considérant, d'autre part, que pour l'application des dispositions de l'article 1154 du code civil, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que la SARL Aqua a sollicité la capitalisation des intérêts devant le tribunal dans sa demande enregistrée le 8 juin 2009 ; que cette demande prend effet à compter du 29 décembre 2009, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière et à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SARL Aqua, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'Etat demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SARL Aqua et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 février 2012 est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la SARL Aqua le somme de 19 458 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2008. Les intérêts échus le 29 décembre 2009 seront capitalisés à cette date et à chaque échéance annuelle à compter de cette date pour porter eux-mêmes intérêts.

Article 3 : L'Etat versera à la SARL Aqua une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions du préfet de la Loire-Atlantique présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL AQUA et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 6 janvier 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique le 24 janvier 2014.

Le rapporteur,

B. MADELAINE Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT009352

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT00935
Date de la décision : 24/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Bernard MADELAINE
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : DIZIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-01-24;12nt00935 ?
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