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04/10/2013 | FRANCE | N°12NT02337

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 04 octobre 2013, 12NT02337


Vu la requête, enregistrée le 13 août 2012, présentée pour M. E... H..., demeurant..., par Me Andrez, avocat au barreau de Paris ; M. H... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1006845 du 12 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 juillet 2010 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle a rejeté son recours dirigé contre la décision du consul général de France à Douala (Cameroun) du 10 décembre 2009 refusant de délivrer

un visa d'entrée et de long séjour à ses quatre enfants mineurs, C..., D....

Vu la requête, enregistrée le 13 août 2012, présentée pour M. E... H..., demeurant..., par Me Andrez, avocat au barreau de Paris ; M. H... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1006845 du 12 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 juillet 2010 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle a rejeté son recours dirigé contre la décision du consul général de France à Douala (Cameroun) du 10 décembre 2009 refusant de délivrer un visa d'entrée et de long séjour à ses quatre enfants mineurs, C..., D..., B...etG..., en qualité de membres de famille rejoignante de réfugié statutaire ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur, à titre principal, de délivrer à ses quatre enfants un visa de long séjour en leur qualité d'enfants mineurs de réfugié statutaire, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de rapprochement familial et de délivrance de visas, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le tribunal administratif de Nantes a omis de répondre à la mesure d'instruction qu'il a sollicitée en première instance, tendant à ce qu'il interroge le tribunal de grande instance de

Fako-Buea au sujet des jugements supplétifs ;

- en ne reportant pas la date de clôture de l'instruction, le tribunal ne l'a pas mis en mesure de répondre au mémoire du ministre enregistré le 6 mai 2011, méconnaissant ainsi le principe du contradictoire garanti par l'article 6, paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il produit un grand nombre de pièces établissant la réalité de la filiation avec ses quatre enfants parmi lesquelles des constats d'huissiers et une ordonnance du tribunal de grande instance de Fako-Buea en date du 1er août 2012 ; ainsi, l'administration a commis une erreur d'appréciation ;

- la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2012, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- le jugement du tribunal administratif de Nantes est régulier dès lors, d'une part, que les stipulations de l'article 6, paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont pas applicables à la procédure d'instruction des demandes de visa et, d'autre part, que M. H... a disposé du temps nécessaire à la production d'une réplique à son mémoire du 6 mai 2011 ;

- si la validité formelle des actes de naissance des enfants n'est pas contestée, leur lien de filiation avec le requérant n'est pas établi dès lors, d'une part, que ces actes ont été dressés sur la base de jugements supplétifs dont les références correspondent à d'autres personnes ou sont inexistantes et, d'autre part, que les constats d'huissiers, le jugement d'attribution des droits parentaux à son épouse et les éléments de possession d'état qu'il fait valoir sont dépourvus de valeur probante ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 5 septembre 2013, présenté pour M. H..., qui maintient ses conclusions et moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 septembre 2013 :

- le rapport de M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller,

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

1. Considérant que M. H..., de nationalité camerounaise, a obtenu le 21 septembre 2005 le statut de réfugié en France ; qu'en août 2006, il a sollicité le bénéfice du rapprochement familial pour son épouse et ses deux enfants, ainsi que pour deux enfants nés d'une précédente union ; que, le 12 août 2009, Mme A... F... et les enfants C...Yimnai, D...Yimnai, B...Yimnai etG... Yimnai ont demandé des visas d'entrée et de long séjour en tant que membres de famille rejoignante d'un réfugié statutaire auprès du consul général de France à Douala (Cameroun), qui les leur a refusés au motif que les dossiers ne comportaient pas la preuve du lien familial entre M. H... et les cinq demandeurs ; que, saisie à son tour le 7 avril 2010, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours pour les quatre enfants, tout en recommandant la délivrance d'un visa pour Mme F..., estimant que son lien matrimonial avec M. H... n'était pas contestable ; que M. H... interjette appel du jugement du 12 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 juillet 2010 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle a rejeté son recours dirigé contre la décision du consul général de France à Douala (Cameroun) du 10 décembre 2009 refusant de délivrer un visa d'entrée et de long séjour à ses quatre enfants mineurs, C..., D..., B...etG... ;

2. Considérant que la circonstance qu'une demande de visa de long séjour ait pour objet le rapprochement familial de membres de la famille d'une personne admise à la qualité de réfugié ne fait pas obstacle à ce que l'autorité administrative refuse la délivrance du visa sollicité en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur un motif d'ordre public ; que figure au nombre de ces motifs le défaut de valeur probante des documents destinés à établir le lien de filiation entre le demandeur du visa et le membre de la famille qu'il projette de rejoindre sur le territoire français ainsi que le caractère frauduleux des actes d'état civil produits ; qu'il ressort des pièces du dossier que pour refuser la délivrance des visas, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a retenu, d'une part, que les références des jugements supplétifs indiquées sur les actes de naissance des enfantsC..., D...et B...se rapportaient à des jugements concernant d'autres individus et, d'autre part, s'agissant de l'enfantG..., que la référence du jugement supplétif n'existait pas dans les registres du tribunal de grande instance de Fako-Buea (Cameroun) ;

3. Considérant que M. H... produit en appel une ordonnance du 1er août 2012 du tribunal de grande instance de Fako-Buea, non discutée par l'administration, aux termes de laquelle si les références des jugements supplétifs concernant les enfantsC..., D..., B...et G...ont fait l'objet d'erreurs d'enregistrement, les quatre jugements supplétifs contestés par la commission sont authentiques en ce qu'ils émanent effectivement de cette juridiction ; que, hormis le cas où le document produit aurait un caractère frauduleux, ce qui n'est en l'espèce ni établi ni même soutenu, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère ; que, s'agissant spécifiquement de l'enfantG..., si la référence du jugement supplétif mentionnée sur l'acte de naissance n'existe pas dans les registres du tribunal de grande instance de Fako-Bueo, cette absence est la conséquence d'une erreur de transcription, la numérotation exacte du jugement étant 0215 et non 1015 ; que, toutefois, ces erreurs, qui peuvent s'expliquer par des dysfonctionnements au sein des services administratifs de l'état civil camerounais, ne sont pas de nature à révéler par elles-mêmes le caractère apocryphe des actes produits, les jugements supplétifs concernant les enfants ayant par ailleurs été reconnus authentiques par l'ordonnance précitée ; qu'en outre, M. H... a produit différents documents attestant de la réalité des liens de filiation contestés, en particulier un jugement du tribunal de grande instance du Wouri du 25 juin 2008 attribuant les droits parentaux concernant les enfants B...et G...à son épouse Mme F... et des certificats de scolarité des quatre enfants ; que, dans ces conditions, le lien de filiation entre le requérant et les quatre enfants doit être regardé comme établi, et la commission a, en refusant de délivrer les visas de long séjour sollicités, entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué et les autres moyens de la requête, que M. H... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant qu'eu égard aux motifs du présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer, dans le délai d'un mois à compter de sa notification, les visas d'entrée et de long séjour sollicités aux enfantsC... Yimnai,D... Yimnai,B... Yimnai etG... Yimnai, sans qu'il y ait lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au profit de M. H... au titre des frais exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 juin 2012 et la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 22 juillet 2010 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer aux enfants C...Yimnai, D...Yimnai, B...Yimnai et G...Yimnai un visa d'entrée et de long séjour en France, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. H... une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... H... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique le 4 octobre 2013.

Le rapporteur,

B. MADELAINELe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

N. CORRAZE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT02337


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT02337
Date de la décision : 04/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Bernard MADELAINE
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : ANDREZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-10-04;12nt02337 ?
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