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20/09/2013 | FRANCE | N°12NT00677

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 20 septembre 2013, 12NT00677


Vu la requête, enregistrée le 5 mars 2012, présentée pour Mme B... D..., demeurant..., par Me Bénédicte Greffard-Poisson, avocat au barreau d'Orléans ; Mme D... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000900 du 27 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 novembre 2009 par laquelle le préfet du Loiret a rejeté sa demande de délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision

;

3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer une carte de séjour tempor...

Vu la requête, enregistrée le 5 mars 2012, présentée pour Mme B... D..., demeurant..., par Me Bénédicte Greffard-Poisson, avocat au barreau d'Orléans ; Mme D... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000900 du 27 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 novembre 2009 par laquelle le préfet du Loiret a rejeté sa demande de délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;

3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me E... de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

Elle soutient que :

- la décision contestée est dépourvue de motivation en droit ; le préfet du Loiret n'a

notamment pas précisé clairement le fondement juridique au soutien de sa décision de refus de séjour ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation et a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du 20 janvier 2012 du président de la section administrative du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes accordant à Mme D... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2012, présenté pour le préfet du Loiret, par Me Ludovic de Villele, avocat à la cour de Paris, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 800 euros soit mise à la charge de la requérante en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- l'appel n'est pas motivé ; alors que le jugement de première instance doit être critiqué expressément, la requérante se contente de soumettre à la cour une requête en annulation comportant les mêmes moyens que ceux soulevés devant les premiers juges ; il y a alors lieu de rejeter la requête par adoption des mêmes motifs que ceux retenus en première instance ;

- sa décision est motivée conformément aux exigences législatives ;

- il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ; concernant la vie privée et familiale de Mme D..., l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas été méconnu ;

Vu le mémoire en défense complémentaire, enregistré le 2 juillet 2012, présenté pour le préfet du Loiret, par Me C..., qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ; il soutient en outre que :

- la production par la requérante de nouvelles pièces établies postérieurement à la décision contestée sont insusceptibles d'en affecter la légalité ;

- si Mme D... justifie du lien de filiation l'unissant à M. F..., il ne saurait attester de ce qu'il ne réside plus au Tchad ; l'acte de naissance de son neveu qui la prenait en charge avant sa venue en France, n'apporte aucune information pertinente ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 23 juillet 2012, présenté pour Mme D... qui conclut aux mêmes fins que la requête ;

Elle soutient en outre que :

- si les deux actes de naissance ont été produits postérieurement à la décision attaquée, ils sont relatifs à des situations préexistantes à ladite décision ; ils n'ont vocation qu'à justifier de l'état civil de son fils et de son neveu, ceux-ci étant nés avant la décision attaquée ;

- son fils est bien présent en France puisqu'elle a déjà produit sa carte nationale d'identité française établie le 5 octobre 2006, valable jusqu'au 4 octobre 2016 et justifiant d'une adresse à Tours ;

Vu le mémoire en défense complémentaire, enregistré le 2 août 2012, présenté pour le préfet du Loiret, par MeC..., concluant aux mêmes fins que précédemment ;

Il soutient en outre que :

- la validité de ses décisions ne peut s'apprécier que d'après les pièces qui ont été portées à sa connaissance lors de l'instruction du dossier ;

- concernant la vie privée et familiale de Mme D..., si elle justifie de la naissance de son fils, M. F..., elle ne justifie pas qu'il ne soit plus dans son pays d'origine ; en outre, son neveu, qui la prenait en charge avant sa venue en France, est toujours au Tchad, où elle a vécu jusqu'à ses 71 ans ;

Vu le mémoire en défense complémentaire, enregistré le 21 septembre 2012, présenté pour le préfet du Loiret, par MeC..., concluant aux mêmes fins que précédemment ;

Il soutient que :

- la production des quittances de loyer en date des mois de mai et juillet 2012 est insusceptible de remettre en cause la légalité de la décision du 20 novembre 2009 ; il n'est en effet pas établi que le fils de la requérante n'était pas au Tchad à cette date ;

- d'ailleurs, au 20 novembre 2009, la requérante ne justifiait pas être isolée dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à ses 71 ans ;

Vu le mémoire en défense complémentaire, enregistré le 30 novembre 2012, présenté pour le préfet du Loiret, par MeC..., concluant aux mêmes fins que précédemment ;

Il soutient que :

- la requérante justifie ici, pour la première fois, trois ans après l'instruction de son dossier, de la présence en France de son fils en novembre 2009 ; cette justification tardive n'est pas de nature à affecter la légalité de la décision attaquée qui s'apprécie à la date à laquelle elle est prise ;

- au 20 novembre 2009, elle n'était en France que depuis 9 mois ; nonobstant la présence en France de deux enfants à cette date, elle ne conteste pas que son neveu, qui avait produit un certificat de prise en charge devant notaire, soit toujours au Tchad ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 septembre 2013 :

- le rapport de M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller,

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme D..., ressortissante tchadienne, relève appel du jugement du 27 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 novembre 2009 du préfet du Loiret portant refus de délivrance d'une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de l'appel :

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, que la décision refusant à Mme D..., ressortissante tchadienne, la carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " qu'elle avait sollicitée, mentionne l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui en constitue la base légale ; qu'elle rappelle les conditions de l'entrée et du séjour de l'intéressée sur le territoire et comporte des éléments précis sur sa situation personnelle et familiale, tant en France que dans son pays d'origine ; qu'elle expose le motif du rejet de sa demande de titre de séjour ; qu'une telle motivation satisfait ainsi aux exigences de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ; que la circonstance que certains éléments de fait retenus pour motiver ladite décision de refus puissent relever d'un autre fondement légal non précisé n'est pas de nature à faire regarder la décision comme insuffisamment motivée ; que, dès lors, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : ... 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " ; qu'aux termes de l'article R. 313-21 dudit code : " Pour l'application du 7º de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D... était âgée de 71 ans lorsqu'elle a rejoint sur le territoire français en février 2009 sa fille, son gendre et ses petits-enfants, de nationalité française, sous couvert d'un visa de court séjour portant la mention " ascendant non à charge " ; que, si par ailleurs elle a également un fils français, la requérante n'établit toutefois pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine ; qu'y réside au moins un de ses neveux, qui avait d'ailleurs déclaré la prendre à sa charge par un acte notarié daté du 28 janvier 2009 et dont l'engagement ne saurait être remis en cause par sa déclaration sur l'honneur en sens contraire du 30 novembre 2011, postérieure à la décision attaquée ; qu'elle ne prouve pas que son frère décédé soit la seule personne qui l'ait hébergée après le décès de son époux en 2008 ; qu'ainsi et compte tenu du caractère très récent de la présence en France de Mme D... à la date de la décision contestée, le refus de titre de séjour qui lui a été opposé ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 12 mai 2010 que, si l'état de santé de Mme D... nécessite une prise en charge dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, le traitement nécessaire à la prise en charge efficace de son affection est disponible au Tchad ; que les documents produits par la requérante ne suffisent pas à infirmer cet avis ; qu'en tout état de cause l'intéressée n'a pas présenté sa demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et n'est pas fondée à soutenir que le refus de titre qui lui a été opposé serait entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de Mme D..., n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Loiret de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 000 euros que Me E... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

9. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du préfet du Loiret et de lui allouer la somme qu'il demande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête susvisée de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du préfet du Loiret présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Aubert, président-assesseur,

- M. Madelaine, faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique le 20 septembre 2013.

Le rapporteur,

B. MADELAINE Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT00677


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT00677
Date de la décision : 20/09/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Bernard MADELAINE
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : GREFFARD-POISSON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-09-20;12nt00677 ?
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