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19/07/2013 | FRANCE | N°13NT00023

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 19 juillet 2013, 13NT00023


Vu la requête, enregistrée le 4 janvier 2013, présentée pour la société d'architecture Ivars et Ballet, dont le siège est 19, rue Jules Charpentier, BP 935 à Tours Cedex (37009), représentée par son gérant en exercice, par Me Meunier, avocat au barreau de Tours ; la société d'architecture Ivars et Ballet demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 12-11282 du 21 décembre 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a, sur déféré du préfet de la Mayenne, ordonné la suspension de l'exécution du marché de maîtrise d'oeuvre rel

atif à la création d'un pôle culturel à Saint-Berthevin conclu le 18 novembre 201...

Vu la requête, enregistrée le 4 janvier 2013, présentée pour la société d'architecture Ivars et Ballet, dont le siège est 19, rue Jules Charpentier, BP 935 à Tours Cedex (37009), représentée par son gérant en exercice, par Me Meunier, avocat au barreau de Tours ; la société d'architecture Ivars et Ballet demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 12-11282 du 21 décembre 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a, sur déféré du préfet de la Mayenne, ordonné la suspension de l'exécution du marché de maîtrise d'oeuvre relatif à la création d'un pôle culturel à Saint-Berthevin conclu le 18 novembre 2011 entre la commune de Saint-Berthevin et la société d'architecture Ivars et Ballet et de la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Saint-Berthevin a rejeté la demande du préfet de la Mayenne de retirer ce marché ;

2°) de rejeter la demande de suspension du marché de maîtrise d'oeuvre ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société d'architecture Ivars et Ballet soutient que :

- l'ordonnance attaquée est entachée d'une erreur de fait dès lors que contrairement à ce qui a été retenu, les deux personnalités membres du jury, dont la participation présente un intérêt particulier, n'avaient qu'une voix consultative et non délibérative ;

- le juge des référés a méconnu son office en ne se prononçant ni sur la nature de l'irrégularité ni sur l'atteinte portée aux droits du cocontractant, la société d'architecture Ivars et Ballet ;

- les irrégularités de procédure commises ne sont pas des irrégularités substantielles susceptibles de justifier l'annulation du marché ;

- une suspension du contrat porterait une atteinte excessive tant à l'intérêt général qu'aux droits du cocontractant ; en cas de suspension du marché l'activité de la société d'architecture Ivars et Ballet se trouverait totalement désorganisée et la perte financière serait importante ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2013, présenté par le préfet de la Mayenne tendant au rejet de la requête ;

Le préfet soutient que :

- à titre principal, la requête est irrecevable dès lors que la société d'architecture Ivars et Ballet n'étant pas partie à l'origine de l'ordonnance dont il est fait appel, elle n'a pas qualité pour faire appel ;

- l'ordonnance attaquée est entachée d'une simple erreur de plume en ce qu'elle mentionne la participation au jury de deux membres, personnalités dont la participation présente un intérêt particulier, avec voix délibérative alors que l'arrêté du 9 mars 2011 prévoit que ces personnes n'avaient qu'une voix consultative ;

- le juge des référés a bien pris en compte la nature de l'illégalité commise ainsi que les droits des cocontractants ;

- l'article 24 du code des marchés publics distingue nettement les membres du jury ayant voix délibérative et les autres personnes qui peuvent intervenir sans être membre du jury avec voix consultative ; il ne peut donc être soutenu qu'en application de ce texte un jury peut avoir des membres n'ayant qu'une voix consultative ;

- il n'y a pas simple ambiguïté quant à la composition du jury initial mais illégalité ;

- le marché de maîtrise d'oeuvre reçu le 13 juin 2012 en préfecture contient le procès-verbal du jury du concours ayant procédé le 7 avril 2011 à la sélection de quatre candidats alors même que du fait du retrait de l'arrêté du 9 mars 2011, cette sélection est réputée ne jamais être intervenue ;

- l'exécution des travaux est actuellement suspendue du fait des opérations de fouilles préventives en cours ; de plus, par une délibération du 7 février 2013 le conseil municipal de Saint-Berthevin a décidé de mettre fin au marché en cause ; dès lors, l'atteinte aux droits des cocontractants est toute relative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement convoquées à l'audience ;

Après avoir entendu en audience publique le 28 juin 2013 :

- le rapport de Mme Tiger, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Martin, rapporteur public ;

- et les observations de Me Marais, avocat de la société d'architecture Ivars et Ballet ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales : " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission " ; qu'aux termes de l'article L. 554-1 du code de justice administrative : " Les demandes de suspension assortissant les requêtes du représentant de l'Etat dirigées contre les actes des communes sont régies par le troisième alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales ci-après reproduit : " Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué. Il est statué dans le délai d'un mois. " ;

2. Considérant que la société d'architecture Ivars et Ballet relève appel de l'ordonnance du 21 décembre 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a, sur déféré du préfet de la Mayenne, ordonné la suspension de l'exécution du marché de maîtrise d'oeuvre relatif à la création d'un pôle culturel à Saint-Berthevin, conclu le 18 novembre 2011 entre la commune de Saint-Berthevin et la société d'architecture Ivars et Ballet, et de la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Saint-Berthevin a rejeté la demande du préfet de la Mayenne de retirer ce marché ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'ordonnance du 21 décembre 2012 indique que l'arrêté du 9 mars 2011, par lequel le maire a complété le jury du concours restreint de maîtrise d'oeuvre, désigne deux personnalités dont la participation présente un intérêt particulier ayant voix délibérative alors qu'en réalité ledit arrêté prévoit que ces deux membres n'ont que voix consultative ; que, toutefois, une telle mention constitue une simple erreur matérielle sans incidence sur la régularité de l'ordonnance attaquée qui précise ensuite que seuls les membres ayant voix délibérative ont voté, indication qui implique nécessairement que certains des membres ne siégeaient qu'avec voix consultative ;

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

4. Considérant que le préfet peut, sur le fondement des dispositions des articles L. 2131-2 et L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, saisir le juge administratif d'un déféré tendant à l'annulation d'un marché public passé avec formalités préalables ou de conventions portant concession ou affermage de services publics locaux ; qu'il peut assortir ce recours d'une demande de suspension sur le fondement des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 2131-6, auquel renvoie l'article L. 554-1 du code de justice administrative ; qu'eu égard à son objet, un tel recours formé à l'encontre d'un contrat relève du contentieux de pleine juridiction ;

5. Considérant qu'il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise, soit en décidant que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues par les parties, soit en prononçant, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la résiliation du contrat ou son annulation ; qu'il lui appartient également de prendre en considération la nature de l'illégalité commise pour se prononcer sur les conclusions à fin de suspension de l'exécution du contrat sur le fondement de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 24 du code des marchés publics, dans sa rédaction issue du décret n° 2008-1355 du 19 décembre 2008 : " I. Le jury de concours est composé exclusivement de personnes indépendantes des participants au concours. (...) b) Pour les collectivités territoriales, les membres du jury sont désignés dans les conditions prévues aux I, II, et III de l'article 22. (...) d) Le président du jury peut en outre désigner comme membres du jury des personnalités dont il estime que la participation présente un intérêt particulier au regard de l'objet du concours, sans que le nombre de ces personnalités puisse excéder cinq. e) En outre, lorsqu'une qualification professionnelle est exigée des candidats pour participer à un concours, au moins un tiers des membres du jury ont cette qualification ou une qualification équivalente. Ils sont désignés par le président du jury. / Tous les membres du jury ont voix délibérative. (...) " ;

7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'outre les six membres de droit du jury de concours restreint de maîtrise d'oeuvre pour la construction du pôle culturel de la commune de Saint-Berthevin, le maire a, par arrêté du 9 mars 2011, désigné, pour compléter ce jury, trois membres architectes, avec voix délibérative, et deux membres en qualité de personnalités dont la participation présente un intérêt particulier, avec voix consultative, alors qu'il résulte des dispositions de l'article 24 du code des marchés publics précitées que les " personnalités " siègent au jury de concours avec voix délibérative et que le jury doit, lorsqu'une qualification professionnelle est exigée des candidats pour participer à un concours, comme en l'espèce celle d'architecte, être composé d'au moins un tiers de personnes présentant une telle qualification ; qu'il résulte également de l'instruction que le jury, ainsi composé de onze membres, s'est réuni le 7 avril 2011 et, après un vote des seuls membres ayant voix délibérative, a procédé à une première sélection, retenant 4 des 108 dossiers de candidature reçus ; que, faisant suite au courrier adressé par le préfet de la Mayenne le 6 mai 2011, indiquant que la composition du jury n'était pas conforme aux dispositions de l'article 24 du code des marchés publics, le maire de Saint-Berthevin a, par arrêté du 10 juin 2011, retiré l'arrêté du 9 mars 2011 et procédé à la nomination d'un nouveau jury ; que ce dernier s'est réuni le 13 septembre 2011 et a procédé au classement des seuls projets retenus par l'ancien jury lors de la réunion susmentionnée du 7 avril 2011, poursuivant ainsi la procédure engagée avec le jury irrégulièrement composé ; qu'en dépit de ces illégalités affectant le processus de sélection des candidats et lauréats au concours, un marché de maîtrise d'oeuvre a été signé, le 18 novembre 2011, avec la société d'architecture Ivars et Ballet ; que, dès lors, eu égard à leur nature, les moyens invoqués par le préfet de la Mayenne tirés de l'irrégularité de la procédure et de la poursuite de la procédure sur la base de candidatures retenues par un jury dont la composition a été fixée par un arrêté irrégulier ayant été retiré paraissent, en l'état de l'instruction, propres à créer un doute sérieux quant à la légalité du marché attribué à la société requérante ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que le juge des référés du tribunal administratif de Nantes n'aurait pas vérifié que son ordonnance ne porte pas une atteinte excessive à l'intérêt général ni n'aurait examiné la nature des illégalités commises avant de prononcer la suspension du marché litigieux ; que, dès lors, la société d'architecture Ivars et Ballet n'est pas fondée à soutenir que le juge des référés du tribunal administratif de Nantes aurait méconnu son office ;

9. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que, eu égard à l'objet du marché litigieux, à son état d'avancement, et à la gravité des irrégularités dont est entachée la procédure ayant conduit à sa signature, l'ordonnance attaquée porterait à l'intérêt général ou aux droits de la société d'architecture Ivars et Ballet, une atteinte manifestement excessive ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société d'architecture Ivars et Ballet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a ordonné la suspension du marché qu'elle a passé avec la commune de Saint-Berthevin ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la société d'architecture Ivars et Ballet de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société d'architecture Ivars et Ballet est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'architecture Ivars et Ballet, au ministre de l'intérieur et à la commune de Saint-Berthevin.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de la Mayenne.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M.B..., faisant fonction de premier conseiller,

- Mme Tiger, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 juillet 2013.

Le rapporteur,

N. TIGER Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT00023


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT00023
Date de la décision : 19/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Nathalie TIGER
Rapporteur public ?: M. MARTIN
Avocat(s) : MEUNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-07-19;13nt00023 ?
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