La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/02/2013 | FRANCE | N°11NT02046

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 22 février 2013, 11NT02046


Vu la requête, enregistrée le 25 juillet 2011, présentée pour la société SPIE Ouest Centre, dont le siège est 7, rue Julius et Ethel Rosenberg à Saint-Herblain (44818), par la Selarl Cornet-Vincent-Ségurel, avocats au barreau de Nantes ; la société SPIE Ouest Centre demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0904282, 0904285 du 13 mai 2011 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a rejeté ses demandes indemnitaires au titre des préjudices liés à l'exécution des lots nos 19 et 21 du marché de réhabilitation de l'ancien institut médico-éducatif de Gi

en en centre culturel municipal, et en tant qu'il a assorti la réception des...

Vu la requête, enregistrée le 25 juillet 2011, présentée pour la société SPIE Ouest Centre, dont le siège est 7, rue Julius et Ethel Rosenberg à Saint-Herblain (44818), par la Selarl Cornet-Vincent-Ségurel, avocats au barreau de Nantes ; la société SPIE Ouest Centre demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0904282, 0904285 du 13 mai 2011 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a rejeté ses demandes indemnitaires au titre des préjudices liés à l'exécution des lots nos 19 et 21 du marché de réhabilitation de l'ancien institut médico-éducatif de Gien en centre culturel municipal, et en tant qu'il a assorti la réception des travaux de réserves ;

2°) de condamner la commune de Gien à lui verser les sommes de 323 309,21 euros TTC et 354 338,14 euros TTC au titre de la prolongation des délais d'exécution, assortie des intérêts moratoires calculés au taux contractuel à partir de la date du 13 mai 2009 ;

3°) d'enjoindre à la commune de Gien de prononcer la mainlevée des garanties ;

4°) de condamner la commune de Gien à lui verser la somme de 412,41 euros TTC au titre du préjudice résultant des carences dans le déroulement des opérations préalables à la réception ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Gien la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er février 2013 :

- le rapport de Mme Tiger, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Martin, rapporteur public ;

- les observations de Me B..., substituant Me Marchand, avocat de la société SPIE Ouest Centre ;

- et les observations de MeA..., substituant Me Benjamin, avocat de la commune de Gien ;

1. Considérant que la commune de Gien a engagé en 2004 une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de l'attribution de marchés publics de travaux ayant pour objet des " travaux de réhabilitation de l'ancien institut médico-éducatif en centre culturel municipal " ; que l'offre de la société EPH 2000, aux droits de laquelle vient la société SPIE Ouest Centre, a été retenue pour les lots n° 19 " Electricité courants forts et faibles " et 21 " chauffage - ventilation - désenfumage " et les marchés afférents, d'un montant initial respectif de 308 000 euros HT et 369 120,36 euros HT, signés par le maître d'ouvrage les 17 et 12 novembre 2004 pour un prix global et forfaitaire ; que la maîtrise d'oeuvre a été confiée pour l'ensemble des lots à la société d'architecture Bertrand Penneron ; que par deux avenants, signés respectivement les 17 et 23 mai 2006, pour les lots n° 19 et 21, la commune de Gien et la société SPIE Ouest Centre ont convenu de prolonger les délais d'exécution des travaux, qui devaient initialement s'achever le 4 avril 2006, jusqu'au 30 janvier 2007, à la suite des problèmes rencontrés avec les fondations de l'auditorium ; que de nouveaux avenants ont prolongé les délais d'exécution des travaux jusqu'au 30 avril 2007 puis jusqu'au 31 octobre 2007 ; que le procès-verbal des opérations préalables à la réception des travaux a été dressé par le maître d'oeuvre le 23 octobre 2007 et accepté par la société SPIE Ouest Centre le jour même s'agissant du lot n° 19 et le 30 octobre 2007 s'agissant du lot n° 21 ; que par deux requêtes enregistrées respectivement sous les nos 0904285 et 0904282, la société SPIE Ouest Centre a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la commune de Gien à lui verser les sommes de 323 309,21 euros TTC et 354 833,95 euros TTC en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la prolongation des délais d'exécution des lots susmentionnés ; que cette même société relève appel du jugement du 13 mai 2011 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes indemnitaires ; que, par la voie de l'appel incident, la commune de Gien demande à la cour de condamner la société d'architecture Bertrand Penneron à la garantir intégralement des éventuelles condamnations prononcées à son encontre ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des demandes :

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il ressort du jugement attaqué qu'à chaque chef de préjudice invoqué est consacré un motif distinct précisant la raison pour laquelle le préjudice allégué a été regardé par les premiers juges comme non établi ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté ;

3. Considérant que la circonstance que le jugement attaqué fixe dans l'article 1er de son dispositif la réception des travaux afférente aux lots nos 19 et 21 au 23 octobre 2007 et rejette dans ses motifs les prétentions indemnitaires de la société SPIE Ouest Centre au titre des cautions bancaires qui auraient été émises en substitution de la retenue de garantie du fait de l'absence de notification du procès-verbal de réception n'est pas constitutive d'une contradiction dans les motifs du jugement, dès lors que les premiers juges ont motivé le rejet des prétentions indemnitaires de la requérante sur ce point par le fait que celle-ci n'apportait pas la preuve que la banque lui aurait réclamé les sommes dont elle demandait réparation ;

Sur les conclusions de la société SPIE Ouest Centre tendant à la réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'allongement des délais d'exécution des lots nos 19 et 21 :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 10.11 du CCAG travaux alors applicable : " Les prix sont réputés comprendre toutes les dépenses résultant de l'exécution des travaux, y compris les frais généraux, impôts et taxes et assurer à l'entrepreneur une marge pour risques et bénéfice. Sauf stipulation contraire,ils sont indiqués dans le marché hors taxe à la valeur ajoutée (T.V.A.). A l'exception des seules sujétions mentionnées dans le marché comme n'étant pas couvertes par le prix ceux-ci sont réputés tenir compte de toutes les sujétions d'exécution des travaux qui sont normalement prévisibles dans les conditions de temps et de lieu où s'exécutent ces travaux, que ces travaux, que ces sujétions résultent : - de phénomènes naturels ; - de l'utilisation du domaine public et du fonctionnement des services publics ; - de la présence de canalisations, conduites et câbles de toute nature ainsi que des chantiers nécessaires au déplacement ou à la transformation de ces installations. - de la réalisation simultanée d'autres ouvrages, ou de toute autre cause. Sauf stipulation différente du C C.A.P., les prix sont réputés avoir été établis en considérant qu'aucune prestation n'est à fournir par le maître de l'ouvrage " ; qu'il ressort des stipulations précitées qu'elles s'appliquent aux prix fixés par le marché et n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à l'indemnisation intégrale du préjudice subi par le titulaire du marché du fait de retards dans l'exécution du marché imputables au maître de l'ouvrage ou à ses autres cocontractants et distincts de l'allongement de la durée du chantier due à la réalisation des travaux supplémentaires, dès lors que ce préjudice apparaît certain et présente avec ces retards un lien de causalité directe ;

En ce qui concerne l'indemnisation au titre des sujétions imprévues :

5. Considérant que l'indemnisation des sujétions imprévues n'est possible que si les difficultés rencontrées dans l'exécution du contrat présentent un caractère à la fois exceptionnel, imprévisible à la date de signature du contrat ou de l'un de ses avenants, et extérieur aux parties et, pour les marchés à forfait, si, en outre ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l'économie générale du contrat ; que le caractère forfaitaire et définitif des prix unitaires ne fait pas obstacle à ce que les entrepreneurs obtiennent une indemnité pour les difficultés exceptionnelles et imprévisibles par eux rencontrées dans l'exécution des travaux ;

6. Considérant qu'à supposer même qu'ils puissent être regardés comme ayant bouleversé l'économie des contrats en cause, les allongements successifs du délai d'exécution des travaux, pour une durée supplémentaire de 18 mois et 26 jours portant la durée globale d'exécution à trente-cinq mois, et non quarante-cinq comme le prétend la requérante, ont fait l'objet d'avenants successifs signés par la société Spie Ouest Centre ; qu'ils ne peuvent, dans ces conditions, être regardés comme extérieurs aux parties et revêtir le caractère de sujétions imprévues pour l'entreprise, qui n'est par suite pas fondée à demander à être indemnisée à ce titre ;

En ce qui concerne l'indemnisation à raison des fautes du maître d'ouvrage, du maître d'oeuvre et des autres intervenants :

7. Considérant que la société SPIE Ouest Centre, qui impute les allongements successifs de la durée d'exécution des lots nos 19 et 21 exclusivement aux fautes et carences du maître d'ouvrage, du maître d'oeuvre et des titulaires des autres marchés, demande en premier lieu l'indemnisation, d'une part, du " coût supplémentaire " des moyens humains qu'elle prétend avoir mobilisés durant le surcroît des délais d'exécution des travaux des lots litigieux, comprenant un responsable d'affaire, un chef de chantier et le personnel du service achat et du suivi administratif, et d'autre part, de l'augmentation du coût des moyens techniques mobilisés au-delà de ses prévisions ; que, toutefois, la seule circonstance que le chantier ait duré 18 mois et 26 jours supplémentaires par rapport à la durée initiale d'exécution, qui courait du 1er décembre 2004 au 4 avril 2006 en vertu de l'ordre de service n° 1 du 22 novembre 2004, est insuffisante pour établir que les personnels en question auraient été mobilisés pour ces opérations au delà de ce qui était initialement nécessaire à la requérante pour répondre aux obligations contractuelles auxquelles elle avait souscrit ; qu'ainsi, en se bornant à multiplier le coût horaire desdits personnels par un nombre d'heures supplémentaires non justifié dans leur principe et dans leur quantum, la société requérante n'établit pas la réalité du surcoût des moyens humains dont elle demande réparation ; que, de même, en se bornant à multiplier le coût mensuel des moyens techniques dont elle fait état par la durée de la période complémentaire et en faisant référence à l'évolution de l'indice BT 47 sur ladite période pour la hausse du prix des matériaux, sans établir que des moyens techniques ont été effectivement mobilisés, au-delà de ce qui était nécessaire à la réalisation des travaux lui incombant et à des moments précis de la période de prolongation du chantier, elle ne justifie pas de la réalité et de l'imputabilité des chefs de préjudice allégués ; qu'au surplus, les marchés correspondant aux lots nos 19 et 21 ont été conclus à des prix globaux et forfaitaires, " non révisables " en vertu de l'article 3.4.2 du cahier des clauses administratives particulières ;

8. Considérant que la société requérante demande en deuxième lieu l'indemnisation d'une perte de rendement et des " frais de mobilisation et de démobilisation " qu'elle prétend avoir exposés en raison des délais supplémentaires d'exécution des travaux des lots litigieux ; que, toutefois, en procédant à la multiplication d'un nombre moyen d'heures mensuelles de main d'oeuvre qu'elle estime nécessaire pour la réalisation du chantier par 18 mois et 26 jours, elle ne justifie pas la réalité de frais de main d'oeuvre supplémentaires consacrés à la réalisation des lots nos 19 et 21 et distincts des prétendus surcoûts des moyens humains sus-évoqués qui, ainsi qu'il a été dit, ne sont établis ni quant à leur réalité ni quant à leur imputabilité ;

9. Considérant que la société requérante soutient, en troisième lieu, que la prolongation du délai d'exécution des lots en cause l'a contrainte à assurer une prestation de maintenance du matériel et à assumer un risque supplémentaire lié à l'expiration des garanties fournisseurs ; que, toutefois, elle ne justifie pas s'être acquittée de frais de maintenance et d'assurance du matériel supérieurs à ceux normalement prévisibles ;

10. Considérant, en quatrième lieu, que la société SPIE Ouest Centre ne justifie pas avoir perdu d'autres marchés du fait de l'allongement des délais d'exécution du chantier ; que, dès lors, elle n'est pas fondée à solliciter l'indemnisation d'une " perte de marge " qui résulterait de l'impossibilité d'utiliser sur d'autres chantiers les moyens humains et matériels mobilisés, à des moments d'ailleurs indéterminés, pour la réalisation des lots nos 19 et 21 des travaux de réalisation du centre culturel municipal de Gien entre le 4 avril 2006 et le 31 octobre 2007 ;

11. Considérant, en cinquième lieu, que la société requérante demande l'indemnisation de l'insuffisante couverture de ses frais généraux et financiers fixes ; qu'elle estime lesdits frais à 12 % en ce qui concerne le lot n° 19 et à 12,5 % pour le lot n° 21 sans justifier ni de la pertinence de ces pourcentages ni de ce qu'elle aurait effectivement subi, du fait de l'allongement des délais d'exécution des travaux dont elle avait la charge, un déficit de couverture desdits frais qui ne serait pas imputable à sa propre gestion des interventions lui incombant ; qu'elle n'établit pas davantage qu'une participation complémentaire lui aurait été réclamée au titre du compte prorata en raison de l'allongement des délais d'exécution du chantier ;

12. Considérant, enfin, que la société SPIE Ouest Centre n'est pas fondée à soutenir que les prolongations des délais d'exécution des travaux des lots susmentionnés auraient dû faire l'objet d'ordres de service, dès lors que l'article 4.2 du CCAP applicable aux marchés stipule que " les délais d'exécution des travaux peuvent être prolongés par avenant " ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation du préjudice résultant " des conditions de réception des travaux " :

13. Considérant que si la société SPIE Ouest Centre soutient que l'absence de notification du procès verbal de réception l'a contrainte à maintenir en vigueur les cautions bancaires émises en substitution de la retenue de garantie, elle n'apporte pas la preuve de ce que la banque lui aurait effectivement réclamé les sommes dont elle demande le versement à ce titre ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société SPIE Ouest Centre n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes indemnitaires ;

15. Considérant que, par voie de conséquence, les conclusions de la requérante tendant à l'allocation des intérêts moratoires contractuels et à la capitalisation de ces intérêts sur les sommes réclamées au titre des préjudices sus-énumérés doivent être rejetées ;

Sur l'appel en garantie de la commune de Gien :

16. Considérant qu'en l'absence de toute condamnation prononcée par le présent arrêt, les conclusions aux fins d'appel en garantie présentées par la commune de Gien à l'encontre de l'atelier d'architecture Bertrand Penneron, mandataire du groupement de maîtrise d'oeuvre, sont sans objet et doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Gien, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la société SPIE Ouest Centre de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Gien au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société SPIE Ouest Centre est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel en garantie de la commune de Gien sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Gien tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société SPIE Ouest Centre et à la commune de Gien.

Copie en sera, en outre, adressée à l'atelier d'architecture Bertrand Penneron.

''

''

''

''

2

N° 11NT02046


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 11NT02046
Date de la décision : 22/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Nathalie TIGER
Rapporteur public ?: M. MARTIN
Avocat(s) : MARCHAND

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-02-22;11nt02046 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award