Vu la requête, enregistrée le 8 juillet 2011, présentée pour M. Loïc X, demeurant ..., par la SCP d'avocats au barreau de Rennes Verdier Martin ; M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0903864 du 10 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 17 juin 2009 par laquelle l'inspectrice du travail de la 5ème section de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle des Côtes d'Armor a autorisé la société Transports Daniel Ménage à le licencier pour inaptitude au poste de chauffeur ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2012 :
- le rapport de Mlle Wunderlich, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Specht, rapporteur public ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de l'inspectrice du travail en date du 17 juin 2009 :
Considérant qu'en vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique consécutive à un accident du travail, il appartient à l'inspecteur du travail, et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement du salarié, compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi, et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise ou d'adaptation de son poste de travail selon les modalités et conditions définies par l'article L. 1226-10 du code du travail ; qu'aux termes dudit article, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. " ; et qu'aux termes de l'article R. 4624-31 du même code : " Sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail qu'après avoir réalisé : 1° Une étude de ce poste ; 2° Une étude des conditions de travail dans l'entreprise ; 3° Deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires. " ;
Considérant que l'inaptitude physique au poste de chauffeur livreur de M. X, suppléant à la délégation unique du personnel de la société Transports Daniel Ménage -sise à Pleudihen-sur-Rance (Côtes d'Armor)- victime de quatre accidents de travail intervenus en 2004, 2006 et 2008 et reconnu travailleur handicapé avec un taux d'incapacité permanente de 5 % par la commission départementale pour l'autonomie des personnes handicapées le 22 octobre 2008, a été constatée par le médecin du travail après deux examens médicaux réalisés les 2 mars 2009 et 17 mars 2009 ; que l'employeur du requérant a en conséquence sollicité le 28 avril 2009 l'autorisation de procéder à son licenciement, qui lui a été accordée par décision de l'inspectrice du travail de la 5ème section de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle des Côtes d'Armor en date du 17 juin 2009 ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2421-3 du code du travail : " Le licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel (...) est soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2323-4 du même code : " Pour lui permettre de formuler un avis motivé, le comité d'entreprise dispose d'informations précises et écrites transmises par l'employeur, d'un délai d'examen suffisant et de la réponse motivée de l'employeur à ses propres observations. " ; et qu'aux termes de l'article L. 2325-16 : " L'ordre du jour des réunions du comité d'entreprise est communiqué aux membres trois jours au moins avant la séance. " ;
Considérant que les membres du comité d'entreprise ont été convoqués par courrier en date du 20 avril 2009 à une réunion exceptionnelle devant se tenir le 24 avril 2009 en vue de l'examen du projet de licenciement de M. X ; qu'était joint à ce courrier, outre le procès-verbal d'une précédente réunion extraordinaire du comité en date du 27 mars 2009 au cours de laquelle son avis avait été sollicité sur le reclassement de l'intéressé, un " résumé des événements " retraçant les étapes ayant conduit à la mise en oeuvre d'une procédure de licenciement pour inaptitude ; qu'il ressort des pièces du dossier que la réunion a été reportée au 27 avril 2009, de sorte que le délai prévu à l'article L. 2325-16 précité du code du travail a en tout état de cause été respecté ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la circonstance que les documents joints à la convocation ne comportaient pas toutes les informations relatives à l'état de santé de M. X et ne faisaient notamment pas état de sa qualité de travailleur handicapé ait empêché le comité d'entreprise, qui s'est prononcé en défaveur du licenciement à 4 voix contre une, de donner son avis en connaissance de cause ; que le requérant n'est, dans ces conditions, pas fondé à soutenir que l'avis du comité d'entreprise a été irrégulièrement émis ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 2421-1 du code du travail : " La demande d'autorisation de licenciement d'un délégué syndical (...) est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement dans lequel est employé l'intéressé. / Lorsque le délégué syndical bénéficie également de la protection prévue aux sections 3 et 4 du chapitre Ier du titre Ier de la partie législative, la demande est accompagnée du procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise. / Dans ce cas, sauf dans l'hypothèse d'une mise à pied, la demande est transmise dans les quinze jours suivant la date à laquelle a été émis l'avis du comité d'entreprise. /Dans tous les cas, la demande énonce les motifs du licenciement envisagé. Elle est transmise par lettre recommandée avec avis de réception. " ;
Considérant qu'il ressort des pièces produites devant les premiers juges que la demande d'autorisation de licenciement de M. X, à laquelle étaient joints les procès-verbaux des réunions du comité d'entreprise et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, et qui énonçait précisément les motifs du licenciement pour inaptitude envisagé, a été adressée par courrier recommandé avec demande d'avis de réception le 28 avril 2009 à l'inspectrice du travail, qui l'a reçue le 29 avril 2009 ; que le moyen tiré par M. X de ce que les règles de forme énoncées à l'article R. 2421-1 précité du code du travail n'ont pas été respectées manque, par suite, en fait ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite des problèmes de santé récurrents rencontrés par M. X, qui souffre d'une épicondylite, à raison de la manipulation des chargements qu'il transportait en qualité de chauffeur livreur, la société Transports Daniel Ménage a envisagé sur recommandation du médecin du travail de lui proposer un poste de chauffeur " relais ", ne comportant aucune manutention, nécessitant l'obtention du permis de conduire EC, et l'a, à cet effet, fait bénéficier d'une formation du 17 novembre 2008 au 22 décembre 2008, à l'issue de laquelle l'intéressé, après avoir échoué à deux reprises à l'épreuve dite " plateau ", ne s'est pas présenté le 27 février 2009 pour une troisième tentative, son état de santé faisant semble-t-il en tout état de cause obstacle à la réussite à cet examen ; que le médecin du travail a estimé le 17 mars 2009, quinze jours après un premier examen médical de M. X, à l'issue d'un second examen et après s'être rendu dans les locaux de l'entreprise le 9 mars 2009 en compagnie de l'inspectrice du travail, que l'intéressé ne pouvait pas occuper un poste de travail comportant des " mouvements répétitifs, des efforts physiques (manutention - traction - levage) avec le membre supérieur gauche " ni " mettre le bras gauche en élévation au dessus de l'horizontale ", en concluant que le salarié pouvait " effectuer un travail doux comme par exemple un travail administratif ou de surveillance " ; qu'il n'est pas contesté qu'aucun des postes administratifs existant dans l'entreprise et correspondant à ses qualifications n'était susceptible de se libérer ; que si M. X soutient que son employeur aurait expressément admis au cours de l'audience devant les premiers juges n'avoir effectué aucune recherche en vue de son reclassement dans l'établissement de la société à Seclin (Nord), il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu des caractéristiques et du mode d'exploitation dudit établissement, il aurait comporté des postes compatibles avec son état de santé ; que la société Transports Daniel Ménage, qui justifie par ailleurs avoir interrogé d'autres transporteurs routiers sur les emplois disponibles et financé une formation " bureautique et internet " d'une durée de 35 heures au bénéfice du salarié en septembre 2009, doit être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant sérieusement étudié la possibilité de reclasser l'intéressé et satisfait à l'obligation prévue à l'article L. 1226-10 précité du code du travail ; qu'il ressort enfin des termes mêmes de la décision autorisant la société à licencier M. X que l'inspectrice du travail, contrairement à ce que soutient le requérant, a recherché si les possibilités de reclassement avaient été suffisamment explorées par l'entreprise ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en tout état de cause obstacle à ce que la cour fasse bénéficier M. X, partie perdante, du paiement des frais qu'il a exposés à l'occasion du présent litige ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Loïc X, à la société Transports Daniel Ménage et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Une copie sera transmise à la SCP d'avocats Verdier Martin.
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N° 11NT018952
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