La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/06/2012 | FRANCE | N°11NT01258

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 28 juin 2012, 11NT01258


Vu, enregistré le 21 avril 2011, le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 0805296 et 1003309 du 17 février 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a fait droit aux demandes de Mme Christy X tendant à la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2001 et des

pénalités dont ils ont été assortis ;

2°) de remettre lesdites imp...

Vu, enregistré le 21 avril 2011, le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 0805296 et 1003309 du 17 février 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a fait droit aux demandes de Mme Christy X tendant à la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2001 et des pénalités dont ils ont été assortis ;

2°) de remettre lesdites impositions à la charge de Mme X ;

...........................................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 juin 2012 :

- le rapport de Mlle Wunderlich, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Specht, rapporteur public ;

Considérant que, sur requête des services fiscaux sollicitant la mise en oeuvre du droit de visite et de saisie prévu à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales à l'encontre de la société de droit américain Off the beaten path LLC, créée le 22 janvier 2002, et de M. et Mme X, respectivement vice-président et représentant légal de ladite société, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Brest a, par ordonnance en date du 13 avril 2006, autorisé les agents de l'administration des impôts à procéder aux visites et saisies nécessitées par la recherche de la preuve d'agissements présumés frauduleux au domicile du couple à Gouesnou (Finistère) ; que ces opérations se sont déroulées le 14 avril 2006, suivant procès-verbaux de visite, saisie et inventaire du même jour ; que le service, estimant au vu des éléments recueillis que Mme X avait exercé à partir de son domicile personnel une activité occulte d'organisation et de commercialisation, par le biais d'un site internet, de voyages à thème en France au bénéfice de clients anglophones principalement américains, canadiens et australiens, à titre individuel d'abord puis sous couvert de la société Off the beaten path LLC, lui a alors adressé le 6 octobre 2006 un avis de vérification de comptabilité portant, en matière de bénéfices industriels et commerciaux et de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2001 ; qu'un procès-verbal pour opposition à contrôle fiscal lui a été notifié par courrier avec demande d'avis de réception en date du 29 janvier 2007 reçu le 30 janvier 2007 ; que Mme X a été informée des rehaussements envisagés de ses bénéfices industriels et commerciaux au titre de l'année 2001 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période litigieuse, résultant de l'évaluation d'office des bases d'imposition prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, par proposition de rectification en date du 16 mars 2007 ; que les rappels correspondants, assortis de la majoration de 100 % prévue à l'article 1732 du code général des impôts lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable, ont été mis en recouvrement le 28 décembre 2007 ; que le tribunal administratif de Rennes, saisi par Mme X de deux demandes faisant suite au rejet par le chef des services fiscaux de ses réclamations successives, lui a accordé la décharge desdites impositions par un jugement en date du 17 février 2011 dont le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT interjette appel ;

Considérant que M. et Mme X, " qui ont résidé depuis le 17 septembre 1997 516 Emberwood Drive à Brandon (Floride, Etats-Unis d'Amérique) ", " ont déclaré vouloir transférer leur résidence 16 rue André Filippi à Toulon " auprès du consul général de France à Miami, qui en a attesté le 29 janvier 2001 ainsi qu'il ressort de la pièce produite par les contribuables, lesquels ont également joint au dossier de première instance la copie du contrat de location d'une maison individuelle sise 49 bis rue François Lettré à Brest (Finistère) qu'ils ont conclu le 11 février 2001 à compter du 1er mars 2001 pour 3 ans ; qu'ainsi qu'il résulte des pièces produites pour la première fois en appel par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT, le service a saisi au cours de la procédure diligentée sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales le relevé de septembre 2000 d'un compte ouvert à la Banque populaire de la Côte d'Azur au nom de M. ou Mme X, mentionnant l'adresse de Toulon ; que les recherches menées en janvier et février 2006 par la 5ème brigade nationale d'investigations de la Direction nationale d'enquêtes fiscales ont révélé que le site internet en langue anglaise, dont le nom de domaine est www.traveloffthebeatenpath.com et le contact administratif et technique auprès de l'hébergeur, autorisé par le propriétaire du site à agir en son nom et à mettre à jour le serveur, est Mme X, permettant la réservation en ligne de séjours touristiques à thème en France pour des petits groupes accompagnés par des guides, avait été créé le 7 août 2000 ; que l'adresse de ce site figurait dans un article, publié le 23 août 2000 dans le journal the Brandon News and Brandon Shopping, saisi au domicile des contribuables, faisant état de ce que Mme X, qui maitrisait la langue comme la culture française pour avoir vécu de nombreuses années dans le sud de la France, était guide et propriétaire d'Off the beaten path, organisateur de circuits touristiques en Provence et sur la Côte d'Azur ; que Mme X a indiqué dans les déclarations qu'elle a souscrites en 2002 et 2003 au nom de la société Off the beaten path LLC auprès de sa compagnie d'assurances américaine pour le calcul de ses primes d'agent de voyage tour opérateur professionnel exercer ladite activité depuis juillet 2000, ainsi qu'il ressort des documents obtenus dans le cadre de la procédure de visite et saisie, ; qu'enfin le disque dur de l'ordinateur de Mme X, saisi dans les mêmes conditions, contenait, sous l'intitulé "business\authorize.net settlements.doc", des fichiers permettant de dresser les noms des clients et les paiements par carte bancaire effectués par eux au cours de l'année 2001 ; que ces éléments, au soutien desquels le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT produit pour la première fois en appel des pièces justificatives, établissent l'exercice en France par l'intéressée, au cours de cette même année, d'une activité commerciale occulte d'organisation de voyages à raison de laquelle Mme X était astreinte à la tenue d'une comptabilité susceptible de faire l'objet d'une vérification en application de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'administration n'établissait pas que Mme X avait exercé durant l'année 2001 une telle activité pour décharger la redevable des droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2001 et des pénalités dont ils ont été assortis ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X devant le tribunal comme devant la cour ;

Considérant, en premier lieu, qu'à la suite de l'arrêt Ravon et autres c/France (n° 18497/03) du 21 février 2008 par lequel la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que les voies de recours ouvertes aux contribuables pour contester la régularité des visites et saisies opérées sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ne garantissaient pas l'accès à un procès équitable au sens de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 164 de la loi susvisée du 4 août 2008 de modernisation de l'économie a prévu, pour les opérations mentionnées à l'article L. 16 B pour lesquelles le procès-verbal ou l'inventaire avait été remis ou réceptionné antérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi, une procédure d'appel devant le premier président de la cour d'appel contre l'ordonnance autorisant la visite et un recours devant ce même juge contre le déroulement des opérations de visite et de saisie, les ordonnances rendues par ce dernier étant susceptibles d'un pourvoi en cassation ; que le d) du 1 du IV du même article 164 dispose que cet appel et ce recours sont ouverts pour les procédures de visite et de saisie ayant permis, comme en l'espèce, à l'administration d'obtenir des éléments à partir desquels des impositions faisant l'objet d'un recours contentieux ont été établies ; que le 3 du IV de ce même article fait obligation à l'administration d'informer les personnes visées par l'ordonnance ou par les opérations de visite et de saisie de l'existence de ces voies de recours et du délai de deux mois ouverts à compter de la réception de cette information pour, le cas échéant, faire appel contre l'ordonnance ou former un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie, cet appel et ce recours étant exclusifs de toute appréciation par le juge du fond de la régularité du déroulement de ces opérations ;

Considérant que, ce faisant, le législateur s'est contenté de donner une nouvelle rédaction à l'article L. 16 B conforme aux exigences de la convention, et a pu instituer à titre transitoire la possibilité de bénéficier rétroactivement de ces nouvelles voies de recours contre l'ordonnance autorisant les opérations de visite et de saisie ainsi que contre le déroulement de telles opérations antérieures à l'entrée en vigueur de l'article 164 de cette loi, sans priver les contribuables d'aucune espérance légitime, et par suite sans porter atteinte à un bien au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en deuxième lieu, que Mme X ne peut dans ces conditions utilement se prévaloir de l'incompatibilité des dispositions de l'article L. 16 B dans leur rédaction antérieure à la date d'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008 avec le droit à un procès équitable garanti par l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en troisième lieu, que les opérations litigieuses de visite et de saisie entreprises en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ont été, sur recours de Mme X, qui a été mise à même d'exercer les voies de droit nouvelles offertes par la loi du 4 août 2008, déclarées régulières par une ordonnance du premier président de la cour d'appel de Rennes en date du 30 juin 2010 ; que la redevable n'est, par suite, pas fondée à soutenir que la procédure d'imposition ultérieurement poursuivie à son encontre est elle-même irrégulière ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. (...) " ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté qu'aucun document comptable n'a été présenté au vérificateur lors de sa première intervention au domicile de Mme X le 23 octobre 2006, cette dernière ayant déclaré à cette occasion ainsi que le lui avait conseillé son avocat qu'en sa qualité de présidente d'une société américaine elle n'était tenue de mettre aucun document à disposition de l'administration fiscale française ; que Mme X a ensuite été informée par courrier recommandé avec demande d'avis de réception en date du 13 novembre 2006 fixant un nouveau rendez-vous le 24 novembre 2006 à 10h des obligations déclaratives auxquelles étaient soumises en vertu du code général des impôts et du livre des procédures fiscales les personnes morales imposables en France et mise en garde quant aux conséquences que pourrait avoir le fait de persister dans son refus au regard de l'article L. 74 précité du livre des procédures fiscales ; que son conseil a adressé en réponse au service vérificateur un courrier en date du 21 novembre 2006 refusant le rendez-vous proposé en faisant valoir que la société Off the beaten path LLC, domiciliée au Etats-Unis, n'exerçait aucune activité en France et n'y disposait d'aucun établissement stable, de sorte que l'administration fiscale française était territorialement incompétente pour procéder à la vérification de sa comptabilité ; que la représentante légale de la société a alors été convoquée dans les locaux de la Direction de contrôle fiscal Ouest le 11 décembre 2006 à 10h30 par courrier, constituant une deuxième mise en garde, dont elle a accusé réception le 25 novembre 2006 ; qu'au cours de cet entretien, reporté au 19 décembre 2006 à 14h30 sur demande du conseil de Mme X, auquel ont en outre assisté la vérificatrice et l'inspecteur principal, il a été demandé à l'intéressée et son avocat de faire connaître le 9 janvier 2007 au plus tard leur acceptation de participer aux opérations de contrôle ; que le refus persistant de la redevable a été confirmé par courrier du conseil de Mme X en date du 24 janvier 2007 ; que ces circonstances caractérisent, contrairement à ce que soutient Mme X, une opposition à contrôle fiscal au sens des dispositions précitées de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'en se bornant à soutenir sans plus de précision que la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires utilisée par le service n'est pas probante, Mme X n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'exagération des rappels litigieux ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a déchargé Mme X des impositions litigieuses ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme X demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 17 février 2011 est annulé.

Article 2 : Les droits de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été réclamés à Mme X au titre de la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2001 et les pénalités dont ils ont été assortis sont remis à sa charge.

Article 3 : Les conclusions de Mme X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU COMMERCE EXTERIEUR et à Mme Christy X. Une copie sera transmise à Me Trillat.

''

''

''

''

N° 11NT012582

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 11NT01258
Date de la décision : 28/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme MASSIAS
Rapporteur ?: Mme Anne-Catherine WUNDERLICH
Rapporteur public ?: Mme SPECHT
Avocat(s) : TRILLAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2012-06-28;11nt01258 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award