Vu la requête, enregistrée le 7 avril 2011, présentée pour M. Sibiry X, demeurant ..., par Me Bon-Julien, avocat au barreau de Rennes ; M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1100838 du 8 mars 2011 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 mars 2011 du préfet de la Manche décidant sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le Mali comme pays de destination ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 mars 2011 et la décision du même jour fixant le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Manche de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur son droit à un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la décision du 1er septembre 2011 par laquelle le président de la cour a désigné Mme Grenier pour statuer sur les appels interjetés contre les jugements rendus par les présidents de tribunaux administratifs ou leurs délégués en matière de reconduite à la frontière ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir, au cours de l'audience publique du 5 décembre 2011, présenté son rapport et entendu les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier : 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4 (...) / 4. S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les Etats membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours ; qu'aux termes de l'article 8 de la même directive, intitulé éloignement : 1. Les Etats membres prennent toutes les mesures nécessaires pour exécuter la décision de retour si aucun délai n'a été accordé pour un départ volontaire conformément à l'article 7, paragraphe 4, ou si l'obligation de retour n'a pas été respectée dans le délai accordé pour le départ volontaire conformément à l'article 7 (...) ; que les articles 7 et 8 de la directive, qui n'ont pas été transposés par la France dans le délai imparti, expiré le 24 décembre 2010, énoncent des obligations inconditionnelles et suffisamment précises pouvant être invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir contre un acte administratif non réglementaire ;
Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 3° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an (...) ;
Considérant que, dans leur rédaction alors applicable, les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'elles n'imposent pas qu'une mesure de reconduite à la frontière soit assortie d'un délai approprié pour le départ volontaire d'un ressortissant de pays tiers dans des cas autres que ceux prévus à l'article 7, paragraphe 4, de la directive, sont incompatibles avec les objectifs de ses articles 7 et 8 ; que les dispositions de la directive ne font toutefois pas obstacle à ce qu'une mesure de reconduite à la frontière soit prise à l'encontre d'un ressortissant de pays tiers dans les cas prévus aux 1°, 2° et 4° du II de l'article L. 511-1, dès lors que cette mesure est assortie d'un délai de retour approprié à la situation de l'intéressé et supérieur à sept jours ; qu'elles ne font également pas obstacle à ce qu'une mesure de reconduite à la frontière soit prise à l'encontre d'un ressortissant de pays tiers dans le cas prévu au 3° du II à la condition que l'obligation initiale de quitter le territoire français ait été prise conformément aux exigences de forme et de fond prévues par les dispositions des articles 7 et 12 de la directive ;
Considérant que par une décision du 4 juillet 2008, le préfet du Val d'Oise a refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. X et lui a fait obligation de quitter le territoire français ; qu'ainsi, l'obligation de quitter le territoire français était exécutoire depuis plus d'un an à la date de l'arrêté portant reconduite à la frontière ; que par suite, M. X entrait dans le champ d'application du 3° du II de l'article L. 511-1 précité ;
Considérant d'une part, qu'il est constant que l'arrêté du 5 mars 2011 par lequel le préfet de la Manche a ordonné la reconduite à la frontière de M. X n'est pas assorti d'un délai de retour approprié à la situation de l'intéressé et supérieur à sept jours ; qu'ainsi, il méconnaît les dispositions précités du 1 de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 ;
Considérant d'autre part, qu'il résulte des termes mêmes de l'article 2 de l'arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français du 4 juillet 2008 qu'il était exécutoire à compter de sa notification ; que si le préfet de la Manche soutient que cet arrêté est conforme à l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 et se prévaut, de manière générale des exceptions prévues au 4 de cet article, il ne fait état d'aucune circonstance de nature à établir que M. X ne pourrait pas se prévaloir de l'application du délai prévu par le 1 de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 ; qu'ainsi, en ne prévoyant pas un délai de retour approprié à la situation de l'intéressé égal ou supérieur à sept jours, l'arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français du 4 juillet 2008 n'est pas conforme aux dispositions du 1 de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de reconduite à la frontière du 5 mars 2011 le concernant ainsi que, par voie de conséquence, la décision du même jour fixant le Mali comme pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que l'article L. 911-1 du code de justice administrative énonce que : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ;
Considérant qu'il y a lieu, en application de ces dispositions, d'enjoindre au préfet de la Manche de se prononcer à nouveau sur la situation de M. X dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à M. X au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1100838 du 8 mars 2011 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes et l'arrêté du 5 mars 2011 du préfet de la Manche décidant la reconduite à la frontière de M. X ainsi que la décision du même jour fixant le Mali comme pays de destination sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Manche de se prononcer à nouveau sur la situation M. X dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à M. X une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Sibiry X , au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration et au préfet de la Manche.
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N° 11NT01035