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19/12/2011 | FRANCE | N°11NT00643

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, Reconduite a la frontiere, 19 décembre 2011, 11NT00643


Vu la requête, enregistrée le 25 février 2011, présentée pour Mme Zoya X, demeurant ..., par Me Seguin, avocat au barreau d'Angers ; Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100986 du 3 février 2011 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 novembre 2010 du préfet de Maine-et-Loire décidant sa reconduite à la frontière à destination de l'Arménie ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2010 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et

-Loire de réexaminer sa situation et de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mo...

Vu la requête, enregistrée le 25 février 2011, présentée pour Mme Zoya X, demeurant ..., par Me Seguin, avocat au barreau d'Angers ; Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100986 du 3 février 2011 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 novembre 2010 du préfet de Maine-et-Loire décidant sa reconduite à la frontière à destination de l'Arménie ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2010 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de réexaminer sa situation et de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans cette attente, d'une autorisation provisoire de séjour ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 1er septembre 2011 par laquelle le président de la cour a désigné Mme Grenier pour statuer sur les appels interjetés contre les jugements rendus par les présidents de tribunaux administratifs ou leurs délégués en matière de reconduite à la frontière ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la directive n° 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres ;

Vu la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et aux procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir, au cours de l'audience publique du 5 décembre 2011, présenté son rapport et entendu les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au présent litige : (...) II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, ressortissante arménienne, est entrée, selon ses déclarations, irrégulièrement en France, le 18 juin 2009 et n'est pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; qu'elle entre ainsi dans le champ d'application des dispositions précitées ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté de reconduite à la frontière du 18 novembre 2010 est intervenu avant l'expiration du délai de transposition en droit interne imparti par la directive du 16 décembre 2008 relative aux normes et aux procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, fixé au 24 décembre 2010 ; que, dans ces conditions, Mme X ne saurait utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article 7 de cette directive à l'encontre de l'arrêté contesté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce : (...) l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (...) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes (...). ; que l'article L. 742-6 du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce, dispose que : L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office. (...) ; que l'article L. 723-1 du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce, énonce que : (...) L'office statue par priorité sur les demandes émanant de personnes auxquelles le document provisoire de séjour prévu à l'article L. 742-1 a été refusé ou retiré pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4, ou qui se sont vu refuser pour l'un de ces motifs le renouvellement de ce document ;

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ; qu'en vertu de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés, a droit à un recours effectif devant un tribunal ; qu'aux termes de l'article 39 de la directive du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres : 1. Les Etats membres font en sorte que les demandeurs d'asile disposent d'un droit à un recours effectif devant une juridiction contre les actes suivants : a) une décision concernant leur demande d'asile (...) / 3. Les Etats membres prévoient le cas échéant les règles découlant de leurs obligations internationales relatives : a) à la question de savoir si le recours prévu en application du paragraphe 1 a pour effet de permettre aux demandeurs de rester dans l'Etat membre concerné dans l'attente de l'issue du recours ; b) à la possibilité d'une voie de droit ou de mesures conservatoires si le recours visé au paragraphe 1 n'a pas pour effet de permettre aux demandeurs de rester dans l'Etat membre concerné dans l'attente de l'issue de ce recours. Les Etats membres peuvent aussi prévoir une procédure d'office (...) ; qu'il résulte de leurs termes mêmes que les dispositions de l'article 39 de la directive du Conseil du 1er décembre 2005, si elles imposent aux Etats membres de garantir aux demandeurs d'asile un recours effectif devant une juridiction contre le refus qui leur est opposé, leur laissent le soin de déterminer les voies de droit et les mesures conservatoires dont peuvent disposer les étrangers qui ne sont pas autorisés à se maintenir sur leur territoire dans l'attente de l'issue de leur recours ;

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X a sollicité le statut de réfugié auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique le 20 juillet 2009 ; que, par une décision du 30 novembre 2009, le préfet de Maine-et-Loire a, sur le fondement du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refusé de l'admettre au séjour au motif que la demande d'asile politique présentée par l'intéressée constituait une fraude délibérée ; que le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, statuant selon la procédure prioritaire prévue au second alinéa de l'article L. 723-1 précité, a rejeté cette demande par une décision en date du 30 mars 2010 qui lui a été notifiée le 9 avril 2010 ; que le préfet pouvait, dès lors, en application des dispositions de l'article L. 742-6 du même code, décider la reconduite à la frontière de Mme X ;

Considérant, d'autre part, que si Mme X soutient qu'elle n'a pas disposé d'un recours effectif, elle a bénéficié de l'ensemble des garanties prévues par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la possibilité d'introduire un recours à caractère suspensif tendant à l'annulation l'arrêté du 18 novembre 2010 devant le tribunal administratif de Nantes, à l'occasion duquel a pu être discuté le choix du pays de renvoi, au regard notamment des risques auxquels l'intéressée soutenait être exposée dans ce pays ; qu'elle pouvait également saisir le juge des référés sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative à fin de suspension de cette mesure ; qu'elle a introduit un recours devant la Cour nationale du droit d'asile tendant à l'annulation de la décision du 30 mars 2010 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant sa demande d'asile ; que, par suite, il n'apparaît pas que Mme X serait, en raison de l'examen prioritaire de sa demande d'asile, privée d'un droit au recours effectif en méconnaissance de l'article 13 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et des dispositions de l'article 39 de la directive du Conseil du 1er décembre 2005, du seul fait que ses recours devant la Cour nationale du droit d'asile et devant la cour administrative d'appel ne présenteraient pas un caractère suspensif ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce : L'étranger qui (...) doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ; que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant qu'il appartient à l'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement, et non au préfet, d'établir à la fois sa nationalité et la réalité des risques encourrus dans son pays en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que si Mme X soutient qu'elle ne peut être éloignée vers l'Arménie, dès lors que l'autorité administrative n'établit pas qu'elle y serait légalement admissible et qu'elle y serait exposée à des risques de traitements inhumains ou dégradants, il ressort des pièces du dossier qu'elle a déclaré être née en Arménie de parents d'origine yézide et qu'elle y a vécu plusieurs années avant d'aller vivre en Russie pendant six années à la suite du décès de son père ; qu'elle ne produit à l'appui de ses allégations aucun élément probant permettant d'établir qu'elle serait personnellement exposée à des risques en cas de retour dans son pays d'origine en raison de l'hostilité qui y prévaudrait envers les personnes d'origine yézide; qu'il suit de là, qu'en fixant l'Arménie comme pays à destination duquel elle pourra être reconduite, le préfet de Maine-et-Loire n'a méconnu ni les dispositions de l'article L. 513-2 précité, ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de Mme X, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction de l'intéressée doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Zoya X et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.

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N° 11NT00643


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : Reconduite a la frontiere
Numéro d'arrêt : 11NT00643
Date de la décision : 19/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Christine GRENIER
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : SEGUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2011-12-19;11nt00643 ?
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