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19/12/2011 | FRANCE | N°10NT02738

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, Reconduite a la frontiere, 19 décembre 2011, 10NT02738


Vu I, sous le n° 10NT02738, la requête, enregistrée le 28 décembre 2010, présentée pour M. Alikhan X, élisant domicile ..., par Me Le Tallec, avocat au barreau de Paris ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1007157 du 11 octobre 2010 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 septembre 2010 du préfet de Maine-et-Loire décidant sa reconduite à la frontière à destination de la Russie ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 septembre 2010 ;
>3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire...

Vu I, sous le n° 10NT02738, la requête, enregistrée le 28 décembre 2010, présentée pour M. Alikhan X, élisant domicile ..., par Me Le Tallec, avocat au barreau de Paris ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1007157 du 11 octobre 2010 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 septembre 2010 du préfet de Maine-et-Loire décidant sa reconduite à la frontière à destination de la Russie ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 septembre 2010 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, le tout sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu II, sous le n° 10NT02739, la requête, enregistrée le 28 décembre 2010, présentée pour Mme Zalina Y, épouse Z, élisant domicile ..., par Me Le Tallec, avocat au barreau de Paris ; Mme Y, épouse Z demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1007158 du 11 octobre 2010 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 septembre 2010 du préfet de Maine-et-Loire décidant sa reconduite à la frontière à destination de la Russie ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 septembre 2010 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, le tout sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 1er septembre 2011 par laquelle le président de la cour a désigné Mme Grenier pour statuer sur les appels interjetés contre les jugements rendus par les présidents de tribunaux administratifs ou leurs délégués en matière de reconduite à la frontière ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir, au cours de l'audience publique du 5 décembre 2011, présenté son rapport et entendu les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;

Sur la jonction :

Considérant que les requêtes de M. X et de Mme Z présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutiennent M. X et Mme Z, les arrêtés de reconduite à la frontière dont ils ont fait l'objet énoncent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de ces arrêtés doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au présent litige : (...) II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ; que l'article L. 741-4 du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce, énonce que : (...) l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (...) / 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes (...). ; qu'en vertu de l'article L. 742-6 du même code, dans sa rédaction alors applicable : L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X et Mme Z ont déclaré être entrés irrégulièrement en France le 16 avril 2010 et ne sont pas titulaires d'un titre de séjour en cours de validité ; que les relevés de leurs empreintes digitales, effectués les 27 avril et 27 mai 2010, se sont révélées inexploitables en raison du mauvais état de leurs doigts ; que les intéressés ne font état d'aucune circonstance particulière permettant d'expliquer cette situation ; que, dès lors, l'impossibilité de procéder par deux fois à l'identification de leurs empreintes, qui a délibérément placé le préfet dans l'impossibilité d'instruire leurs demandes, a pu être regardée à bon droit par l'autorité administrative comme révélant une intention de fraude en application du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet de Maine-et-Loire a pu ainsi s'abstenir de leur délivrer, en l'état, des autorisations provisoires de séjour au titre de l'asile ; que M. X et Mme Z, dont l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, statuant selon la procédure prioritaire prévue au second alinéa de l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a rejeté les demandes d'asile par deux décisions du 13 août 2010, se trouvaient ainsi dans le champ d'application des dispositions précitées du 1° du II de l'article L. 511-1 et pouvaient faire l'objet d'une reconduite à la frontière ;

Considérant, en troisième lieu, que si M. X et Mme Z soutiennent que les arrêtés contestés sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'ils les privent des droits économiques et sociaux auxquels ils pourraient prétendre et les placent dans une situation d'extrême précarité, ils n'assortissent pas ce moyen de précisions suffisantes permettant à la cour d'en apprécier le bien fondé ;

Considérant, en quatrième lieu, d'une part, que les arrêtés portant reconduite à la frontière de M. X et de Mme Z ne procèdent pas des décisions du 1er juin 2010 par lesquelles le préfet de Maine-et-Loire a, sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 741-4 précitées, refusé de les admettre au séjour au titre de l'asile politique ; que, par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité des décisions de refus de séjour du 1er juin 2010 doit être écarté ;

Considérant, en cinquième lieu, que les arrêtés de reconduite à la frontière du 15 septembre 2010 étant pris en application du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les requérants ne sauraient utilement invoquer, pour contester leur légalité, la méconnaissance des dispositions du I de l'article L. 511-1 du même code relatives à l'obligation de quitter le territoire français ;

Considérant, en sixième lieu, que l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ; que M. X et Mme Z font valoir que les arrêtés contestés ne leur permettront pas d'assister à l'audience de la Cour nationale du droit d'asile, les privant ainsi du droit à un recours effectif contre les décisions du 13 août 2010 par lesquelles l'Office français de protection des réfugiés et apatride a rejeté leurs demandes d'asile ; que si le droit d'exercer un recours effectif devant une juridiction, protégé par les stipulations de l'article 13 précité, constitue une liberté fondamentale, il n'est pas porté atteinte à ce droit lorsque l'étranger a, en vertu des textes de procédure applicables à ce litige, la faculté de se faire représenter devant cette juridiction par un conseil ou par toute autre personne ; que par suite, M. X et Mme Z ne sont pas fondés à soutenir que les arrêtés du 15 septembre 2010 seraient entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au motif qu'ils ne pourront pas assister à l'audience de la Cour nationale du droit d'asile ;

Considérant, enfin, que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : L'étranger (...) qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier des motifs des décisions du 13 août 2010 de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides rejetant les demandes d'asile des requérants, dont le préfet de Maine-et-Loire avait connaissance lorsqu'il a édicté les arrêtés contestés, que M. X a obtenu le statut de réfugié en Pologne, le 13 octobre 2008 ; qu'ainsi, la réalité des risques invoqués par M. X et Mme Z en cas de retour en Russie doit être regardée comme suffisamment établie, nonobstant la circonstance que les requérants n'ont jamais fait état de la protection dont ils bénéficient en Pologne ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X et Mme Z sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 15 septembre 2010 en tant qu'ils permettent l'exécution des mesures de reconduite à destination de la Russie, et par suite, à demander l'annulation, dans cette mesure, de ces arrêtés ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

Considérant que le présent arrêt, qui annule les arrêtés de reconduite à la frontière du 15 septembre 2010 en tant qu'ils permettent l'exécution des mesures de reconduite à destination de la Russie, implique nécessairement le réexamen de la situation de M. X et de Mme Z ; que, dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de procéder à ce réexamen dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt et de leur délivrer, dans cette attente, des autorisations provisoires de séjour; qu'en revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en l'espèce, M. X et Mme Z n'établissant pas avoir exposé d'autres frais que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui leur a été accordée par décision du 4 novembre 2010, leur demande tendant à ce que l'Etat leur verse la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens doit être rejetée ;

DECIDE :

Article 1er : Les jugements n° 1007157 et n° 1007158 du 11 octobre 2010 du tribunal administratif de Nantes sont annulés en tant qu'ils rejettent les conclusions de M. X et de Mme Y, épouse Z tendant à l'annulation des arrêtés du 15 septembre 2010 en tant qu'ils permettent l'exécution des mesures de reconduite de M. X et de Mme Z à destination de la Russie.

Article 2 : Les arrêtés du 15 septembre 2010 du préfet de Maine-et-Loire sont annulés en tant qu'ils fixent la Russie comme pays à destination des reconduites à la frontière.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de Maine-et-Loire de réexaminer la situation de M. X et de Mme Z dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de leur délivrer, dans cette attente, des autorisations provisoires de séjour.

Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. X et de Mme Z est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Alikhan X, à Mme Zalina Y, épouse Z, au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration et au préfet de Maine-et-Loire.

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N°s 10NT02738,...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : Reconduite a la frontiere
Numéro d'arrêt : 10NT02738
Date de la décision : 19/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

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Étrangers - Reconduite à la frontière - Légalité interne - Étrangers ne pouvant faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière.

Étrangers - Réfugiés et apatrides - Effets de l'octroi de la qualité de réfugié.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Christine GRENIER
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : LE TALLEC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2011-12-19;10nt02738 ?
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