Vu la requête, enregistrée le 7 janvier 2011, présentée pour M. et Mme Jean-Philippe X, demeurant ... par Me Gouesnard, avocat au barreau de Nantes ; M. et Mme X demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0806718 en date du 10 novembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1996 à 1999 ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1996 à 1999 ainsi que des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 novembre 2011 :
- le rapport de Mme Coiffet, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Specht, rapporteur public ;
- et les observations de Me Gouesnard, avocat de M. X ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que par décision du 23 mai 2011, postérieure à l'enregistrement de la requête, le directeur départemental des finances publiques de la Sarthe a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, d'une part, de l'intégralité des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme X ont été assujettis au titre de l'année 1996 et, d'autre part, à concurrence des sommes respectives de 1 816 euros, 334 euros et 276 euros, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 1997, 1998 et 1999 procédant de la taxation dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers de dépenses de restaurant et de carburant réintégrées aux résultats de la SARL Aqualimba dont les contribuables sont les associés ; que les conclusions de la requête de M. et Mme X sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par l'administration en ce qui concerne les contributions sociales :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales : Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt doit d'abord adresser une réclamation au service territorial de l'administration des impôts dont dépend le lieu d'imposition (...) ; et qu'aux termes de l'article R. 200-2 du même livre : (...) Le demandeur ne peut contester devant le tribunal administratif des impositions différentes de celles qu'il a visées dans sa réclamation (...) ;
Considérant que M. et Mme X n'ont contesté dans leur réclamation du 24 septembre 2003 que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1996 à 1999 ; que, dès lors, leurs conclusions en tant qu'elles concernent les contributions sociales sont irrecevables ;
Sur les conclusions de la requête relatives à l'impôt sur le revenu :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, que l'administration a, ainsi qu'il a été dit plus haut, prononcé le dégrèvement des rappels d'impôt sur le revenu notifiés aux époux X au titre de l'année 1996 et des années 1997 à 1999, procédant pour ces trois dernières années de la taxation dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers de dépenses de restaurant et de carburant réintégrées aux résultats sociaux de la société Aqualimba ; qu'il en résulte que les moyens tirés d'une part, du défaut de réponse du vérificateur aux observations des contribuables formulées le 19 janvier 2006 en réponse à la notification des redressements des revenus de l'année 1996 et d'autre part, du refus irrégulier de l'administration de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires alors qu'il existait un différend sur la question de la rémunération de M. X, l'administration ayant nécessairement considéré que les remboursements de frais dont il avait bénéficié de la part de la SARL Aqualimba avaient eu pour conséquence de porter sa rémunération à un niveau excessif, sont sans portée utile ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 117 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1763 A ;
Considérant que la circonstance que l'administration n'a pas observé les formalités prévues par l'article 117 du code général des impôts lors de l'invitation faite à la SARL Aqualimba de lui donner des indications sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution qu'elle a constaté, est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition suivie à l'égard de M. et Mme X, recherchés en paiement de l'impôt à raison de leur part présumée dans cet excédent de distribution ; que, par suite, M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que la procédure d'imposition les concernant a été irrégulière ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions en litige :
Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ; qu'aux termes de l'article 110 du même code : Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. Toutefois, ces bénéfices sont augmentés de ceux qui sont légalement exonérés dudit impôt (...) ; qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées que, lorsqu'il n'a pas été établi d'impôt sur les sociétés à la charge de la personne morale, mais que celle-ci a effectivement alloué des sommes aux associés au cours de l'exercice, ces dernières sommes entrent dans la catégorie des sommes non prélevées sur les bénéfices au sens du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts et peuvent donc être regardées comme des revenus distribués ; qu'il appartient, en ce cas, à l'administration d'apporter la preuve que ces sommes ont été effectivement appréhendées par les associés ;
Considérant que la SARL Aqualimba, qui exploitait une discothèque à La Chapelle d'Aligné (Sarthe), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 30 septembre 1996, 1997, 1998 et 1999 à l'issue de laquelle le vérificateur a, en l'absence de comptabilité régulière et probante, reconstitué son chiffre d'affaires et constaté d'importantes omissions de recettes qu'il a réintégrées aux résultats de la société ; que le service a corrélativement considéré que ces recettes dissimulées constituaient, en application des dispositions du 1° et du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, des revenus distribués notamment à M. et Mme X, que la SARL Aqualimba, interrogée sur le fondement de l'article 117 du code général des impôts, avait désignés avec les deux autres associés de la société, comme étant les bénéficiaires de ces distributions ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et que le ministre reconnaît que les résultats des exercices clos en 1998 et en 1999 sont, après redressements, demeurés déficitaires ; qu'il s'ensuit que l'administration ne pouvait légalement se fonder sur les dispositions du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, pour imposer les sommes qu'elle avait regardées comme mises à la disposition de M. et Mme X par la société au cours de ces exercices ; que, toutefois, le ministre, qui est en droit à tout moment de la procédure contentieuse, pour justifier le bien-fondé d'une imposition, de substituer une base légale à celle qui a été primitivement invoquée, dès lors que cette substitution peut être faite sans priver le contribuable des garanties qui lui sont reconnues en matière de procédure d'imposition, demande que ces sommes soient imposées sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ; qu'il lui appartient cependant d'établir que M. et Mme X, qui n'ont pas accepté, même tacitement, le redressement de leur imposition à l'impôt sur le revenu, ont eu la disposition des sommes en litige ; que si le ministre fait valoir que la SARL Aqualimba a, en réponse à la demande qui lui a été adressée sur le fondement de l'article 117 du code général des impôts, désigné chacun des associés comme bénéficiaire des revenus réputés distribués, cette circonstance ne suffit pas à établir qu'ils ont appréhendé des sommes de la nature de celles qui sont définies au 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ; qu'il résulte en revanche de l'instruction que M. et Mme X détenaient 50 % des parts de la société Aqualimba, que M. X en était le seul gérant et disposait de la signature sur les comptes bancaires de la société, qu'il était son seul interlocuteur auprès des administrations, était présent dans l'établissement à chaque soirée et assurait les relations avec les fournisseurs ; qu'enfin, il n'est pas soutenu que les deux autres associés ont participé de façon déterminante à la direction et à la gestion de la société ; que, dans ces conditions, l'administration apporte la preuve, contrairement à ce que soutiennent les requérants, de ce que M. X, qui pouvait disposer sans contrôle des fonds sociaux, s'est comporté, alors même qu'il allègue avoir toujours exercé ses fonctions dans le respect des statuts de la société et de la loi, en maître de l'affaire et a effectivement appréhendé des revenus distribués correspondant aux recettes non déclarées par la SARL Aqualimba, imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ; que, par suite, le ministre est fondé à demander que les impositions litigieuses, qui avaient été établies selon la procédure contradictoire, soient maintenues ;
Considérant, enfin, que M. X doit, pour les raisons ci-dessus exposées, être regardé comme ayant également appréhendé les revenus distribués correspondant aux recettes non déclarées réintégrées aux résultats de l'exercice clos en 1997 de la SARL Aqualimba, imposés entre les mains des contribuables, en raison du caractère déficitaire dudit exercice, sur le fondement des dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à demander la décharge du supplément d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre de la même année procédant du rattachement à leur revenu global des distributions dont s'agit ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 : Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent et qu'aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : 1° Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 (...) quand un document ou une décision adressé au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait a porté la motivation à la connaissance du contribuable (...) ; qu'aux termes de l'article 1729 du même code, dans sa rédaction alors applicable : 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...) ; que les pénalités fiscales prévues à l'article 1729 du code général des impôts sont au nombre des sanctions auxquelles s'appliquent les dispositions précitées des articles 1er de la loi du 11 juillet 1979 et L. 80 D du livre des procédures fiscales ;
Considérant, en premier lieu, que la notification de redressement adressée le 24 novembre 2000 à M. et Mme X vise l'article 1729 du code général des impôts, indique également le taux et le montant des pénalités exigibles et mentionne, enfin, l'exposé des circonstances de fait sur lesquelles l'administration s'est fondée pour caractériser l'intention des contribuables d'éluder l'impôt ; qu'ainsi les majorations appliquées sont suffisamment motivées au regard des dispositions précitées de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en faisant état, d'une part, de la gravité des anomalies constatées dans la comptabilité de la société Aqualimba, de leur caractère répétitif et du montant élevé des redressements opérés et, d'autre part, de la qualité d'associé-gérant, maître de l'affaire pouvant disposer sans contrôle des fonds sociaux, de M. X et de celle d'associée-salariée de Mme X, l'administration justifie du caractère délibéré des omissions de recettes constatées au niveau de la société et des insuffisances de déclaration des contribuables et, par conséquent, de l'application de la majoration pour mauvaise fois aux droits correspondant aux redressements dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;
Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice. 2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ; qu'aux termes des articles 7 et 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen : Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la Loi, et selon les formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la Loi doit obéir à l'instant : il se rend coupable par la résistance (...) La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ;
Considérant que l'administration justifiant, ainsi qu'il a déjà été dit, du bien-fondé de la pénalité de 40 % dont elle a assorti les rappels d'impôt en litige à raison du comportement de M. et Mme X, et non, contrairement à ce que soutiennent ces derniers, de celui de la société Aqualimba dont ils sont les associés, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les stipulations susmentionnées de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions des articles 7 et 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen relatives à la présomption d'innocence et au principe de personnalité des peines ont été méconnues ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus de leur demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. et Mme X demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme X tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 1996 et d'autre part, à concurrence des sommes respectives de 1 816 euros, 334 euros et 276 euros, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 1997, 1998 et 1999.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme X est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Jean-Philippe X et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.
''
''
''
''
N° 11NT00028 2
1