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01/12/2011 | FRANCE | N°09NT00428

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 01 décembre 2011, 09NT00428


Vu la requête enregistrée le 23 février 2009, présentée pour la SOCIETE SODISAL, dont le siège est zone industrielle, route de Paris à Mondeville (14120), par Me Mertenz-Lentz, avocat au barreau de Paris ; la SOCIETE SODISAL demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800579 en date du 23 décembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la décharge de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003 ;

2°) de prononcer la décharg

e demandée ;

3°) à titre subsidiaire, d'interroger la Cour de justice de l'Unio...

Vu la requête enregistrée le 23 février 2009, présentée pour la SOCIETE SODISAL, dont le siège est zone industrielle, route de Paris à Mondeville (14120), par Me Mertenz-Lentz, avocat au barreau de Paris ; la SOCIETE SODISAL demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800579 en date du 23 décembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la décharge de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) à titre subsidiaire, d'interroger la Cour de justice de l'Union européenne sur l'interprétation de l'article 87 du traité instituant la communauté européenne au regard du dispositif mis en place à compter du 1er janvier 2001 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le code rural ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 ;

Vu la loi n° 96-1139 du 26 décembre 1996 ;

Vu la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000, notamment son article 35 ;

Vu le code de justice administrative ;

L'affaire ayant été dispensée d'instruction en application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative ;

La société SODISAL ayant été régulièrement avertie du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 2011 :

- le rapport de Mme Massias, président de chambre ;

- et les conclusions de Mme Specht, rapporteur public ;

Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article 302 bis ZD du code général des impôts applicables à la période d'imposition en litige, la taxe sur les achats de viande est constatée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures que la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'aux termes de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales : Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts. ; que l'article L. 168 du même livre dispose : Les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette de l'impôt, les insuffisances, les inexactitudes ou les erreurs d'imposition peuvent être réparées par l'administration des impôts ou par l'administration des douanes et droits indirects, selon le cas, dans les conditions et dans les délais prévus aux articles L. 169 à L. 189, sauf dispositions contraires du code général des impôts ; qu'il résulte de ces dispositions que la circonstance qu'une imposition a été dégrevée à tort ne fait pas obstacle à ce que l'administration, qui ne peut renoncer au bénéfice de la loi fiscale, établisse, avant l'expiration du délai de reprise prévu par les dispositions citées ci-dessus, une nouvelle imposition au titre de la même période ; qu'il appartient seulement à l'administration, dans ce cas, d'informer préalablement le contribuable de la persistance de son intention de l'imposer ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la SOCIETE SODISAL, après avoir déclaré conformément aux dispositions de l'article 302 bis ZD du code général des impôts alors en vigueur la valeur de ses achats et payé la taxe sur les achats de viande qu'elle estimait en conséquence devoir au titre de la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003, en a demandé la restitution ; que l'administration, après avoir prononcé le dégrèvement des impositions par une décision du 17 août 2004, lui a adressé, le 13 décembre 2004, une proposition de rectification interruptive de prescription portant sur les mêmes impositions, puis a émis un avis de mise en recouvrement le 4 décembre 2007, soit avant l'expiration du délai de reprise ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'administration est revenue sur sa décision de dégrèvement après l'expiration dudit délai doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne : Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ; qu'aux termes de l'article 88 du même traité : 1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. (...) / 2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87 (...) elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier (...) / 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ;

Considérant qu'il résulte de ces stipulations que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission européenne de décider, sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne, si une aide de la nature de celles mentionnées à l'article 87 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ce traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres le paragraphe 3 de l'article 88 du traité, d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l'application est contestée instituent un régime d'aide, ou si une taxe fait partie intégrante d'une telle aide ;

Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, d'une part, que les taxes n'entrent pas dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, à moins qu'elles constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de sorte qu'elles font partie intégrante de cette mesure, d'autre part que, pour que l'on puisse juger qu'une taxe, ou une partie d'une taxe, fait partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide ;

Considérant que l'article 1er de la loi du 26 décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural a inséré dans le code général des impôts un article 302 bis ZD instituant, à compter du 1er janvier 1997, une taxe sur les achats de viande due par les personnes qui réalisent des ventes au détail de viande, dont le produit était affecté à un fonds faisant l'objet d'une comptabilité distincte, ayant pour objet de financer la collecte et l'élimination des cadavres d'animaux et des saisies d'abattoirs reconnus impropres à la consommation humaine et animale, activités correspondant au service public de l'équarrissage défini à l'article 264 du code rural en vigueur au cours des années d'imposition en litige ; que le II de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000 de finances rectificative pour 2000, entré en vigueur le 1er janvier 2001, a limité à la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2000 l'affectation de la taxe sur les achats de viande au fonds mentionné ci-dessus ; qu'en conséquence, à compter du 1er janvier 2001, en l'absence de dispositions prévoyant l' affectation de cette taxe, celle-ci est devenue une recette du budget général de l'Etat ; qu'à compter de cette même date, le service public de l'équarrissage a été financé au moyen d'une dotation inscrite au budget général de l'Etat ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, en vigueur au cours des années d'imposition en litige : Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général ; qu'en vertu du principe à valeur constitutionnelle d'universalité budgétaire résultant de ces dispositions, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l'Etat pour leur montant brut, sans être contractées, et l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues au second alinéa de l'article 18 ; qu'en application de ce principe et de la législation nationale relative à la taxe sur les achats de viande, et sans qu'il soit besoin de se référer aux travaux parlementaires dont est issu l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, à compter du 1er janvier 2001, il n'existait juridiquement aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe et le service public de l'équarrissage, et aucun rapport entre le produit de la taxe et le montant du financement public attribué à ce service ; qu'en exécution des règles ainsi applicables, à compter de cette même date, la taxe sur les achats de viande était une recette du budget général, dépourvue de tout lien avec le budget du ministère de l'agriculture et la dotation inscrite à ce budget servant à financer le service public de l'équarrissage ; que la taxe sur les achats de viande n'entrant pas, ainsi, à compter du 1er janvier 2001, dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, la SOCIETE SODISAL ne peut invoquer, au soutien de sa demande en restitution de l'imposition en litige, une éventuelle méconnaissance par les autorités françaises, à l'occasion de la modification du mode de financement du service public de l'équarrissage résultant des dispositions de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, des obligations qu'imposent les première et la dernière phrases du paragraphe 3 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne ;

Considérant, en troisième lieu, que la taxe sur les achats de viande n'assurant pas dans le cadre d'un lien d'affectation contraignant, à compter du 1er janvier 2001, le financement du service public de l'équarrissage, le moyen tiré de la méconnaissance du principe pollueur-payeur doit, en tout état de cause, être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que la SOCIETE SODISAL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE SODISAL est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE SODISAL. Copie en sera adressée au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.

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N° 09NT004282

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 09NT00428
Date de la décision : 01/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme MASSIAS
Rapporteur ?: Mme Nathalie MASSIAS
Rapporteur public ?: Mme SPECHT
Avocat(s) : MERTEN-LENTZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2011-12-01;09nt00428 ?
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