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04/11/2011 | FRANCE | N°10NT01475

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 04 novembre 2011, 10NT01475


Vu la requête, enregistrée le 9 juillet 2010, présentée pour Mme Corinne X, demeurant ..., par Me Dillenschneider, avocat au barreau de Montpellier ; Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 08-1159, 08-2224 du 3 juin 2010 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à ce que le Centre communal d'action sociale (CCAS) de Lèves soit condamné à :

- lui payer la somme correspondant à la différence entre les traitements qu'elle a perçus entre le 1er février 2005 et le 2 février 2006 et ceux qu'elle au

rait dû percevoir si elle avait été placée en congé de grave maladie ;

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Vu la requête, enregistrée le 9 juillet 2010, présentée pour Mme Corinne X, demeurant ..., par Me Dillenschneider, avocat au barreau de Montpellier ; Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 08-1159, 08-2224 du 3 juin 2010 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à ce que le Centre communal d'action sociale (CCAS) de Lèves soit condamné à :

- lui payer la somme correspondant à la différence entre les traitements qu'elle a perçus entre le 1er février 2005 et le 2 février 2006 et ceux qu'elle aurait dû percevoir si elle avait été placée en congé de grave maladie ;

- lui payer la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

2°) de réformer ledit jugement en tant qu'il a condamné le CCAS de Lèves à lui payer la somme correspondant à la différence entre les sommes qu'elle a perçues entre le 3 février 2006 et le 28 août 2007 et celles qu'elle aurait dû percevoir si elle avait été placée en congé maladie et non en congé de grave maladie ;

3°) de condamner le CCAS de Lèves à :

- lui payer la somme correspondant à la différence entre les traitements qu'elle a perçus entre le 1er février 2005 et le 2 février 2006 et ceux qu'elle aurait dû percevoir si elle avait été placée en congé de grave maladie ;

- lui payer la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- reconstituer sa carrière envers les organismes sociaux et de retraite pour la période du 1er février 2005 au 25 mars 2009 ;

4°) de mettre à la charge du CCAS de Lèves le versement de la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

Vu le décret n° 91-298 du 20 mars 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 octobre 2011 :

- le rapport de M. Joecklé, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Martin, rapporteur public ;

Considérant que Mme X, auxiliaire de puériculture titulaire au centre communal d'action sociale (CCAS) de la commune de Lèves, a été incarcérée pour avoir donné la mort à ses deux enfants le 1er février 2005 ; qu'elle a été reconnue pénalement irresponsable et hospitalisée d'office du 3 février 2006 au 10 juillet 2007 ; que, par un arrêté du 20 mai 2005, le président du centre communal d'action sociale de la commune de Lèves a mis fin, à compter du 1er février 2005, au congé parental dont bénéficiait la requérante et a pris un arrêté de service non fait , daté du même jour, décidant que Mme X ne percevrait aucune rémunération à compter du 1er février 2005 ; que Mme X est effectivement sortie de l'hôpital le 28 août 2007 ; que, par un jugement du 3 juin 2010, le tribunal administratif d'Orléans a condamné le CCAS de la commune de Lèves à verser à Mme X la somme correspondant à la différence entre les sommes qu'elle a perçues entre le 3 février 2006 et le 28 août 2007 et celles qu'elle aurait dû percevoir si elle avait été placée en congé de maladie ; que Mme X relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à ce que le CCAS de la commune de Lèves soit condamné à lui payer la somme correspondant à la différence entre les traitements qu'elle a perçus entre le 1er février 2005 et le 28 août 2007 et ceux qu'elle aurait dû percevoir si elle avait été placée en congé de grave maladie, ainsi que la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ; qu'elle demande également que le CCAS de la commune de Lèves soit condamné à reconstituer sa carrière envers les organismes sociaux et de retraite pour la période du 1er février 2005 au 25 mars 2009 ; que le CCAS de la commune de Lèves présente, pour sa part, des conclusions d'appel incident tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a prononcé une condamnation à son encontre ;

Sur les conclusions de Mme X :

En ce qui concerne les sommes réclamées au titre de la période du 1er février 2005 au 2 février 2006 :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa du 2° de l'article 57 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, le fonctionnaire en activité a droit : à des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. ;

Considérant qu'il est constant que Mme X a cessé son service à compter du 1er février 2005, date à laquelle elle a été incarcérée, jusqu'au 2 février 2006 ; que la requérante se trouvait ainsi dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions ; que le président du CCAS de Lèves, qui n'avait pas à prendre et n'a pris aucune mesure tendant soit à suspendre l'intéressée de ses fonctions, soit à lancer une procédure disciplinaire soit à la placer en congé de maladie, n'était pas tenu de lui verser son traitement à compter de la date de son incarcération en application des dispositions précitées du premier alinéa du 2° de l'article 57 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 ; que, par suite, les moyens tirés de ce que Mme X n'a pas été reconnue responsable pénalement en raison des troubles mentaux qui l'affectaient le 1er février 2005 et qu'elle a été hospitalisée d'office à compter du 3 février 2006 et développés à l'appui de ses conclusions à fin indemnitaire au titre de cette période sont inopérants ; que, dès lors, Mme X n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses conclusions à fin indemnitaire au titre de cette même période ;

En ce qui concerne les sommes réclamées au titre de la période du 3 février 2006 au 28 août 2007 :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 36 du décret susvisé du 20 mars 1991 portant dispositions statutaires applicables aux fonctionnaires territoriaux nommés dans des emplois permanents à temps non complet, dans sa rédaction applicable à la période en litige : En cas d'affection dûment constatée le mettant dans l'impossibilité d'exercer son activité, nécessitant un traitement et des soins prolongés et présentant un caractère invalidant et de gravité confirmée, le fonctionnaire bénéficie d'un congé de grave maladie pendant une période maximale de trois ans. / Dans cette situation, il conserve l'intégralité de son traitement pendant une durée de douze mois. Le traitement est réduit de moitié pendant les vingt quatre mois suivants. / L'intéressé est soumis à l'examen d'un spécialiste agréé compétent pour l'affection en cause. Le congé est accordé par décision de l'autorité territoriale ou décision conjointe des autorités territoriales dont il relève sur avis du comité médical saisi du dossier. (...) ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique dans sa rédaction applicable en l'espèce : A Paris, le préfet de police et, dans les départements, les représentants de l'Etat prononcent par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié, l'hospitalisation d'office dans un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Le certificat médical circonstancié ne peut émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement accueillant le malade. Les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l'hospitalisation nécessaire. (....) ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la nature et l'importance des troubles dont Mme X était atteinte, dûment constatés par des rapports d'expertise psychiatriques, nécessitaient des soins prolongés ; que ces troubles étaient de nature à compromettre la sûreté des personnes et de porter atteinte, de manière grave, à l'ordre public ; que ces troubles, qui ont justifié l'hospitalisation d'office de l'intéressée du 3 février 2006 jusqu'au 28 août 2007, la mettaient dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions et présentaient un caractère invalidant et de gravité confirmée au sens des dispositions précitées de l'article 36 du décret du 20 mars 1991 ; que Mme X a informé le CCAS de la commune de Lèves, par courrier du 15 février 2006, qu'elle était hospitalisée d'office depuis le 3 février 2006, en demandant à son employeur quelles étaient les démarches à effectuer pour régulariser sa situation ; que, par un courrier du 12 avril 2006, le CCAS de la commune de Lèves a demandé à la requérante de lui faire parvenir un certificat médical mentionnant son hospitalisation ; que le 25 avril 2006, Mme X a adressé audit CCAS un bulletin de situation, établi le 24 avril 2006, indiquant qu'elle était hospitalisée au centre psychiatrique de Bonneval depuis le 3 février 2006 et a, par la suite, fait parvenir deux autres bulletins de situation mentionnant son transfert du centre psychiatrique de Bonneval au C.H.U. de Montpellier et sa sortie définitive le 28 août 2007 ; que, compte tenu de ces démarches, Mme X doit être regardée comme ayant demandé le bénéfice d'un congé de grave maladie et justifié de sa maladie, nonobstant la circonstance que l'intéressée a fait parvenir à son employeur des bulletins de situation et non des certificats médicaux ; qu'ainsi, Mme X est fondée à soutenir qu'elle aurait dû être placée, au titre de cette période, en congé de grave maladie et non en congé de maladie, comme l'a jugé à tort le tribunal administratif d'Orléans ; que, dès lors, le préjudice financier de Mme X correspond à la différence des sommes qu'elle a perçues entre le 3 février 2006 et le 28 août 2007 et celles qu'elle aurait dû percevoir si elle avait été placée en congé de grave maladie conformément à ses droits statutaires, en application des dispositions précitées de l'article 36 du décret du 20 mars 1991 susvisé et ce, dans la limite de la somme de 13 387,34 euros, sans que le CCAS de la commune de Lèves puisse utilement se prévaloir de la circonstance que Mme X a effectué des démarches en vue de percevoir le revenu minimum d'insertion ; que, toutefois, les éléments produits au dossier ne permettent pas de déterminer avec exactitude le montant de la somme due à la requérante ; que, dans ces conditions, il y a lieu de renvoyer Mme X devant le CCAS de la commune de Lèves afin que ce dernier procède à la liquidation de la somme à laquelle l'intéressée est en droit de prétendre ;

En ce qui concerne le préjudice moral allégué :

Considérant que si Mme X soutient qu'elle aurait subi un préjudice moral, elle n'établit pas la réalité de ce préjudice ;

En ce qui concerne les conclusions relatives à la reconstitution de la carrière de Mme X :

Considérant que les conclusions de Mme X tendant à ce que le CCAS de la commune de Lèves soit condamné à reconstituer sa carrière envers les organismes sociaux et de retraite pour la période du 1er février 2005 au 25 mars 2009 sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X est uniquement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans n'a fait que partiellement droit à sa demande en ne retenant que la faute commise par le CCAS de la commune de Lèves en s'abstenant de la placer en congé de maladie durant la période de son hospitalisation d'office et non en grave maladie ;

Sur les conclusions incidentes du CCAS de la commune de Lèves :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, Mme X, qui a informé le CCAS de la commune de Lèves de son hospitalisation d'office dès le 15 février 2006, avait manifesté la volonté d'être placée en congé de maladie et envoyé plusieurs documents justifiant de son placement en hôpital psychiatrique ; que dans les circonstances de l'espèce et compte tenu des troubles graves dont la requérante était atteinte, l'absence de communication d'un certificat médical dans les quarante-huit heures ne saurait lui être opposée ; que, dans ces conditions, le CCAS de la commune de Lèves aurait dû placer Mme X en congé de grave maladie pour la période du 3 février 2006 au 28 août 2007 ; que, par suite, les conclusions incidentes du CCAS de la commune de Lèves tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a prononcé une condamnation à son encontre, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme X, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement au centre communal d'action sociale (CCAS) de la commune de Lèves de la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du CCAS de la commune de Lèves le versement à Mme X de la somme de 1 000 euros sur le même fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le centre communal d'action sociale (CCAS) de la commune de Lèves versera à Mme X la somme correspondant à la différence entre les sommes qu'elle a perçues entre le 3 février 2006 et le 28 août 2007 et celles qu'elle aurait dû percevoir si elle avait été placée en congé de grave maladie conformément à ses droits statutaires ce, dans la limite de la somme de 13 387,34 euros.

Article 2 : Mme X est renvoyée devant le CCAS de la commune de Lèves afin que dernier procède à la liquidation de la somme due à l'intéressée.

Article 3 : Le jugement nos 08-1159, 08-2224 du tribunal administratif d'Orléans en date du 3 juin 2010 est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X est rejeté.

Article 5 : Les conclusions incidentes du CCAS de la commune de Lèves et les conclusions présentées par celui-ci au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le CCAS de la commune de Lèves versera à Mme X la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Corinne X et au centre communal d'action sociale de la commune de Lèves.

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N° 10NT01475 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 10NT01475
Date de la décision : 04/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. PIRON
Rapporteur ?: M. Jean-Louis JOECKLE
Rapporteur public ?: M. MARTIN
Avocat(s) : DILLENSCHNEIDER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2011-11-04;10nt01475 ?
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