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04/11/2011 | FRANCE | N°10NT00560

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 04 novembre 2011, 10NT00560


Vu la requête, enregistrée le 18 mars 2010, présentée pour Mme Marianne X, demeurant ..., par Me Potel, avocat au barreau de Caen ; Mme X demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 08-1595 du 19 janvier 2010 du tribunal administratif de Caen en tant qu'il a seulement condamné la commune de Bénerville-sur-Mer à lui payer la somme de 2 500 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis en raison de la faute commise par le maire de cette commune, lequel a tardé à prendre les mesures propres à faire cesser le péril résultant des travaux entrepris sur un terrain

limitrophe de celui lui appartenant ;

2°) de condamner la commune de...

Vu la requête, enregistrée le 18 mars 2010, présentée pour Mme Marianne X, demeurant ..., par Me Potel, avocat au barreau de Caen ; Mme X demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 08-1595 du 19 janvier 2010 du tribunal administratif de Caen en tant qu'il a seulement condamné la commune de Bénerville-sur-Mer à lui payer la somme de 2 500 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis en raison de la faute commise par le maire de cette commune, lequel a tardé à prendre les mesures propres à faire cesser le péril résultant des travaux entrepris sur un terrain limitrophe de celui lui appartenant ;

2°) de condamner la commune de Bénerville-sur-Mer à lui payer les sommes de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral, 10 025,70 euros en réparation de la privation de jouissance de son immeuble, 18 223,64 euros au titre de ses frais de relogement provisoire et 12 500 euros au titre de la perte de chance de vendre son immeuble pour la période comprise entre le 19 mars 2007 et le 13 mars 2008 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Bénerville-sur-Mer le versement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 octobre 2011 :

- le rapport de M. Joecklé, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Martin, rapporteur public ;

Considérant que Mme X relève appel du jugement du 19 janvier 2010 du tribunal administratif de Caen en tant que, par celui-ci, il a seulement condamné la commune de Bénerville-sur-Mer à lui payer la somme de 2 500 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis à la suite de la faute commise par le maire de ladite commune, qui a tardé à prendre les mesures propres à faire cesser le péril résultant des travaux entrepris sur le terrain de Mme Z, limitrophe du sien ; que la commune de Bénerville-sur-Mer présente des conclusions incidentes tendant à l'annulation dudit jugement et au rejet de la demande présentée par Mme X ;

Sur les conclusions de Mme X :

En ce qui concerne la responsabilité :

Considérant que, si l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation n'impose pas à un maire l'obligation de prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu'ils menacent ruine et qu'ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d'une façon générale, ils n'offrent pas les garanties de solidité nécessaire au maintien de la sécurité publique , il incombe, en tout état de cause, à cette autorité de police, chargée notamment d'assurer la sécurité publique, de prendre, en cas de danger extérieur pour les personnes ou pour les biens, les précautions indispensables pour faire cesser le péril ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X, propriétaire d'un immeuble situé chemin de la Touques à Bénerville-sur-Mer a, par lettres en date du 13 mai 2002 et 10 mai 2003, appelé l'attention du maire de la commune de Bénerville-sur-Mer sur les travaux de creusement du sous-sol illégalement entrepris par M. Y, pour le compte de Mme Z, propriétaire de l'immeuble mitoyen du sien ; que, par lettre du 19 mars 2007, reçue par la commune le 20 mars 2007, à laquelle était jointe une copie du rapport établi, le 19 décembre 2006, par l'expert désigné par le président du tribunal de grande instance de Lisieux, Mme X a, à nouveau, appelé l'attention du maire sur l'exécution de ces travaux en lui demandant de mettre en oeuvre la procédure de péril prévue par les articles L. 511-1, L. 511-2 et R. 511-1 du code de la construction et de l'habitation, compte tenu du danger pour la sécurité publique que présentait l'état de l'immeuble de Mme Z qui menaçait de s'effondrer et d'entraîner l'effondrement de sa propre maison ; qu'il ressortait des constatations et analyses faites par l'expert judiciaire, étayées par l'étude géotechnique réalisée à la demande de celui-ci par l'entreprise Technosol Normandie, que la maison de Mme Z, en raison des travaux de terrassement en cause, montrait des signes très importants d'instabilité et d'effondrement et que, si une semelle de cette maison venait à s'effondrer, cela risquait de provoquer l'effondrement global de cette dernière, ce qui aurait un impact sur celle de Mme X compte tenu du caractère commun des infrastructures de ces deux constructions ; que l'expert estimait nécessaire pour remédier aux risques encourus de combler tous les vides de fouilles, sauf à opter pour des mesures conservatoires de sécurisation des lieux par étaiements et étrésillonnements par une entreprise spécialisée, dans l'attente de l'exécution de travaux de confortement du foncier et des bâtiments ; que le maire de la commune de Bénerville-sur-Mer ne pouvait négliger les informations ainsi apportées par le rapport de l'expert désigné par le tribunal de grande instance de Lisieux au seul motif que cet expert n'avait pas été désigné dans le cadre d'une procédure de péril telle que prévue par les dispositions précitées du code de la construction et de l'habitation ; qu'ainsi, dès le 20 mars 2007 au plus tard, le maire de la commune de Bénerville-sur-Mer avait connaissance du péril qui menaçait de manière certaine l'immeuble de Mme Z, en l'absence de travaux de sécurisation et, par voie de conséquence, des risques de désordres graves pouvant affecter la maison de Mme X, compromettant, pour ces deux immeubles, la sécurité des personnes et des biens ; que ce n'est que le 23 août 2007, postérieurement à l'effondrement d'une partie de l'immeuble de Mme Z, qui a d'ailleurs provoqué le décès de M. Y, que le maire a décidé d'agir en mettant en oeuvre la procédure de péril imminent prévue à l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation et en saisissant, à cet effet, le juge des référés du tribunal administratif de Caen d'une demande d'expertise, à la suite de laquelle il a pris, le 10 octobre 2007, un arrêté de péril imminent, interdisant l'accès et l'occupation de l'immeuble, propriété de Mme Z, et ordonnant à celle-ci de faire réaliser les travaux urgents - tels que décrits dans le rapport d'expertise déposé au greffe le 21 septembre 2007 - en vue de faire cesser le risque de péril imminent et lui accordant un délai d'un mois pour ce faire ; que le retard mis par le maire pour faire cesser le danger pour la sécurité publique que présentait l'immeuble de Mme Z et, notamment, l'absence de mise en oeuvre de la procédure relative aux bâtiments menaçant ruine prévue par les dispositions susrappelées de l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation, qu'il lui appartenait d'appliquer alors même que le péril n'aurait pas été imminent, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Bénerville-sur-Mer à l'égard de Mme X ;

Considérant, toutefois, que les préjudices subis par Mme X du fait de l'état de péril présenté par l'immeuble de Mme Z sont imputables, de façon prépondérante, aux agissements de cette dernière et de M. Y qui ont persisté à effectuer des travaux de creusement du sol sous la propriété de Mme Z, à proximité immédiate de la maison de Mme X, en dépit de leur condamnation, par un arrêt de la cour d'appel de Caen en date du 30 mai 2007, pour infractions au code de l'urbanisme, ordonnant la remise des lieux dans leur état antérieur, sous astreinte ; que le retard mis par l'autorité de police municipale à mettre en oeuvre la procédure prévue à l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation a participé à l'aggravation des dommages subis par Mme X ; qu'il sera fait une juste appréciation de la responsabilité de la commune en fixant celle-ci au tiers des conséquences dommageables subies par la requérante et présentant un lien direct avec la faute commise par la commune ;

En ce qui concerne les préjudices :

Considérant qu'il appartient au juge administratif lorsqu'il condamne une personne publique à réparer un dommage dont elle est responsable, de prendre, au besoin d'office, les mesures nécessaires pour éviter que sa décision n'ait pour effet de procurer à la victime, par suite des indemnités qu'elle a pu ou qu'elle peut obtenir par ailleurs à raison des conséquences dommageables résultant des mêmes faits, une indemnité supérieure à la valeur totale du préjudice subi ;

Considérant que Mme X demande l'indemnisation du préjudice résultant pour

elle de la perte de chance de vendre son immeuble, qu'elle avait mis en vente depuis l'année 2002 ; qu'il résulte, toutefois, de l'instruction que les difficultés rencontrées par Mme X pour vendre sa propriété avant l'année 2007 sont sans lien avec l'abstention fautive par le maire de la commune de Bénerville-sur-Mer dans la mise en oeuvre de la procédure prévue par l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation ; qu'en outre, Mme X n'établit pas qu'elle ait été privée d'une chance sérieuse de vendre son bien entre le mois de mars 2007 et le 6 février 2008 ; que, par suite, les conclusions de Mme X tendant à la condamnation de la commune de Bénerville-sur-Mer à lui verser une indemnité pour ce chef de préjudice, qui n'est pas la conséquence directe de la faute commise par la commune, doivent être rejetées ;

Considérant qu'il sera fait une juste évaluation du préjudice moral subi par Mme X, alors âgée de 76 ans, du fait des craintes qu'elle a éprouvées quant à la solidité et à la sauvegarde de sa maison et pour sa sécurité, auxquelles a contribué directement la carence du maire de la commune de Bénerville-sur-Mer à intervenir, en fixant son montant à 2 500 euros ; que, compte tenu du partage de responsabilité retenu, l'indemnité à la charge de la commune s'élève à la somme de 833 euros ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que, par jugement du 31 août 2007, le tribunal de grande instance de Lisieux a condamné Mme Z à régler à Mme X la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, ladite somme étant portée à 2 500 euros par un arrêt de la cour d'appel de Caen en date du 9 mars 2010 ; que la somme ainsi accordée par le juge judiciaire doit être regardée comme indemnisant l'intégralité de ce chef de préjudice ; qu'en outre, si Mme X soutient que Mme Z, laquelle est propriétaire d'un immeuble, serait dans une situation d'insolvabilité avérée, elle ne l'établit pas ; que, dès lors, il n'y a pas lieu de condamner la commune de Bénerville-sur-Mer à verser à Mme X la somme de 833 euros au titre de son préjudice moral ;

Considérant que Mme X demande le remboursement des frais de relogement qu'elle a exposés pendant la période du 8 août 2007 au 13 mars 2008, date à laquelle l'expert désigné dans le cadre de la procédure de péril imminent l'a assurée que son immeuble ne représentait aucun risque ; que si, après l'effondrement partiel de l'immeuble de Mme Z, la requérante a pu éprouver de sérieuses craintes quant à sa sécurité si elle demeurait dans sa maison durant la période courant du 8 août 2007 jusqu'au 6 février 2008, date à laquelle l'expert a constaté, en présence de l'intéressée, que l'examen de sa maison n'avait pas mis en évidence de désordres pouvant être en relation avec les travaux réalisés sur l'immeuble appartenant à Mme Z, il ne résulte pas de l'instruction que la requérante ait été dans l'obligation d'être relogée durant la période courant du 6 février 2008 au 13 mars 2008 ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation des frais de relogement de l'intéressée pendant cette période en les évaluant à la somme globale de 6 000 euros ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que Mme X ait été, à la date du présent arrêt, déjà indemnisée de ce chef de préjudice alors même qu'une provision d'un montant de 10 750 euros lui a été attribuée à ce titre par l'arrêt du 9 mars 2010 de la cour d'appel de Caen ; que, compte tenu du partage de responsabilité ci-dessus retenu, les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce préjudice en condamnant la commune de Bénerville-sur-Mer à verser à Mme X la somme de 2 000 euros ;

Considérant que Mme X demande la réparation du préjudice subi pour privation de jouissance de sa maison pour la période du 8 août 2007 au 13 mars 2008 ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice pour la période courant du 8 août 2007 au 6 février 2008 en l'évaluant à la somme de 1 500 euros ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que Mme X ait été déjà indemnisée de ce chef de préjudice alors même qu'une provision d'un montant de 500 euros lui a été attribuée à ce même titre par l'arrêt précité du 9 mars 2010 de la cour d'appel de Caen ; que, compte tenu du partage de responsabilité ci-dessus retenu, les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice subi en condamnant la commune de Bénerville-sur-Mer à verser à Mme X la somme de 500 euros à ce titre ;

Considérant que, s'agissant de ces deux derniers chefs de préjudice, il y a lieu de subroger, dans la limite de 2 500 euros, la commune de Bénerville-sur-Mer dans les droits éventuels de Mme X à percevoir l'indemnité qui sera définitivement fixée par l'autorité judiciaire pour ceux-ci ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a seulement condamné la commune de Bénerville-sur-Mer à lui verser la somme de 2 500 euros ;

Sur les conclusions incidentes de la commune de Bénerville-sur-Mer :

Considérant que les conclusions incidentes de la commune de Bénerville-sur-Mer tendant à sa mise hors de cause au motif, d'une part, de l'absence de faute commise par son maire dans l'exercice de son pouvoir de police et, d'autre part, de l'inopposabilité du rapport établi, le 19 décembre 2006, par l'expert désigné par le président du tribunal de grande instance de Lisieux, doivent, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Bénerville-sur-Mer, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à Mme X de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme X le versement à la commune de Bénerville-sur-Mer de la somme que celle-ci demande au titre des mêmes frais ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.

Article 2 : La commune de Bénerville-sur-Mer est subrogée, dans la limite de 2 500 euros, dans les droits éventuels de Mme X à percevoir l'indemnité qui sera définitivement fixée par l'autorité judiciaire pour les chefs de préjudice liés aux frais de relogement de l'intéressée et à la privation de jouissance de son immeuble.

Article 3 : Les conclusions d'appel incident de la commune de Bénerville-sur-Mer et celles présentées par celle-ci et tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Marianne X et à la commune de Bénerville-sur-Mer.

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N° 10NT00560 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 10NT00560
Date de la décision : 04/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. PIRON
Rapporteur ?: M. Jean-Louis JOECKLE
Rapporteur public ?: M. MARTIN
Avocat(s) : POTEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2011-11-04;10nt00560 ?
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