Vu la requête, enregistrée le 10 janvier 2011, présentée pour la société INAM DISTRIBUTION, dont le siège est route de Quimper à Gourin (56110), par Me Le Moigne-Rozec, avocat au barreau de Brest ; la société INAM DISTRIBUTION demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 09-550 du 10 novembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2002 ;
2°) de prononcer la restitution demandée, augmentée des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;
3°) subsidiairement, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance en date du 15 mars 2011 par laquelle le président de la 1ère chambre a, en application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, dispensé la présente affaire d'instruction ;
Vu le Traité instituant la Communauté européenne ;
Vu la sixième directive 77/388/CE du conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 ;
Vu le code rural ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 ;
Vu la loi n° 96-1139 du 26 décembre 1996 ;
Vu la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000, notamment son article 35 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 mai 2011 :
- le rapport de Mme Massias, président de chambre ;
- les conclusions de Mme Specht, rapporteur public ;
- et les observations de Me Adam, substituant Me Le Moigne-Rozec, avocat de la société INAM DISTRIBUTION ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 87 du Traité instituant la Communauté européenne : Sauf dérogations prévues par le présent Traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ; qu'aux termes de l'article 88 du même Traité : 1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. (...) / 2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87 (...) elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier (...) / 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ;
Considérant qu'il résulte de ces stipulations que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission européenne de décider, sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne, si une aide de la nature de celles mentionnées à l'article 87 du Traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ce Traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres le paragraphe 3 de l'article 88 du Traité, d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l'application est contestée instituent un régime d'aide, ou si une taxe fait partie intégrante d'une telle aide ;
Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, d'une part, que les taxes n'entrent pas dans le champ d'application des stipulations précitées du Traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, à moins qu'elles constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de sorte qu'elles font partie intégrante de cette mesure, d'autre part que, pour que l'on puisse juger qu'une taxe, ou une partie d'une taxe, fait partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide ;
Considérant que l'article 1er de la loi du 26 décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural a inséré dans le code général des impôts un article 302 bis ZD instituant, à compter du 1er janvier 1997, une taxe sur les achats de viande due par les personnes qui réalisent des ventes au détail de viande, dont le produit était affecté à un fonds faisant l'objet d'une comptabilité distincte, ayant pour objet de financer la collecte et l'élimination des cadavres d'animaux et des saisies d'abattoirs reconnus impropres à la consommation humaine et animale, activités correspondant au service public de l'équarrissage défini à l'article 264 du code rural en vigueur au cours des années d'imposition en litige ; que le II de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000 de finances rectificative pour 2000, entré en vigueur le 1er janvier 2001, a limité à la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2000 l'affectation de la taxe sur les achats de viande au fonds mentionné ci-dessus ; qu'en conséquence, à compter du 1er janvier 2001, en l'absence de dispositions prévoyant l'affectation de cette taxe, celle-ci est devenue une recette du budget général de l'Etat ; qu'à compter de cette même date, le service public de l'équarrissage a été financé au moyen d'une dotation inscrite au budget général de l'Etat ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, en vigueur au cours des années d'imposition en litige : Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général ; qu'en vertu du principe à valeur constitutionnelle d'universalité budgétaire résultant de ces dispositions, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l'Etat pour leur montant brut, sans être contractées, et l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues au second alinéa de l'article 18 ; qu'en application de ce principe et de la législation nationale relative à la taxe sur les achats de viande, et sans qu'il soit besoin de se référer aux travaux parlementaires dont est issu l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, à compter du 1er janvier 2001, il n'existait juridiquement aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe et le service public de l'équarrissage, et aucun rapport entre le produit de la taxe et le montant du financement public attribué à ce service ; qu'en exécution des règles ainsi applicables, à compter de cette même date, la taxe sur les achats de viande était une recette du budget général, dépourvue de tout lien avec le budget du ministère de l'agriculture et la dotation inscrite à ce budget servant à financer le service public de l'équarrissage ; que la taxe sur les achats de viande n'entrant pas, ainsi, à compter du 1er janvier 2001, dans le champ d'application des stipulations précitées du Traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, la société INAM DISTRIBUTION ne peut invoquer, au soutien de sa demande en restitution de l'imposition en litige, une éventuelle méconnaissance par les autorités françaises, à l'occasion de la modification du mode de financement du service public de l'équarrissage résultant des dispositions de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, des obligations qu'imposent les première et dernière phrases du paragraphe 3 de l'article 88 du Traité instituant la Communauté européenne ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 90 du Traité instituant la Communauté européenne : Aucun Etat membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres Etats membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires (...) ; que, pour qu'une taxe puisse être qualifiée d'imposition intérieure discriminatoire interdite par l'article 90, les recettes procurées par cette taxe doivent être affectées au profit des seuls produits nationaux ; que la taxe sur les achats de viande ayant été, ainsi qu'il a été dit, affectée à compter du 1er janvier 2001 au budget général de l'Etat, compte tenu du principe d'universalité budgétaire, les moyens tirés de ce qu'elle constituerait une taxe d'effet équivalent à un droit de douane ou une imposition intérieure discriminatoire ne peuvent qu'être écartés ;
Considérant, en troisième et dernier lieu, que selon l'article 33 de la sixième directive du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977, les dispositions de cette directive ne font pas obstacle au maintien ou à l'introduction par un Etat membre (...) de tous impôts, droits et taxes n'ayant pas le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires ; que contrairement à ce que soutient la société requérante, la taxe sur les achats de viande, qui n'est appliquée qu'une seule fois à l'occasion de l'achat de produits à base de viande par les détaillants et non au moment de la vente de ces produits, ne peut être regardée comme un impôt général grevant la circulation des biens et services et frappant les transactions commerciales d'une façon comparable à une taxe sur le chiffre d'affaires ; qu'il suit de là que les moyens tirés de l'incompatibilité de la taxe litigieuse avec les articles 33 et 11 A de la sixième directive du 17 mai 1977 qui fixent les objectifs relatifs à la détermination de la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée ne peuvent qu'être écartés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que la société INAM DISTRIBUTION n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société INAM DISTRIBUTION est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société INAM DISTRIBUTION. Copie en sera adressée au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.
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N° 11NT00056 2
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