Vu la requête, enregistrée le 27 juin 2008, présentée pour la SA DISTRICOM, dont le siège est situé Centre commercial du Prieuré à Châteaubourg (35220), par Me Serpentier-Linares, avocat au barreau de Montpellier ; la société DISTRICOM demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 28 avril 2008 par laquelle le président de la deuxième chambre du Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2001 au 30 octobre 2002 pour un montant de 38 212,11 euros ;
2°) qu'il soit enjoint à l'Etat de restituer le montant de la taxe perçue, assorti des intérêts moratoires et sous astreinte de 50 euros par jour jusqu'à l'exécution de l'arrêt à intervenir ;
3°) de condamner l'Etat au paiement d'une astreinte de 50 euros ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le Traité du 25 mars 1957 instituant la communauté économique européenne ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
Vu le code rural ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la décision n° 2005/474/CE de la Commission européenne du 14 décembre 2004 concernant la taxe sur les achats de viande (taxe d'équarrissage) mise à exécution par la France ;
Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 relative aux lois de finance ;
Vu la loi n° 96-1139 du 26 décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural ;
Vu la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000 portant loi de finance rectificative pour 2000, notamment son article 35 ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mars 2009 :
- le rapport de Mme Specht, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Hervouet, rapporteur public ;
Considérant que la SA DISTRICOM, qui exploite un supermarché à Châteaubourg (Ille-et-Vilaine) demande la restitution de la taxe sur les achats de viande prévue par l'article 302 bis ZD du code général des impôts qu'elle a acquittée au titre de la période du 1er janvier 2000 au 31 octobre 2002 ;
Sur la recevabilité des conclusions portant sur la période du 1er janvier 2000 au 31 août 2001 :
Considérant que si la SA DISTRICOM soutient que par l'ordonnance attaquée le tribunal aurait irrégulièrement rejeté ses conclusions tendant à la restitution de la taxe pour la période du 1er janvier 2000 au 31 août 2001 alors qu'elle vient aux droits de la société Lermac qui a acquitté la taxe au titre de cette période, elle ne produit aucun élément de nature à justifier qu'elle pourrait être regardée comme venant aux droits de cette société ; que, dès lors, c'est à bon droit que, par l'ordonnance attaquée, le tribunal a déclaré ces conclusions comme irrecevables ;
Sur la régularité de l'ordonnance :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'au cours de l'instance devant le Tribunal administratif de Rennes, saisi le 14 mars 2003 de la demande de la SA DISTRICOM en restitution de la taxe versée, le directeur des services fiscaux d'Ille-et-Vilaine a, par décision du 21 septembre 2004, prononcé le dégrèvement de la taxe acquittée par la société de janvier à octobre 2002 puis, le 23 novembre 2004, est revenu sur cette décision ; que, dès lors, c'est à bon droit que le tribunal n'a pas constaté de non-lieu à statuer ;
Sur la régularité du retrait de la décision de dégrèvement :
Considérant que les impositions ayant fait l'objet de la décision de dégrèvement ont été acquittées spontanément par la société ; qu'ainsi, les dispositions du livre des procédures fiscales, notamment celles des articles L. 57 et suivants, relatives à la rectification des déclarations des contribuables, ne pouvaient trouver à s'appliquer en l'espèce ;
Considérant que la décision de dégrèvement du 21 septembre 2004 d'une partie de la taxe dont la restitution était demandée par voie de réclamation ne constitue pas une remise gracieuse de dette ;
Considérant que le retrait d'une décision de dégrèvement, à l'intérieur du délai de reprise de l'administration, au motif qu'elle n'est pas conforme à l'état du droit ne saurait constituer une atteinte au principe de sécurité juridique ;
Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. ;
Considérant que la SA DISTRICOM soutient que l'absence d'exécution de la décision de dégrèvement du 21 septembre 2004, méconnaît les dispositions précitées de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, cependant, la société ne saurait prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte ; qu'à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations ; que toutefois, la décision de dégrèvement non motivée qui ne faisait pas, par elle-même, obstacle au rétablissement de l'imposition avant l'expiration du délai de reprise ouvert à l'administration, n'a pu faire naître une espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent dont pourrait se prévaloir la SA DISTRICOM ; qu'ainsi, elle ne peut utilement invoquer les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans le champ desquelles elle n'entre pas ;
Sur le bien fondé de l'imposition :
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des articles 87 et 88 du Traité instituant la communauté européenne :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 87 du Traité instituant la communauté européenne : 1. Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions (...) ; qu'aux termes de l'article 88 du même Traité : 1. La commission procède avec les États membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces États (...) 2. Si (...) la commission constate qu'une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d'État, n'est pas compatible avec le marché commun, (...) elle décide que l'État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu'elle détermine (...) 3. La commission est informée en temps utiles pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, (...) elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'État membre ne peut mettre à exécution les mesures projetées avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la commission de décider, sous le contrôle de la Cour de justice des communautés européennes, si une aide de la nature de celles visées par l'article 87 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ledit Traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux États membres la dernière phrase du 3, paragraphe précité, de l'article 88 du Traité, d'en notifier à la commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ;
Considérant toutefois que la double obligation de notifier et de ne pas exécuter avant la décision de la Commission ne s'étend au mode de financement d'une mesure d'aide que lorsqu'il en fait partie intégrante ; qu'une taxe ou une partie d'une taxe ne peut être regardée comme faisant partie intégrante d'une mesure d'aide que s'il existe nécessairement un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide ;
Considérant que l'article 1er de la loi du 26 décembre 1996 susvisée, codifié à l'article 302 bis ZD du code général des impôts, a institué à compter du 1er janvier 1997, une taxe sur les achats de viande due par les personnes qui réalisent des ventes au détail de viandes dont le produit était affecté à un fonds ayant pour objet de financer le service de collecte et d'élimination des cadavres d'animaux et des saisies d'abattoirs reconnus impropres à la consommation humaine et animale, c'est-à-dire les activités définies comme mission de service public par l'article 264 du code rural, ledit fonds étant géré par le centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA) ; que l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000 portant loi de finances rectificative pour 2000, dont les dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2001, a, au I., apporté certaines modifications au mécanisme de la taxe et, au II., clairement supprimé, à compter du 1er janvier 2001, l'affectation au CNASEA du produit de cette taxe lequel a été affecté par la loi de finances pour 2001 au budget général de l'État ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, en vigueur au cours des années d'imposition en litige : Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général ; qu'en vertu du principe à valeur constitutionnelle d'universalité budgétaire résultant de ces dispositions, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l'Etat pour leur montant brut, sans être contractées, et l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues au second alinéa de l'article 18 ; qu'en application de ce principe et de la législation nationale relative à la taxe sur les achats de viande, et sans qu'il soit besoin de se référer aux travaux parlementaires dont est issu l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, à compter du 1er janvier 2001, il n'existait juridiquement aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe et le service public de l'équarrissage, et aucun rapport entre le produit de la taxe et le montant du financement public attribué à ce service ; qu'en exécution des règles ainsi applicables, à compter de cette même date, la taxe sur les achats de viande était une recette du budget général, dépourvue de tout lien avec le budget du ministère de l'agriculture et la dotation inscrite à ce budget servant à financer le service public de l'équarrissage ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la taxe sur les achats de viande n'entrait pas, à compter du 1er janvier 2001, dans le champ d'application des stipulations précitées du Traité instituant la communauté européenne concernant les aides d'Etat et que, par suite, doit être rejeté le moyen tiré de ce que les autorités françaises auraient méconnu, à l'occasion de la modification du mode de financement du service public de l'équarrissage résultant des dispositions de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, les obligations qu'imposent la première et la dernière phrases du paragraphe 3 de l'article 88 du Traité instituant la communauté européenne ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des articles 23 et 25 du Traité instituant la communauté européenne :
Considérant qu'aux termes de l'article 23 du Traité instituant la communauté européenne : I. La communauté est fondée sur une union douanière qui s'étend à l'ensemble des échanges de marchandises et qui comporte l'interdiction entre les Etats membres des droits de douane à l'importation et à l'exportation et de toutes taxes d'effet équivalent, (...) ; qu'aux termes de l'article 25 du même Traité : Les droits de douane à l'importation et à l'exportation ou taxes d'effet équivalent sont interdits entre les États membres. Cette interdiction s'applique également aux droits de douane à caractère fiscal. ;
Considérant que constitue une taxe d'effet équivalent à un droit de douane, au sens des stipulations précitées du Traité, toute charge unilatéralement imposée, quelles que soient son appellation et sa technique, et frappant les marchandises en raison du fait qu'elles franchissent la frontière ; qu'il en va de même lorsque les ressources procurées par une taxe, frappant simultanément les produits nationaux ou importés ou issus d'une acquisition intracommunautaire, sont ensuite affectées de manière à compenser intégralement la charge supportée par les seuls produits nationaux ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 302 bis ZD du code général des impôts que la taxe qu'il institue est due sur les achats de viande et d'autres produits à base de viande, quelle qu'en soit la provenance, effectués par les personnes qui réalisent des ventes au détail de ces viandes et autres produits ; qu'elle appréhende ainsi systématiquement les produits nationaux et les produits faisant l'objet d'acquisitions intracommunautaires ou importés, au même stade de la commercialisation et selon les mêmes critères ; que son produit n'est pas affecté à un fonds qui serait exclusivement destiné à alimenter des activités profitant spécifiquement aux produits nationaux imposés mais au budget général de l'Etat ; que, dans ces conditions, la taxe sur les achats de viande ne peut être regardée comme ayant un effet équivalent à un droit de douane au sens des stipulations précitées du Traité instituant la communauté européenne ;
En de ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du principe pollueur-payeur :
Considérant que dès lors que, comme il a été dit ci-avant, il n'existe aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe instituée à l'article 35 de la loi de finances rectificative pour 2000 et les mesures d'aide éventuellement accordées par l'Etat au titre du service public de l'équarrissage, le moyen tiré de ce que la taxe sur les achats de viande en vigueur à compter du 1er janvier 2001 imputerait aux entreprises qui réalisent des ventes au détail de viandes le financement du coût du service public de l'équarrissage qui ne leur incomberait pas, en méconnaissance du principe pollueur payeur reconnu en droit interne et en droit communautaire, ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté comme inopérant ;
En ce qui concerne la doctrine de l'administration :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut néanmoins poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. ;
Considérant que la SA DISTRICOM ne saurait utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, d'une note à diffusion restreinte émanant de la direction générale des impôts en date du 6 janvier 2004, qui est en tout état de cause postérieure à l'acquittement par elle des impositions en litige ; qu'elle ne saurait davantage, pour les mêmes raisons se prévaloir de réponses ministérielles ou d'un rapport parlementaire postérieurs aux impositions en litige ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA DISTRICOM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fins d'injonction :
Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de la SA DISTRICOM n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de la société tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique d'exécuter la décision de dégrèvement doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à la SA DISTRICOM la somme que celle -ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SA DISTRICOM est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA DISTRICOM et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
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N° 08NT01571
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