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14/09/2009 | FRANCE | N°08NT00296

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 14 septembre 2009, 08NT00296


Vu la requête, enregistrée le 6 février 2008, présentée pour la SAS BOUCHARDIS, dont le siège est La Rocade à L'Ile Bouchard (37220), par Me Clara, avocat au barreau de Poitiers ; la SAS BOUCHARDIS demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 05-5 du 27 décembre 2007 par laquelle le président de la troisième chambre du Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 octobre 2003 pour un montant de 165 343 euros ;


2°) de prononcer la restitution demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'...

Vu la requête, enregistrée le 6 février 2008, présentée pour la SAS BOUCHARDIS, dont le siège est La Rocade à L'Ile Bouchard (37220), par Me Clara, avocat au barreau de Poitiers ; la SAS BOUCHARDIS demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 05-5 du 27 décembre 2007 par laquelle le président de la troisième chambre du Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 octobre 2003 pour un montant de 165 343 euros ;

2°) de prononcer la restitution demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité du 25 mars 1957 instituant la communauté européenne ;

Vu le code rural ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la décision n° 2005/474/CE de la Commission européenne du 14 décembre 2004 concernant la taxe sur les achats de viande (taxe d'équarrissage) mise à exécution par la France ;

Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 relative aux lois de finance ;

Vu la loi n° 96-1139 du 26 décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural ;

Vu la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000 portant loi de finance rectificative pour 2000, notamment son article 35 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mars 2009 :

- le rapport de Mme Specht, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Hervouet, rapporteur public ;

Considérant que la SAS BOUCHARDIS, qui exploite un supermarché à L'ÎLE BOUCHARD (37) demande la restitution de la taxe sur les achats de viande prévue par l'article 302 bis ZD du code général des impôts qu'elle a acquittée au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 octobre 2003 ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que la SAS BOUCHARDIS a demandé le 12 décembre 2003 la restitution de la taxe sur les achats de viande qu'elle avait acquittée au titre des années 1999, 2000, 2001, 2002 et du 1er janvier au 31 octobre 2003 ; que par décision du 23 novembre 2004, l'administration fiscale a partiellement admis sa réclamation et a prononcé le dégrèvement de la taxe perçue pour les années 1999 et 2000 ; qu'elle a rejeté le surplus de la demande au motif que la taxe en vigueur à compter du 1er janvier 2001 était conforme au droit communautaire en matière d'aides d'État ; que la circonstance que l'administration n'ait explicitement mentionné le rejet de la taxe que pour la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2002, ne saurait valoir, en tout état de cause et contrairement à ce que soutient la société requérante, une acceptation implicite de la demande pour la période du 1er janvier au 31 octobre 2003 ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 87 du Traité instituant la communauté européenne : 1. Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions (...) ; qu'aux termes de l'article 88 du même traité : 1. La commission procède avec les États membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces États (...) 2. Si (...) la commission constate qu'une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d'État, n'est pas compatible avec le marché commun, (...) elle décide que l'État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu'elle détermine (...) 3. La commission est informée en temps utiles pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, (...) elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'État membre ne peut mettre à exécution les mesures projetées avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la commission de décider, sous le contrôle de la Cour de justice des communautés européennes, si une aide de la nature de celles visées par l'article 87 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ledit Traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux États membres la dernière phrase du 3, paragraphe précité, de l'article 88 du Traité, d'en notifier à la commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ;

Considérant toutefois que la double obligation de notifier et de ne pas exécuter avant la décision de la Commission ne s'étend au mode de financement d'une mesure d'aide que lorsqu'il en fait partie intégrante ; qu'une taxe ou une partie d'une taxe ne peut être regardée comme faisant partie intégrante d'une mesure d'aide que s'il existe nécessairement un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide ;

Considérant que l'article 1er de la loi du 26 décembre 1996 susvisée, codifié à l'article 302 bis ZD du code général des impôts, a institué à compter du 1er janvier 1997, une taxe sur les achats de viande due par les personnes qui réalisent des ventes au détail de viandes dont le produit était affecté à un fonds ayant pour objet de financer le service de collecte et d'élimination des cadavres d'animaux et des saisies d'abattoirs reconnus impropres à la consommation humaine et animale, c'est-à-dire les activités définies comme mission de service public par l'article 264 du code rural, ledit fonds étant géré par le centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA) ; que l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000 portant loi de finances rectificative pour 2000, dont les dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2001, a, au I., apporté certaines modifications au mécanisme de la taxe et, au II., clairement supprimé, à compter du 1er janvier 2001, l'affectation au CNASEA du produit de cette taxe lequel a été affecté par la loi de finances pour 2001 au budget général de l'État ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, en vigueur au cours des années d'imposition en litige : Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général ; qu'en vertu du principe à valeur constitutionnelle d'universalité budgétaire résultant de ces dispositions, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l'Etat pour leur montant brut, sans être contractées, et l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues au second alinéa de l'article 18 ; qu'en application de ce principe et de la législation nationale relative à la taxe sur les achats de viande, et sans qu'il soit besoin de se référer aux travaux parlementaires dont est issu l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, à compter du 1er janvier 2001, il n'existait juridiquement aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe et le service public de l'équarrissage, et aucun rapport entre le produit de la taxe et le montant du financement public attribué à ce service ; qu'en exécution des règles ainsi applicables, à compter de cette même date, la taxe sur les achats de viande était une recette du budget général, dépourvue de tout lien avec le budget du ministère de l'agriculture et la dotation inscrite à ce budget servant à financer le service public de l'équarrissage ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la taxe sur les achats de viande n'entrait pas, à compter du 1er janvier 2001, dans le champ d'application des stipulations précitées du Traité instituant la communauté européenne concernant les aides d'Etat et que, par suite, doit être rejeté le moyen tiré de ce que les autorités françaises auraient méconnu, à l'occasion de la modification du mode de financement du service public de l'équarrissage résultant des dispositions de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, les obligations qu'imposent la première et la dernière phrases du paragraphe 3 de l'article 88 du Traité instituant la communauté européenne ;

Sur la doctrine de l'administration :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut néanmoins poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ; (...) ;

Considérant, en premier lieu, que la circonstance que l'administration aurait prononcé des dégrèvements pour certains contribuables puis aurait annulé ces décisions ne peut être regardé comme comportant une interprétation formelle du texte fiscal au sens des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dont la SAS BOUCHARDIS pourrait utilement se prévaloir ;

Considérant, en second lieu, que la société requérante ne saurait davantage se prévaloir, sur le même fondement, du rapport parlementaire, préalable à l'instauration de la taxe d'abattage, sur le projet de loi de finances de 2004 et des débats parlementaires autour de cette loi ni des débats ayant précédé l'adoption de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005, qui ne comportent pas d'interprétation d'un texte fiscal formellement admise par l'administration ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS BOUCHARDIS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à la SAS BOUCHARDIS la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS BOUCHARDIS est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS BOUCHARDIS et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 08NT00296
Date de la décision : 14/09/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. LEMAI
Rapporteur ?: Mme Frédérique SPECHT
Rapporteur public ?: M. HERVOUET
Avocat(s) : CLARA

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2009-09-14;08nt00296 ?
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