Vu la requête, enregistrée le 7 septembre 2006, présentée pour la société EUREXPAN LTD, dont le siège est Hillview House 1 Hallswell Parade Finchley Road à Londres (Royaume Uni), par Me Le Sergent, avocat au barreau de Paris, au cabinet duquel elle élit domicile ; La société EUREXPAN LTD demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 05-27 du 4 juillet 2006 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2000 et des pénalités dont ils ont été assortis ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mai 2009 :
- le rapport de Mlle Wunderlich, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Hervouet, rapporteur public ;
Considérant qu'il est constant que la société EUREXPAN LTD, dont le siège est à Londres (Royaume Uni), s'est abstenue de déposer des déclarations de chiffre d'affaires, au titre de la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2000, à raison de son activité de vente en France de produits de décontamination de lentilles de contact ; que l'administration, estimant que la société était redevable de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à cette activité au titre de ladite période, l'a assujettie au paiement de cette taxe selon la procédure de taxation d'office ;
Sur la détermination du lieu de livraison des biens :
Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) ; qu'aux termes de l'article 256 bis du même code : I. 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises ; (...) 3° est considérée comme acquisition intracommunautaire l'obtention du pouvoir de disposer comme un propriétaire d'un bien meuble corporel expédié ou transporté en France par le vendeur, par l'acquéreur ou pour leur compte, à destination de l'acquéreur à partir d'un autre Etat membre de la communauté européenne. (...) ; qu'aux termes de l'article 258 dudit code : I. le lieu de livraison des biens meubles corporels est réputé se situer en France lorsque le bien se trouve en France : a. Au moment de l'expédition ou du transport par le vendeur, par l'acquéreur, ou pour leur compte, à destination de l'acquéreur (...) ; qu'aux termes de l'article 258 C du même code : I. Le lieu d'une acquisition intracommunautaire de biens meubles corporels est réputé se situer en France lorsque les biens se trouvent en France au moment de l'arrivée de l'expédition ou du transport à destination de l'acquéreur. (...) ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les solutions chimiques commercialisées par la société EUREXPAN LTD sous l'appellation ContaClair, ContaMousse et SaniBody étaient fabriquées pour le compte de cette société par le laboratoire à façon Biophelia, sis à Chambray-les-Tours (Indre-et-Loire), à partir de matières premières en provenance d'Allemagne qui lui étaient livrées par l'une des sociétés du groupe EUREXPAN ; que les produits, une fois fabriqués et mis en flacon par le laboratoire Biophelia, étaient acheminés dans les locaux de la société Logistix situés à Cellettes (Loir-et-Cher) afin d'y être conditionnés, stockés et groupés par commandes en vue de leur livraison aux clients de la société EUREXPAN LTD, constitués pour l'essentiel d'opticiens et de pharmaciens français ; que ces livraisons étaient assurées par des transporteurs au départ des locaux de la société Logistix à Cellettes ; qu'aucune pièce du dossier n'est de nature à établir qu'au moment de l'expédition ou du transport des marchandises par ces transporteurs et pour le compte de la société requérante, à destination des acquéreurs, les marchandises se trouvaient ailleurs qu'en France ; que l'acheminement de matières premières depuis l'Allemagne jusqu'au laboratoire Biophelia n'était pas un élément du transport des marchandises, par le vendeur ou pour son compte, à destination de l'acquéreur, mais constituait une opération de transport antérieure, distincte du transport à destination de l'acquéreur ; qu'ainsi, il est établi qu'au moment de l'expédition ou du transport des marchandises, par les transporteurs et pour le compte de la société requérante, à destination des acquéreurs, les marchandises se trouvaient en France ; qu'il s'ensuit que les opérations de livraison en France de biens meubles corporels réalisées par la société EUREXPAN LTD relevaient du champ d'application des dispositions précitées du I de l'article 258 du code général des impôts mais, en revanche, ne constituaient pas, de la part des acquéreurs, des acquisitions intracommunautaires et, dès lors, ne relevaient pas du champ d'application des dispositions précitées de l'article 258 C du même code ; que le moyen tiré par la société requérante de ce qu'elle n'aurait pas disposé d'un établissement stable en France, s'agissant d'une activité de livraisons de biens et non de prestations de services, doit être écarté comme inopérant ;
Sur la détermination du redevable de la taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant qu'il est constant que c'est la société EUREXPAN LTD qui vendait les produits à ses clients français et non la société Logistix qui se bornait à lui dispenser une prestation d'assistance logistique ; que, par suite, l'administration était fondée à regarder la société requérante comme la redevable de la taxe ayant grevé ses opérations de livraison de biens, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que la société EUREXPAN LTD aurait disposé d'un établissement stable en France, dans les locaux de la société Logistix ;
Sur le délai de reprise :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales : Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts. Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la sixième année qui suit celle au titre de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts, lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce (...) ;
Considérant que la circonstance que, dans la notification de redressements adressée le 31 juillet 2002 et portant sur la période du 1er janvier au 31 décembre 1998, le vérificateur ait mentionné, à la suite d'une erreur matérielle, pour justifier de l'étendue de la période sur laquelle était exercée la reprise, l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, qui contient des dispositions identiques à celles de l'article L. 176 précité pour l'impôt sur les sociétés et l'impôt sur le revenu, ne peut être regardée comme ayant empêché la société requérante de présenter utilement ses observations sur ce point ;
Considérant, d'une part, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la société EUREXPAN LTD était passible au cours de la période litigieuse de la taxe sur la valeur ajoutée en France à raison de livraisons de biens ; qu'il est toutefois constant qu'elle n'a déposé aucune déclaration de son chiffre d'affaires au titre de cette même période ;
Considérant, d'autre part, qu'en vertu de l'article 1er du décret n° 84-409 du 30 mai 1984 relatif au registre du commerce et des sociétés, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 123-1 du code de commerce, sont tenues à l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés les sociétés commerciales, dont le siège est à l'étranger, qui ont un établissement en France ; qu'il résulte de l'instruction que la fabrication et la vente en France des produits susmentionnés commercialisés par la société requérante était assurée, avant la création de cette dernière en janvier 1996, par une société française, la société Eurexpan Labo qui exerçait son activité à Cellettes ; que la visite et la saisie de pièces effectuées par l'administration, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans les locaux de la société Logistix ont révélé qu'au cours de la période en litige, la société EUREXPAN LTD utilisait lesdits locaux, situés à Cellettes, à partir desquels elle développait son activité de fabrication et de vente de ses produits en France ; qu'ont été saisies une empreinte humide EUREXPAN LTD, divers documents comptables de la société EUREXPAN LTD ainsi que des pièces afférentes à un compte bancaire ouvert au Crédit Agricole Ile de France sous l'intitulé EUREXPAN LTD c/o Sarl Logistix ; que l'administration indique sans être sérieusement contredite que les commandes des clients effectuées par courriers adressés à la société EUREXPAN LTD étaient reçues à Cellettes et non à Londres ; que la société requérante encaissait sur le compte bancaire ouvert au Crédit Agricole les règlements de ses clients et réglait ses fournisseurs à partir de ce compte ; que la gérante de la société Logistix, laquelle a été créée en septembre 1997, était une ancienne salariée de la société Eurexpan Labo ; qu'ainsi, la société EUREXPAN LTD, qui ne justifie pas des moyens dont elle aurait disposé et de l'activité qu'elle aurait déployée à son siège, à Londres, doit être regardée comme ayant un établissement en France ; qu'il est constant qu'elle ne s'est fait connaître ni du centre de formalités des entreprises, auprès duquel les entreprises peuvent satisfaire à l'obligation d'immatriculation en application de l'article 2 de la loi n° 84-126 du 11 février 1994, ni du greffe du tribunal de commerce compétent ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'administration pouvait valablement mettre en oeuvre le délai spécial de reprise de six ans prévu au deuxième alinéa de l'article L. 176 précité du livre des procédures fiscales ; qu'il s'ensuit que la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'à la date à laquelle elle a reçu ladite notification, l'année 1998 était prescrite ;
Sur la méthode de reconstitution et le montant des droits rappelés :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la société EUREXPAN LTD n'a présenté aucune comptabilité lors des opérations de vérification menées par l'administration dans les locaux de la société Logistix situés à Cellettes ; que le vérificateur a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires réalisé par la société requérante durant les années 1998 à 2000 en s'appuyant sur les documents saisis lors de la visite domiciliaire ; qu'il a, en outre, exercé son droit de communication auprès d'un grand nombre des clients français de la société ; que les renseignements ainsi obtenus lui ont permis de s'assurer que les documents comptables saisis correspondaient effectivement au chiffre d'affaires réalisé en France et pouvaient être retenus pour déterminer le chiffre d'affaires taxable des années vérifiées ; que la société EUREXPAN LTD, qui supporte la charge de la preuve en raison de la procédure d'imposition d'office mise en oeuvre, soulève en appel les mêmes moyens que ceux qu'elle a soutenus en première instance, tirés du caractère incontrôlable et incompréhensible de la méthode de reconstitution appliquée, de l'absence de réponse à ses observations, de ce que les documents saisis ne constitueraient pas des documents comptables ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient, par les motifs qu'ils ont retenus et qu'il y a lieu d'adopter, commis une erreur en écartant ces moyens ; que les écarts relevés par la société requérante entre les montants de recettes réalisées avec certains clients, tirés de l'analyse des comptes clients, retenus par le service et ceux communiqués par ces derniers sont insuffisants à établir l'exagération des bases d'imposition ; que si la société EUREXPAN LTD fait valoir qu'elle a effectué des ventes à l'étranger, elle n'apporte aucune justification à l'appui de cette affirmation ; que la circonstance, à la supposer établie, qu'un contrôle diligenté par l'administration britannique n'aurait révélé aucune anomalie en ce qui concerne l'enregistrement de ses recettes est sans incidence sur le bien-fondé des rappels de taxe faisant l'objet du présent litige ;
Considérant, en deuxième lieu, que, conformément aux dispositions de l'article 271 du code général des impôts, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs vendeurs, dans la mesure où ces derniers étaient légalement autorisés à la faire figurer sur lesdites factures ; que cet article précise que la déduction ne peut pas être opérée si les redevables ne sont pas en possession desdites factures ; qu'en l'espèce, aucune facture d'achat n'a été présentée à l'administration par la société requérante ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le montant des droits rappelés serait exagéré, faute pour l'administration d'avoir déduit la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par la société en amont des opérations de vente taxées ;
Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que les clients de la société EUREXPAN LTD auraient déclaré à tort leurs achats comme constituant des acquisitions intracommunautaires ne saurait exonérer la société des obligations qui lui incombent en tant que redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société EUREXPAN LTD n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société EUREXPAN LTD est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société EUREXPAN LTD et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
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N° 06NT01673
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