Vu, I, sous le n° 07NT00601, la requête enregistrée le 13 mars 2007, présentée pour M. et Mme Alain X, demeurant ..., par Me Hery, avocat au barreau d'Angers ; M. et Mme X demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 02-1954 en date du 29 décembre 2006 du Tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1998 et 1999 ;
2°) de prononcer les réductions demandées à concurrence de 8 517,32 euros pour 1998 et 13 871,18 euros pour 1999 ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 2 000 euros hors taxes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu, II, sous le n° 07NT00602, la requête enregistrée le 13 mars 2007, présentée pour M. et Mme Alain X, demeurant ..., par Me Hery, avocat au barreau d'Angers ; M. et Mme X demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 05-1585 en date du 29 décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2000 et 2001 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 2 000 euros hors taxes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 avril 2008 :
- le rapport de M. Grangé, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre deux jugements du Tribunal administratif de Nantes statuant sur des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu assignées aux mêmes contribuables au titre d'années successives et présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre afin de statuer par un seul arrêt ;
Considérant que l'administration a remis en cause l'imputation sur le revenu global de M. et Mme X des années 1998 à 2001 des déficits de l'activité d'agent commercial de M. X consistant dans la location pour le compte de la société AEMA de dispositifs de filtres déshumidificateurs pour chambres froides ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a considéré que l'activité de M. X, eu égard à la modicité de ses recettes, à la disproportion marquée entre ces recettes et les dépenses, et à la progression constante du déficit déclaré, ne pouvait être regardée comme exercée dans un but lucratif, à titre professionnel, pour l'application du 2° du I de l'article 156 du code général des impôts ; que, contrairement à ce qui est soutenu, elle n'a pas ainsi entendu écarter le contrat d'agent commercial conclu entre M. X et la société AEMA au motif qu'il aurait été fictif ou aurait procédé d'un abus de droit, mais s'est bornée, comme elle était en droit de le faire, à qualifier l'activité du contribuable au regard des dispositions du code général des impôts relatives à l'imputation de déficits ; que si elle a en outre fait valoir que la persistance d'une telle activité déclarée à tort comme professionnelle ne présentait qu'un intérêt fiscal, celui de pouvoir imputer le déficit sur le revenu global afin de minorer l'impôt, elle ne peut pour autant être regardée comme ayant entendu soutenir par ce motif surabondant que le contribuable aurait conçu un montage dans un but exclusivement fiscal ; qu'il suit de là que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que l'administration aurait mis en oeuvre la procédure de répression des abus de droit tout en les privant des garanties prévues par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : “L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (...) sous déduction : I. Du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus (...) Toutefois n'est pas autorisée l'imputation : (...) 2° Des déficits provenant d'activités non commerciales au sens de l'article 92, autres que ceux qui proviennent de l'exercice d'une profession libérale ou des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçant ; ces déficits peuvent cependant être imputés sur les bénéfices tirés d'activités semblables durant la même année ou les cinq années suivantes (...)” ; qu'aux termes de l'article 92 du même code : “1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux les bénéfices des professions libérales (...) et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus” ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de l'article 9 de la loi n° 73-11 du 27 décembre 1973 dont le 2° du I de l'article 156 est issu, que le législateur a entendu déroger, en ce qui concerne la catégorie des bénéfices non commerciaux définie par l'article 92 du code général des impôts, à la règle, établie par le 3 de l'article 13 et par le premier alinéa du I de l'article 156 du même code, selon laquelle le montant imputable sur le revenu global du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus est déterminé par l'excédent des résultats négatifs sur les résultats positifs de l'ensemble des entreprises, exploitations ou professions ressortissant de cette catégorie, en distinguant les déficits provenant des professions libérales et des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants, seuls déductibles en totalité du revenu global, des déficits provenant d'une ou plusieurs des autres occupations, activités lucratives et sources de profits visées à l'article 92, qui sont exclusivement imputables sur les revenus, assimilés à des bénéfices non commerciaux, qui ont pu être en même temps tirés de semblables occupations, activités ou sources de profits ;
Considérant que M. X a conclu le 13 avril 1996 avec la société American EC Marketing Associates France (AEMA) un contrat d'agent commercial en vertu duquel il recevait mandat de donner en location pour le compte de la société des produits distribués par celle-ci, consistant en filtres à base de minéraux ayant pour objet de réguler l'humidité des chambres froides pour produits alimentaires, et d'en assurer la promotion ; qu'il était rémunéré par des commissions ; que si les recettes tirées de cette activité ne se sont élevées qu'à 980 F en 1996, 4 364 F en 1997, et ont atteint au cours des deux premières années de la période en litige 9 950 F en 1998, 14 084 F en 1999, il résulte de l'instruction que M. X a accompli des diligences sérieuses et continues en vue de la promotion des produits en cause ; qu'ainsi, et alors même que les objectifs de mise en service n'ont pas été atteints en raison d'un échec commercial de ces produits auprès des clients prospectés, et que l'activité a généré des déficits croissants, M. X doit être regardé comme ayant exercé une activité à titre professionnel poursuivie dans un but lucratif jusqu'en 1999 ; qu'en revanche la décroissance importante des recettes constatée à partir de l'année 2000, ramenées à 12 826 F en 2000 et 10 523 F en 2001, et corrélativement la sensible diminution des frais de déplacement traduisant un relâchement de l'effort commercial conduisent à considérer que la poursuite de l'activité dans ces conditions, laquelle a d'ailleurs cessé le 28 septembre 2001, ne peut plus être regardée comme procédant d'une intention spéculative ; que l'administration était par suite fondée à refuser l'imputation sur le revenu global de M. et Mme X des années 2000 et 2001 des déficits de l'activité non commerciale de M. X ;
Considérant, s'agissant des années 1998 et 1999, que si les requérants sont en principe en droit de demander l'imputation des déficits correspondants, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique conteste, à titre subsidiaire, le montant des déficits déclarés par M. X et conclut au maintien des impositions par voie de substitution de base légale ;
Considérant que si l'administration peut, à tout moment de la procédure, invoquer un nouveau motif de droit propre à justifier l'imposition, une telle substitution de base légale ne saurait avoir pour effet de priver le contribuable de la faculté, prévue par les articles L. 59 et L. 59 A du livre des procédures fiscales, de demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, lorsque celle-ci est compétente pour connaître du différend ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable en l'espèce : “La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient : 1° Lorsque le désaccord porte (...) sur le montant du bénéfice non commercial (...) déterminé selon un mode réel d'imposition (...)” ; qu'aux termes de l'article 93 du code général des impôts, relatif à la détermination des bénéfices non commerciaux imposables : “1. le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession (...)” ; que si la question de savoir si des dépenses exposées par un contribuable titulaire de bénéfices non commerciaux sont nécessitées par l'exercice de sa profession au sens de l'article 93 du code général des impôts constitue une question de droit qui ne relève pas de la compétence de la commission départementale des impôts, en revanche la détermination de l'existence et de la justification de ces frais constitue une question de fait susceptible d'influer sur le montant des bénéfices non commerciaux imposables et relève, par suite, de la compétence de la commission départementale des impôts ;
Considérant que le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique fait valoir à l'appui de sa demande de substitution de base légale que le contribuable n'a pas établi la réalité des frais qu'il prétend avoir exposés à défaut de justifications ni leur nécessité pour l'exercice de la profession ; que la commission départementale des impôts eût été compétente pour connaître d'un différend en tant qu'il aurait porté sur les justifications des frais déduits ; que si la commission départementale a été saisie du différend résultant du redressement initialement notifié portant sur le refus d'imputation des déficits déclarés sur le revenu global, cette saisine ne couvre pas celle qui aurait été rendue possible par un différend portant sur la justification des frais ; qu'il suit de là que la demande de substitution de base légale du ministre ne peut être admise, et que M. et Mme X sont fondés à demander l'imputation sur leur revenu global des déficits déclarés des années 1998 et 1999 s'élevant à respectivement 128 027 F (19 515,59 euros) et 146 992 F (22 408,79 euros) ;
Sur les pénalités :
Considérant que ni l'absence de tenue d'une comptabilité ni la déclaration de déficits dans la rubrique réservée aux activités non commerciales exercées à titre professionnel ne suffisent à établir dans les circonstances de l'espèce une intention délibérée de M. X de se soustraire à l'impôt au titre des années 2000 et 2001 ; qu'il y a lieu, par suite, d'accorder la décharge des majorations pour mauvaise foi qui lui ont été infligées au titre desdites années ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué n° 02-1954, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus de leur demande relative aux années 1998 et 1999, et que, par le jugement attaqué n° 05-1585, ce tribunal a rejeté en totalité leur demande relative aux années 2000 et 2001 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à M. et Mme X une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les bases des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu assignées à M. et Mme X au titre des années 1998 et 1999 sont réduites de respectivement 19 515,59 euros (dix-neuf mille cinq cent quinze euros cinquante-neuf centimes) et 22 408,79 euros (vingt-deux mille quatre cent huit euros soixante-dix-neuf centimes).
Article 2 : M. et Mme X sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1998 et 1999 formant surtaxe par rapport à celles résultant de l'application de l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : M. et Mme X sont déchargés des majorations pour mauvaise foi assortissant les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2000 et 2001.
Article 4 : Les jugements n°s 02-1954 et 05-1585 en date du 29 décembre 2006 du Tribunal administratif de Nantes sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 6 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) à M. et Mme X au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Alain X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
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