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11/06/2007 | FRANCE | N°05NT01857

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 11 juin 2007, 05NT01857


Vu la requête, enregistrée le 5 décembre 2005, présentée pour M. et Mme Jean Y, demeurant ..., faisant élection de domicile au cabinet d'avocat Cornet-Vincent-Ségurel, dont le siège est 28, boulevard de Launay, BP 58649, 44186-Nantes Cedex 4, par Me Martin-Bouhours, avocat au barreau de Nantes ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler l'article 3 du jugement n° 03-1584 en date du 4 octobre 2005 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté le surplus de leur demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu, de contribution sociale gé

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Vu la requête, enregistrée le 5 décembre 2005, présentée pour M. et Mme Jean Y, demeurant ..., faisant élection de domicile au cabinet d'avocat Cornet-Vincent-Ségurel, dont le siège est 28, boulevard de Launay, BP 58649, 44186-Nantes Cedex 4, par Me Martin-Bouhours, avocat au barreau de Nantes ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler l'article 3 du jugement n° 03-1584 en date du 4 octobre 2005 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté le surplus de leur demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée et de contribution au remboursement de la dette sociale auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1998 et 1999 ainsi que des pénalités dont ces impositions ont été assorties ;

2°) de prononcer les décharges demandées ;

3°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 50 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention du 9 septembre 1966 modifiée conclue entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et la fortune ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mai 2007 :

- le rapport de M. Grangé, rapporteur ;

- les observations de Me Maudet, substituant Me Martin-Bouhours, avocat de M. X ;

- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que par une décision en date du 7 novembre 2006, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux du Loir-et-Cher a prononcé le dégrèvement, à concurrence des sommes de 118 265 euros et 33 794 euros, des pénalités mises à la charge de M. et Mme X au titre de l'impôt sur le revenu respectivement des années 1998 et 1999 ; que les conclusions de la requête de M. et Mme X relatives à ces pénalités sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur la domiciliation fiscale :

Considérant qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : “Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française” ; qu'aux termes de l'article 4 B du même code : “1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a) Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b) Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c) Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques.” ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme X avaient la disposition au cours des années 1998 et 1999 d'une résidence locative à Genève (Suisse), dont ils ont supporté les charges notamment d'eau et d'électricité, ainsi que des redevances d'usage d'appareils récepteurs de radio-télévision ; qu'ils disposaient d'abonnements téléphoniques, ainsi que de véhicules immatriculés, assurés et entretenus dans le canton de Genève ; qu'ils étaient adhérents au régime d'assurances sociales suisse et recevaient des soins à Genève ; que M. X disposait d'une autorisation d'établissement C délivrée par l'office de la population du canton de Genève ; qu'il est le dirigeant d'une société anonyme Telliac ayant son siège à Genève et immatriculée au registre local des sociétés ; que les services fiscaux de ce canton ont attesté que M. et Mme X avaient été assujettis de manière illimitée aux impôts cantonal, communal et fédéral direct dans ce canton depuis le 14 avril 1982 jusqu'au 30 novembre 2000 ; que l'ensemble de ces indications est de nature à laisser présumer que M. et Mme X disposaient en Suisse d'un foyer d'habitation permanent constituant leur séjour principal au titre de chacune desdites années ;

Considérant que pour établir que M. et Mme X avaient néanmoins leur domicile fiscal en France et devaient, par suite, être assujettis à l'impôt sur le revenu sur l'ensemble de leurs revenus l'administration fiscale fait valoir qu'ils ont la disposition, par l'intermédiaire d'une société civile qu'ils contrôlent, du château de Trécy situé à Villeherviers (Loir-et-Cher), que le courrier qui leur est expédié à cette adresse leur est distribué, se prévaut de l'importance des consommations d'électricité et des trois lignes téléphoniques à usage professionnel qui y sont installées, qu'ils disposent de plusieurs comptes bancaires ouverts en France domiciliés à cette adresse, qu'une enquête sur l'utilisation des comptes des intéressés a révélé leur présence en France la majeure partie de l'année, que M. X est titulaire d'un permis de chasse délivré à Villeherviers, qu'il exerce en France une activité individuelle de consultant et y dirige un établissement stable de la société suisse Telliac ; que M. et Mme X sont propriétaires de plusieurs autres immeubles ou terrains en France ;

Considérant, toutefois, en premier lieu, que les indices dont fait état l'administration ne suffisent pas à établir que M. et Mme X auraient à Villeherviers plutôt qu'à Genève leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; qu'en effet ni la distribution du courrier, ni la disposition de comptes bancaires, ni l'importance de la consommation électrique d'une résidence de grande taille ni celle des consommations téléphoniques portant sur une partie des années considérées ne sont de nature à attester une installation permanente des intéressés à Villeherviers alors qu'il résulte de l'instruction que ces consommations téléphoniques sont en large partie inhérentes à des appels passés depuis l'étranger par les filles des requérants et imputés sur ces lignes ou à des appels émanant du régisseur de leur domaine, et que l'objet des communications et l'identité des autres utilisateurs éventuels ne peuvent être établis ; que l'administration ne peut utilement se prévaloir, à partir d'un dépouillement de leurs dépenses, de la présence des requérants en France, notamment dans la zone frontalière de Genève ou à Paris, sans établir une relation entre ces présences et une installation permanente au château de Trécy ;

Considérant, en deuxième lieu, que la Cour dans une décision de ce jour relative à la société Telliac, dont M. X est le dirigeant, n'a pas admis que, contrairement à ce que soutient l'administration, cette société immatriculée en Suisse disposait en France au château de Trécy d'un établissement stable représenté par M. X ; que, par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que celui-ci puisse être regardé comme ayant exercé en France une activité individuelle de consultant en ayant conclu à Paris deux contrats en 1997 et 1999 et en percevant des commissions pour ses interventions en faveur d'entreprises sises en France en vue de l'obtention de marchés de fournitures ou de prestations de services à l'étranger, alors qu'il n'est pas établi que ces interventions aient été exercées à partir d'une base fixe située en France ; que M. X ne peut, par suite, être regardé comme exerçant une activité professionnelle en France au sens du b) de l'article 4 B du code général des impôts ;

Considérant, en troisième lieu, que la disposition par M. et Mme X de plusieurs propriétés en France ne permet de caractériser à elle seule que le centre de leurs intérêts économiques y est situé, au sens du c) de l'article 4 B du code ;

Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que l'administration ne pouvait, au regard du seul code général des impôts, regarder M. et Mme X comme ayant leur domicile fiscal en France en 1998 et 1999, et, par suite, les assujettir à l'impôt sur le revenu sur l'ensemble de leurs revenus ;

Considérant, toutefois, qu'en vertu des dispositions précitées de l'article 4A du code, et sous réserve de l'application d'une convention fiscale internationale, les personnes dont le domicile est situé hors de France sont passible de l'impôt sur le revenu à raison de leurs seuls revenus de source française ;

Sur l'imposition des revenus :

Considérant qu'aux termes de l'article 164 B du même code : “I. Sont considérés comme revenus de source française : a) les revenus d'immeubles sis en France ou de droits relatifs à ces immeubles (…) d) les revenus d'activités professionnelles salariées ou non exercées en France ou d'opérations de caractère lucratif au sens de l'article 92 et réalisées en France ; II. Sont également considérés comme revenus de source française lorsque le débiteur des revenus a son domicile fiscal ou est établi en France : (…) c) Les sommes payées en rémunération des prestations de toute nature fournies ou utilisées en France.” ;

Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que les requérants ont perçu des revenus fonciers d'immeubles sis en France, et les ont déclarés ; qu'ils ne contestent pas l'imposition de ces revenus qui ne peut qu'être confirmée ;

Considérant, en deuxième lieu, que, comme il a été dit ci-dessus, il n'est pas établi que M. X ait exercé en France une activité individuelle de consultant ; que l'administration ne pouvait, par suite, assujettir à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux des bénéfices tirés de cette activité ;

Considérant, en troisième lieu, que l'administration a imposé, sur le fondement des dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, des revenus considérés comme d'origine indéterminée représentés par des crédits enregistrés sur des comptes bancaires ; qu'aux termes de l'article 23 de la convention franco-suisse relative aux revenus non spécialement visés : “1. Les éléments du revenu d'un résident d'un Etat contractant, d'où qu'ils proviennent, dont ce résident est le bénéficiaire effectif qui ne sont pas traités dans les articles précédents de la présente convention ne sont imposables que dans cet Etat (…)” ; qu'il résulte de ces dispositions que les revenus d'origine indéterminée d'un résident de Suisse, qui ne sont pas visés par une autre disposition de la convention, ne sont pas imposables en France ; que M. et Mme X sont, dès lors, fondés à demander la décharge des impositions procédant de ce chef de redressement ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, s'agissant des impositions restant en litige, M. et Mme X sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté en totalité le surplus de leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. et Mme X une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : A concurrence des sommes de 118 265 euros (cent dix-huit mille deux cent soixante-cinq euros) et 33 794 euros (trente-trois mille sept cent quatre-vingt-quatorze euros), en ce qui concerne les pénalités mises à la charge de M. et Mme X au titre des années respectivement 1998 et 1999, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme X.

Article 2 : M. et Mme X sont déchargés des cotisations d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée et de contribution au remboursement de la dette sociale des années 1998 et 1999 procédant de l'imposition de bénéfices non commerciaux et de revenus d'origine indéterminée.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif d'Orléans en date du 4 octobre 2005 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) à M. et Mme X en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Jean X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

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N° 05NT01857

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 05NT01857
Date de la décision : 11/06/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. LEMAI
Rapporteur ?: M. Etienne GRANGE
Rapporteur public ?: M. HERVOUET
Avocat(s) : MARTIN-BOUHOURS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2007-06-11;05nt01857 ?
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