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11/06/2007 | FRANCE | N°05NT01589

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 11 juin 2007, 05NT01589


Vu la requête, enregistrée le 19 décembre 2005, présentée pour la société de droit suisse TELLIAC SA, dont le siège est 45, rue Agace à Genève (Confédération Helvétique), faisant élection de domicile au cabinet d'avocat Cornet-Vincent-Ségurel, dont le siège est 28, boulevard de Launay, BP 58649, 44186-Nantes Cedex 4, par Me David Martin-Bouhours, avocat au barreau de Nantes ; la société TELLIAC SA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 03-1585 en date du 18 octobre 2005 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la déc

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Vu la requête, enregistrée le 19 décembre 2005, présentée pour la société de droit suisse TELLIAC SA, dont le siège est 45, rue Agace à Genève (Confédération Helvétique), faisant élection de domicile au cabinet d'avocat Cornet-Vincent-Ségurel, dont le siège est 28, boulevard de Launay, BP 58649, 44186-Nantes Cedex 4, par Me David Martin-Bouhours, avocat au barreau de Nantes ; la société TELLIAC SA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 03-1585 en date du 18 octobre 2005 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de l'année 1999 ;

2°) de prononcer les décharges demandées ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 25 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention du 9 septembre 1966 conclue entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mai 2007 :

- le rapport de M. Grangé, rapporteur ;

- les observations de Me Maudet, substituant Me Martin-Bouhours, avocat de la SA TELLIAC ;

- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que par des décisions postérieures à l'introduction de la requête, le directeur de contrôle fiscal Ouest a prononcé le dégrèvement, à concurrence des sommes de 169 918 euros et 459 501 euros, des pénalités mises à la charge de la société TELLIAC SA au titre de l'année 1999 en matière respectivement de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés ; que les conclusions de la requête de la société TELLIAC SA relatives à ces pénalités sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés et la contribution additionnelle à cet impôt :

Considérant qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts : “I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57 et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (…)” ; qu'aux termes de l'article 7 de la convention franco ;suisse du 9 septembre 1966 : “1) Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement (…)” ; qu'aux termes de l'article 5 de la même convention : “1) Au sens de la présente convention, l'expression “établissement stable” désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2) L'expression “établissement stable” comprend notamment : a) un siège de direction ; b) une succursale ; c) un bureau ; d) une usine ; e) un atelier ; f) une mine, une carrière, ou tout autre lieu d'extraction de ressources naturelles ; g) un chantier de construction ou de montage dont la durée dépasse douze mois (…) 4) Une personne agissant dans un Etat contractant pour le compte d'une entreprise de l'autre Etat contractant, autre qu'un agent jouissant d'un statut indépendant, visé au paragraphe 6, est considérée comme “établissement stable” dans le premier Etat si elle dispose dans cet Etat de pouvoirs qu'elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l'entreprise, à moins que l'activité de cette personne ne soit limitée à l'achat de marchandises pour l'entreprise (…) 6) On ne considère pas qu'une entreprise d'un Etat a un établissement stable dans l'autre Etat contractant du seul fait qu'elle y exerce son activité par l'intermédiaire d'un courtier, d'un commissionnaire général ou de tout autre intermédiaire jouissant d'un statut indépendant, à condition que ces personnes agissent dans le cadre normal de leur activité (…)” ; qu'aux termes de l'article 4 de la convention : “(…) 3. Lorsque, selon la disposition du paragraphe 1, une personne autre qu'une personne physique est considérée comme résident de chacun des Etats contractants, elle est réputée résident de l'Etat contractant où se trouve son siège de direction effective (…)” ;

Considérant que, pour l'application de ces stipulations, une entreprise, ressortissante de Suisse, pour avoir un établissement stable en France, doit soit y disposer d'une installation fixe d'affaires par laquelle elle exerce tout ou partie de son activité, soit avoir recours à une personne non indépendante ayant le pouvoir d'y conclure des contrats au nom de l'entreprise ; que toutefois, dans ce dernier cas, l'établissement stable n'est constitué que si cette personne utilise effectivement, de façon non occasionnelle, le pouvoir qui lui est ainsi dévolu ;

Considérant qu'il est constant que la société TELLIAC SA est une société de droit suisse créée en 1997, inscrite au registre du commerce de Genève, ayant son siège social au cours de l'année 1999 faisant l'objet du litige dans la commune de Chênes-Bougeries (canton de Genève), et dont le président du conseil d'administration est M. Jean X, de nationalité française ; qu'elle a pour objet le courtage, la gestion des biens et les opérations à caractère financier à l'exclusion des opérations immobilières en Suisse, et pour activité des opérations d'entremise pour le commerce international du pétrole et d'autres produits ou services ; que, par ailleurs, M. X a la disposition, par l'intermédiaire d'une société civile qu'il contrôle, du château de Trécy situé à Villeherviers (Loir-et-Cher) ;

Considérant que pour établir que la société TELLIAC SA disposait en France en 1999, au château de Trécy, en la personne de M. X, d'un établissement stable, l'administration fait valoir que la société ne disposerait en Suisse d'aucune installation fixe d'affaires, que des pièces administratives et comptables relatives à la société TELLIAC SA ont été saisies lors d'une visite domiciliaire conduite le 14 juin 2000 au château de Trécy sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, que l'analyse des consommations des lignes téléphoniques installées au château de Trécy révèle une utilisation professionnelle de ces lignes, que M. X a conclu à Paris, pour le compte de la société, deux contrats portant sur l'intervention de celle-ci en vue de faciliter l'obtention par des entreprises françaises de marchés dans des pays étrangers, et qu'il a été établi, dans le cadre d'un examen de la situation fiscale personnelle de M. X que celui-ci aurait le lieu de son séjour principal en France ;

Considérant toutefois que la présence au château de Trécy en 2000 de pièces relatives aux activités de la société, les consommations téléphoniques de lignes ouvertes au nom de M. X, dont l'objet quels qu'en soient les destinataires ne peut être établi, la conclusion de deux contrats à Paris dont un en 1999 et l'autre en 1997, l'accomplissement de missions à l'étranger dans le cadre de ces contrats, ne sauraient révéler par elles-mêmes l'existence en 1999 au château de Trécy d'une installation fixe d'affaires de la société TELLIAC SA, alors qu'il est constant que la société ne dispose en France d'aucun équipement matériel ni personnel propres ; que M. X, représentant légal de la société, et dont l'administration n'établit pas qu'il fût résident français en 1999, ne peut être regardé comme un agent dépendant de celle-ci au sens et pour l'application des articles 7 et 5 précités de la convention franco-suisse ; qu'ainsi il ne résulte pas de l'instruction que la société disposait en France en 1999 d'un établissement stable ; que la société ne pouvant être considérée comme résidente de France l'administration ne peut utilement se prévaloir, en tout état de cause, de ce que la direction effective de la société serait assurée en France ; que le service ne pouvait, par suite, en tout état de cause, assujettir la société TELLIAC SA à l'impôt sur les sociétés et à la contribution additionnelle à cet impôt ;

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant que, pour justifier l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée, le ministre se borne à invoquer l'article 259 du code général des impôts, aux termes duquel : “Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle.” ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que la société TELLIAC SA, qui n'a pas son siège en France, y disposerait néanmoins en permanence d'une installation comportant les moyens humains et techniques nécessaires à la prestation des services qu'elle rend caractérisant un établissement stable ; que l'administration ne pouvait, par suite, sur le fondement de ces seules dispositions, assujettir la société TELLIAC SA à la taxe sur la valeur ajoutée à raison des prestations rendues dans le cadre d'un contrat destiné à favoriser l'obtention d'une licence de téléphonie mobile au Kenya, alors même que la société bénéficiaire de ces prestations a son siège en France ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que, s'agissant des impositions restant en litige, la société TELLIAC SA est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à la société TELLIAC SA une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : A concurrence des sommes de 169 918 euros (cent soixante-neuf mille neuf cent dix-huit euros) et 459 501 euros (quatre cent cinquante-neuf mille cinq cent un euros), en ce qui concerne les pénalités mises à la charge de la société TELLIAC SA au titre de l'année 1999 en matière respectivement de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société TELLIAC SA.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif d'Orléans en date du 18 octobre 2005 est annulé.

Article 3 : La société TELLIAC SA est déchargée, en droits et pénalités, des impositions qui lui ont été assignées au titre de l'année 1999 en matière d'impôt sur les sociétés, de contribution additionnelle à cet impôt, et de taxe sur la valeur ajoutée.

Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) à la société TELLIAC SA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SA TELLIAC et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

N° 05NT01589

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 05NT01589
Date de la décision : 11/06/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. LEMAI
Rapporteur ?: M. Etienne GRANGE
Rapporteur public ?: M. HERVOUET
Avocat(s) : MARTIN-BOUHOURS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2007-06-11;05nt01589 ?
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