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09/02/2007 | FRANCE | N°06NT02146

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, Reconduite a la frontiere, 09 février 2007, 06NT02146


Vu la requête, enregistrée le 26 décembre 2006, présentée par le préfet du Finistère ; le préfet du Finistère demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 06-4710 et 06-4711 du 4 décembre 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes a annulé ses arrêtés du 22 novembre 2006 décidant la reconduite à la frontière de M. Aleksandr X et de Mme Karina X, ainsi que des décisions du même jour fixant le pays de destination de la reconduite à la frontière ;

2°) de rejeter la demande présentée par

Mme X devant le Tribunal administratif de Rennes ;
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Vu la requête, enregistrée le 26 décembre 2006, présentée par le préfet du Finistère ; le préfet du Finistère demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 06-4710 et 06-4711 du 4 décembre 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes a annulé ses arrêtés du 22 novembre 2006 décidant la reconduite à la frontière de M. Aleksandr X et de Mme Karina X, ainsi que des décisions du même jour fixant le pays de destination de la reconduite à la frontière ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Rennes ;
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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 28 août 2006 par laquelle le président de la Cour a délégué Mme Stefanski pour statuer sur les appels interjetés contre les jugements rendus par les présidents de tribunaux administratifs ou leurs délégués en matière de reconduite à la frontière ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 janvier 2007 :

- le rapport de Mme Stefanski, magistrat délégué,

- les observations de Me Saglio, avocat de Mme X,

- et les conclusions de M. Mornet, commissaire du gouvernement ;




Considérant que, si Mme X, de nationalité géorgienne, entrée en France en septembre 2004 avec son époux et leurs deux enfants, fait valoir qu'elle n'a plus d'attaches familiales en Géorgie, il ressort des pièces du dossier que son père et sa mère, ainsi que ceux de son époux, vivent dans son pays d'origine ; que, si la requérante soutient avoir entrepris des efforts d'intégration à la société française, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ait une bonne connaissance de la langue française ; que l'engagement associatif dont elle fait état présente un caractère très récent ; que la circonstance que ses deux enfants sont scolarisés en France depuis le mois de septembre 2004 est sans influence sur la légalité de la décision contestée ; que, dans ces conditions, et alors même que Mme X bénéficierait dune promesse d'embauche, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et, notamment, de la brièveté du séjour de l'intéressée en France, de la circonstance que son époux fait également l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière, de l'absence de tout élément s'opposant à ce que M. et Mme X emmènent avec eux leurs enfants mineurs, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet du Finistère, en date du 22 novembre 2006, ordonnant la reconduite à la frontière de la requérante, n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, en prenant cet arrêté, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet n'a pas non plus commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de Mme X ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation pour annuler l'arrêté contesté ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X devant le Tribunal administratif de Rennes ;

Sur la légalité de la décision de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) - 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X est entrée irrégulièrement en France le 24 septembre 2004 accompagnée de son époux et de leurs deux enfants ; que sa demande de qualité de réfugié a été rejetée le 4 avril 2005 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, cette décision ayant été confirmée par la Commission des recours des réfugiés le 1er mars 2006 ; que Mme X s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 23 mars 2006, de la décision du préfet du Finistère lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle entrait, ainsi, dans le champ d'application de la disposition précitée ;

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant que la circonstance que l'arrêté contesté comporte une erreur matérielle d'un jour sur la date à laquelle il a été pris, est sans influence sur sa légalité ; que la circonstance qu'il mentionne que M. et Mme X étaient concubins, alors qu'ils étaient mariés, n'est pas davantage de nature à l'entacher d'illégalité, dès lors qu'il ne s'agit que d'une erreur matérielle restée sans influence sur la décision prise par le préfet du Finistère ;

Considérant que l'arrêté contesté comporte de façon précise l'énoncé des éléments de droit et de fait sur lesquels il se fonde ; que la circonstance qu'il ne mentionne pas de façon explicite le recours gracieux formé par la requérante contre la décision du 17 août 2006 lui refusant un titre de séjour sur le fondement de la circulaire du 13 juin 2006, laquelle n'était pas de nature à lui conférer des droits, n'est pas de nature à entacher d'illégalité sa motivation ;

En ce qui concerne les exceptions d'illégalité :

Considérant que, si Mme X excipe de l'illégalité de la décision du 21 mars 2006 lui refusant un titre de séjour, cette décision est devenue définitive, faute d'avoir été contestée dans le délai du recours contentieux ; que, si la requérante a demandé au préfet du Finistère de réexaminer sa situation dans le cadre de la circulaire du 13 juin 2006 sans apporter, au demeurant, de nouveaux éléments à l'appui de sa demande, celle-ci a été rejetée par une décision en date du 17 août 2006 purement confirmative de la première ; que, par suite, la circonstance que Mme X ait introduit un recours gracieux contre cette seconde décision n'a pas eu pour effet de rouvrir le délai du recours contentieux ;

Considérant que la requérante ne peut utilement exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour en date du 17 août 2006 opposée au titre de la circulaire du 13 juin 2006, dès lors que cette circulaire n'est pas de nature à lui conférer des droits ;

En ce qui concerne l'autre moyen de légalité interne :

Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ;

Considérant que la circonstance que les enfants de M. et Mme X soient scolarisés en France et parlent le français ne suffit pas à établir que l'intérêt supérieur des enfants n'a pas été pris en compte par l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la violation des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant que, si Mme X, dont la demande d'admission au statut de réfugié a d'ailleurs été rejetée par une décision du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 4 avril 2005, puis par la Commission des recours des réfugiés le 1er mars 2006, soutient que sa sécurité serait menacée dans son pays d'origine où elle serait exposée à des persécutions, les pièces qu'elle produit à l'appui de ses allégations sont insuffisantes pour établir qu'elle court personnellement des risques en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Finistère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté en date du 22 novembre 2006 décidant la reconduite à la frontière de Mme X et fixant la Géorgie comme pays de destination ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à Mme X la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;


DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement en date du 4 décembre 2006 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Rennes et les conclusions de Mme X tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et à Mme Karina X. Une copie sera transmise au préfet du Finistère.
N° 06NT02146
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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : Reconduite a la frontiere
Numéro d'arrêt : 06NT02146
Date de la décision : 09/02/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. MORNET
Avocat(s) : SAGLIO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2007-02-09;06nt02146 ?
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