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29/12/2006 | FRANCE | N°06NT02028

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, Reconduite a la frontiere, 29 décembre 2006, 06NT02028


Vu la requête, enregistrée le 5 décembre 2006, présentée par le préfet d'Ille-et-Vilaine ; le préfet demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 06-4373 du 13 novembre 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté, en date du 19 octobre 2006, décidant la reconduite à la frontière de Mme Nelly X et fixant l'Arménie comme pays à destination duquel l'intéressée devait être reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Rennes ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 5...

Vu la requête, enregistrée le 5 décembre 2006, présentée par le préfet d'Ille-et-Vilaine ; le préfet demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 06-4373 du 13 novembre 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté, en date du 19 octobre 2006, décidant la reconduite à la frontière de Mme Nelly X et fixant l'Arménie comme pays à destination duquel l'intéressée devait être reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Rennes ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 5 septembre 2005 par laquelle le président de la Cour a délégué Mme Perrot pour statuer sur les appels interjetés contre les jugements rendus par les présidents de tribunaux administratifs ou leurs délégués en matière de reconduite à la frontière ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié, portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 décembre 2006 :

- le rapport de Mme Perrot, magistrat délégué,

- les observations de Me Le Verger, avocat de Mme X,

- et les conclusions de M. Mornet, commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de la décision de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) - 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, de nationalité arménienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 14 avril 2006, de la décision du préfet d'Ille-et-Vilaine, en date du 20 février 2006, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle entrait, ainsi, dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant que, si la fille de Mme X, âgée de onze ans lors de son entrée en France, est scolarisée dans ce pays depuis trois ans, en parle la langue, y est intégrée, et déclare n'avoir jamais vécu dans son pays de naissance, l'Arménie, il ressort des pièces du dossier qu'elle parle parfaitement l'arménien qui est sa langue maternelle, que, nonobstant la circonstance que son père, d'origine turque, serait mort en 1993 en combattant les forces arméniennes dans le conflit opposant l'Azerbaïdjan à l'Arménie, rien ne s'oppose à ce qu'elle accompagne sa mère en Arménie et y poursuive sa scolarité, enfin, que la requérante, qui ne dispose en France d'aucune attache familiale, n'établit pas ne plus avoir de famille en Arménie ; que, dans ces conditions, l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine, en date du 19 octobre 2006, ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X, n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant de celle-ci ; que, par suite, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 19 octobre 2006 au motif qu'il avait été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X devant le Tribunal administratif de Rennes et devant la Cour ;

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la décision de refus de séjour :

Sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité du moyen :

Considérant, d'une part, que si, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté prononçant sa reconduite à la frontière, Mme X invoque, par voie d'exception, l'illégalité de la décision du 11 août 2006 par laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine a refusé de régulariser sa situation sur le fondement de la circulaire du ministre de l'intérieur en date du 13 juin 2006, elle ne peut utilement se prévaloir des dispositions de cette circulaire, laquelle est dépourvue de caractère réglementaire, et ne crée aucun droit à son profit ;

Considérant, d'autre part, que, si Mme X, entrée en France en août 2003, soutient qu'elle n'a plus de famille en Arménie où elle ne réside plus depuis 1980, et où elle court le risque d'être rejetée en raison de l'origine et de l'engagement de son défunt mari, qu'elle témoigne d'une bonne intégration, et que sa fille la plus jeune est scolarisée en France, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'elle n'a d'autre attache familiale en France que sa fille, que rien ne s'oppose à ce que cette dernière, mineure, accompagne sa mère, et qu'ainsi, la cellule familiale soit maintenue en dehors du territoire français, et, enfin, que l'absence d'attache familiale en Arménie n'est pas établie ; que, dans ces conditions, compte tenu des circonstances de l'espèce, les liens personnels et familiaux de Mme X en France ne sont pas tels que la décision du préfet d'Ille-et-Vilaine, en date du 20 février 2006, refusant de lui délivrer un titre de séjour, ait porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, en prenant cette décision, le préfet n'a pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne les autres moyens de légalité interne :

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux précédemment évoqués, dans les circonstances de l'espèce, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine, en date du 19 octobre 2006, n'a pas porté au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, en prenant cet arrêté, le préfet n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de l'intéressée ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant que, si Mme X soutient avoir fait l'objet de persécutions et d'agressions en Russie, elle ne peut utilement se prévaloir de telles circonstances à l'encontre d'une décision qui n'a ni pour objet, ni pour effet, de l'éloigner à destination de la Russie ;

Considérant que, si l'intéressée fait valoir que l'origine ethnique et l'engagement de son premier mari dans des combats contre les Arméniens lui fait courir des risques en cas de retour en Arménie, elle ne produit, à l'appui de ses allégations, et alors que son mari serait mort en 1993, aucune précision, ni aucun justificatif, susceptible d'établir qu'elle court personnellement des risques en cas de retours dans son pays ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine est fondé à demander l'annulation du jugement du 13 novembre 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté, en date du 19 octobre 2006, décidant la reconduite à la frontière de Mme X ;

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées devant le tribunal administratif par Mme X, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine, sous astreinte, de lui délivrer un titre de séjour doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à Mme X la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement en date du 13 novembre 2006 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Rennes et les conclusions présentées par elle en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et à Mme Nelly X. Une copie sera transmise au préfet d'Ille-et-Vilaine.

N° 06NT02028

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : Reconduite a la frontiere
Numéro d'arrêt : 06NT02028
Date de la décision : 29/12/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme isabelle PERROT
Rapporteur public ?: M. MORNET
Avocat(s) : LE VERGER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2006-12-29;06nt02028 ?
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