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15/09/2006 | FRANCE | N°06NT01262

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, Reconduite a la frontiere, 15 septembre 2006, 06NT01262


Vu la requête, enregistrée le 7 juillet 2006, présentée pour Mme Aline Christine X, demeurant au centre d'accueil des demandeurs d'asile de Gien, 82, chemin de Saint-Pierre, B.P. 45 à Gien (45502), par Me Emmanuelle Cerf, avocat au barreau de Paris ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 06-2054 du 6 juin 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Loiret, en date du 22 mai 2006, décidant sa reconduite à la frontière et fixant la Républ

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Vu la requête, enregistrée le 7 juillet 2006, présentée pour Mme Aline Christine X, demeurant au centre d'accueil des demandeurs d'asile de Gien, 82, chemin de Saint-Pierre, B.P. 45 à Gien (45502), par Me Emmanuelle Cerf, avocat au barreau de Paris ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 06-2054 du 6 juin 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Loiret, en date du 22 mai 2006, décidant sa reconduite à la frontière et fixant la République démocratique du Congo comme pays à destination duquel l'intéressée devait être reconduite ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Loiret, d'une part, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de cinq jours à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, d'autre part, de réexaminer sa situation administrative ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 28 août 2006 par laquelle le président de la Cour a délégué Mme Stefanski pour statuer sur les appels interjetés contre les jugements rendus par les présidents de tribunaux administratifs ou leurs délégués en matière de reconduite à la frontière ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er septembre 2006 :

- le rapport de Mme Stefanski, magistrat délégué,

- et les conclusions de M. Mornet, commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant que, devant le Tribunal administratif d'Orléans, Mme X n'a pas contesté la légalité externe de l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre le 22 mai 2006 ; que, par suite, si l'intéressée invoque devant la Cour le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté, cette prétention, fondée sur une cause juridique distincte de celle sur laquelle reposait les moyens soulevés en première instance, constitue une demande nouvelle, présentée pour la première fois en appel et, par suite, non recevable ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant qu'aux termes de l'article L.741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (…) l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (…) 4° la demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente (…) ; qu'aux termes de l'article L.742-5 du même code : Dans le cas où l'admission au séjour a été refusée pour l'un des motifs visés aux 2° à 4° de l'article L.741-4, l'étranger qui souhaite bénéficier de l'asile peut saisir l'office de sa demande. Celle-ci est examinée dans les conditions prévues au second alinéa de l'article L.723-1 ; que, selon le second alinéa de l'article L.723-1: L'office statue par priorité sur les demandes émanant de personnes auxquelles le document provisoire de séjour prévu à l'article L.742-1 a été refusé ou retiré pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4° de l'article L.741-4, ou qui se sont vu refuser pour l'un de ces motifs le renouvellement de ce document ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L.742-6 : L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L.741-4 bénéficie du droit à se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office ;

Considérant que, par une décision du 31 mars 2005, notifiée à l'intéressée le 5 avril 2005, le préfet du Loiret a refusé d'admettre au séjour Mme X après le rejet de sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugié par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 14 mai 2004, confirmée le 14 février 2005 par la Commission des recours des réfugiés ; que, le 11 août 2005, Mme X a sollicité un nouveau titre de séjour en vue de saisir l'office d'une demande de réexamen de son dossier ; qu'à l'appui de sa demande, la requérante invoquait ses craintes de persécutions en cas de retour dans son pays d'origine et les justifiait par la production des certificats de décès de son beau-frère et de son épouse, datés du 27 mars 2003, d'une attestation du religieux qui l'aurait aidé à fuir, datée du 4 avril 2005, et d'une attestation de SOS Droits de l'homme en catastrophe, en date du 25 avril 2005, ces deux attestations faisant état des menaces pesant sur l'intéressée en République démocratique du Congo ; que lesdits documents ne constituaient que des preuves nouvelles de faits précédemment invoqués ; que, si la seconde attestation invoquait pour la première fois l'assassinat de la présidente de l'organisation au sein de laquelle Mme X oeuvrait, en tant que conseillère, cette attestation était insuffisamment précise pour établir la réalité d'un fait nouveau de nature à justifier une nouvelle demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié ; que la nouvelle demande de Mme X entrait donc dans le cas visé au 4° de l'article L.741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que l'a d'ailleurs relevé l'office dans sa décision du 30 août 2005 rejetant cette demande ; que, dans ces conditions, le préfet du Loiret a pu légalement, après avoir refusé l'admission au séjour de Mme X, qui s'est maintenue sur le territoire national plus d'un mois après la notification, le 5 avril 2005, de ce refus, décider sur le fondement de l'article L.511-1 3° du code susmentionné sa reconduite à la frontière par un arrêté du 22 mai 2006, dès lors que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, statuant selon la procédure prioritaire, avait rejeté sa nouvelle demande d'asile, le 30 août 2005 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant, d'une part, que la circonstance que trois des enfants de Mme X soient scolarisés en France ne suffit pas à établir que l'intérêt supérieur des enfants n'ait pas été pris en compte dans l'arrêté du 22 mai 2006 décidant la reconduite à la frontière de l'intéressée et, d'autre part, que rien ne s'oppose à ce que les enfants de Mme X repartent avec elle ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention précitée par l'arrêté décidant la reconduite à la frontière de l'intéressée ne peut qu'être écarté ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant qu'il ressort de la demande de première instance que Mme X n'a présenté que des moyens de légalité interne devant le Tribunal administratif d'Orléans ; qu'elle n'est, par suite, pas recevable à soutenir, pour la première fois en appel, que la décision fixant le pays de destination de sa reconduite serait insuffisamment motivée et qu'elle aurait été prise sans que le préfet ait procédé à un examen complet de sa situation ;

Considérant, toutefois, que la requérante est recevable à invoquer le moyen d'ordre public tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée ; que, par un arrêté du 1er avril 2005, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Loiret a donné à M. Michel Bergue, secrétaire général de la préfecture, délégation à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports et correspondances relevant des attributions de l'État dans le département du Loiret, à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions fixant le pays de destination des étrangers en situation irrégulière reconduits à la frontière ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait été signée par une autorité incompétente manque en fait ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant que, si Mme X soutient que sa vie et sa liberté seraient menacées en cas de retour en République démocratique du Congo, les pièces qu'elle produit à l'appui de ses allégations sont insuffisantes pour établir qu'elle court personnellement des risques en cas de retour dans son pays ; que, par suite, c'est à bon droit que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Orléans a écarté ses moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L.513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin de régularisation de la situation administrative de l'intéressée :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme X, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation administrative doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à Mme X la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Aline Christine X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Une copie sera transmise au préfet du Loiret.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : Reconduite a la frontiere
Numéro d'arrêt : 06NT01262
Date de la décision : 15/09/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. MORNET
Avocat(s) : CERF

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2006-09-15;06nt01262 ?
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