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07/06/2006 | FRANCE | N°03NT01595

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 07 juin 2006, 03NT01595


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 1er octobre 2003, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 99.2605 du Tribunal administratif de Nantes en date du 6 mai 2003 en tant qu'il a accordé à M. et Mme X la décharge des droits supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 1993 et des intérêts de retard y afférents ;

2°) de rétablir M. et Mme X au rôle de l'impôt sur le revenu afférent à l'année 1993 à concurren

ce du montant des droits supplémentaires d'impôt sur le revenu et des intérêts de ret...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 1er octobre 2003, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 99.2605 du Tribunal administratif de Nantes en date du 6 mai 2003 en tant qu'il a accordé à M. et Mme X la décharge des droits supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 1993 et des intérêts de retard y afférents ;

2°) de rétablir M. et Mme X au rôle de l'impôt sur le revenu afférent à l'année 1993 à concurrence du montant des droits supplémentaires d'impôt sur le revenu et des intérêts de retard y afférents dont la décharge a été ordonnée par le tribunal ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mai 2006 :

- le rapport de M. Luc Martin, rapporteur ;

- les observations de Me Henry-Stasse, substituant Me Delpeyroux, avocat de M. et Mme X ;

- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X, président-directeur général salarié de la SA Ets X qui a pour activité la fabrication de vêtements pour enfants et dont le siège est situé aux Herbiers (Vendée), ainsi que son épouse ont, le 13 juillet 1993, cédé les actions qu'ils détenaient directement et indirectement dans le capital de cette entreprise ; qu'à cette même date, M. X a quitté ses fonctions de président-directeur général pour devenir président du conseil de surveillance de la SA ; que, dans une convention conclue également le 13 juillet 1993 avec les nouveaux actionnaires, il a souscrit le double engagement, d'une part, de ne pas concurrencer la société en s'interdisant, pendant une durée de sept ans à compter de la cession des actions, de collaborer sous quelque forme que ce soit avec toute société existante ou nouvelle ayant une activité identique, connexe ou similaire à celle de la SA Ets X, d'autre part, d'autoriser la société acquéreur des actions à utiliser son nom patronymique tout en renonçant lui-même à l'utiliser dans tout commerce ou toute industrie qu'il exploiterait dans le domaine de la création, de la fabrication et de la commercialisation de vêtements d'enfants ; que ladite convention prévoyait le versement, en contrepartie de ce double engagement, de deux indemnités d'un montant respectif de 4 500 000 F et de 3 000 000 F ; que, M. X n'ayant pas mentionné cette somme globale de 7 500 000 F dans sa déclaration de revenus de l'année 1993, l'administration l'a imposée entre les mains de l'intéressé au titre de cette même année dans la catégorie des traitements et salaires ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Nantes a accordé à M. et Mme X la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis de ce chef au motif que la notification de redressements n'avait pas été suffisamment motivée ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : “L'administration adresse au contribuable une notification de redressements qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation…” ;

Considérant que le vérificateur, après avoir énoncé dans la notification de redressements les circonstances de fait ayant amené la SA Ets X à verser à M. X les deux indemnités susmentionnées d'un montant total de 7 500 000 F, a indiqué que ces indemnités n'avaient pas été déclarées “parmi les rémunérations imposables dans la catégorie des traitements et salaires de dirigeant de sociétés, conformément aux dispositions de l'article 82 du code général des impôts” ; que cette motivation, d'où il ressortait que l'administration entendait imposer lesdites indemnités dans la catégorie des traitements et salaires au motif qu'elles constituaient des suppléments de salaires, était suffisante, quelle que soit sa pertinence, pour permettre au contribuable de présenter utilement ses observations, ce qu'il a d'ailleurs fait ; qu'ainsi, c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que l'administration avait méconnu les dispositions précitées de l'article L.57 du livre des procédures fiscales ;

Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme X ;

Considérant, en premier lieu, que, s'agissant de l'indemnité, d'un montant de 4 500 000 F, destinée à compenser l'engagement pris par M. X de ne pas concurrencer la SA Ets X pendant sept ans en s'interdisant de collaborer sous quelque forme que ce soit avec toute société existante ou nouvelle dans le domaine de la fabrication de vêtements pour enfants, les intimés soutiennent qu'elle visait à réparer, non la perte d'un revenu, consécutive à la cessation de son emploi salarié, mais l'impossibilité pour M. X de se constituer un nouveau patrimoine commercial dans le secteur d'activité concerné ; que, toutefois, ils n'apportent à l'appui de leur moyen aucun élément justifiant de ce que cette indemnité pourrait être regardée comme constituant un complément du prix de cession des actions ; qu'il ressort des stipulations claires de la convention du 13 juillet 1993 que cette indemnité n'a eu d'autre contrepartie que l'engagement pris par l'intéressé de ne pas concurrencer l'entreprise pendant une période déterminée en s'interdisant de collaborer avec une autre entreprise ; que dans ces conditions, la somme en cause doit être regardée comme la réparation du préjudice pécuniaire subi par M. X du fait de l'engagement de non-concurrence souscrit par lui à l'occasion de sa démission de ses fonctions salariées ; que l'administration l'a imposée à bon droit dans la catégorie des traitements et salaires en application des dispositions de l'article 82 du code général des impôts ;

Considérant, en second lieu, que, s'agissant de la seconde indemnité, d'un montant de 3 000 000 F, les intimés soutiennent qu'elle visait à compenser l'engagement, souscrit par M. X dans la convention susmentionnée, de renoncer à son nom patronymique dans tout commerce ou industrie susceptible de concurrencer la SA Ets X et constituait par suite des dommages-intérêts non imposables ; que l'administration a cependant regardé ladite somme comme un accessoire de l'indemnité principale de 4 500 000 F et estimé qu'elle devait à ce titre être imposée dans la catégorie des traitements et salaires ; qu'eu égard à son objet, cette indemnité doit toutefois être regardée non comme un accessoire de la première indemnité versée en conséquence d'un engagement de non-concurrence, mais comme un revenu distinct tiré par M. X de l'exploitation de son nom patronymique à des fins commerciales, imposable dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, alors même que l'expression “concession du droit d'usage du nom patronymique” ne figure pas dans la convention du 13 juillet 1993 ;

Considérant que le ministre demande, à titre subsidiaire, par voie de substitution de base légale, que ladite indemnité soit regardée comme le produit de la cession par M. X du droit d'usage de son nom patronymique et imposée au nom de son bénéficiaire, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, comme plus-value à court terme, sur le fondement de l'article 39 duodecies du code général des impôts ; que si l'administration peut, à tout moment de la procédure, invoquer un nouveau motif de droit propre à justifier l'imposition, une telle substitution de base légale ne saurait avoir pour effet de priver le contribuable de la faculté, prévue par les articles L.59 et L.59 A du livre des procédures fiscales, de demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, lorsque celle-ci est compétente pour connaître du différend ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.59 A du livre des procédures fiscales : “La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : 1° Sur le montant du résultat industriel et commercial…” ;

Considérant que si la nouvelle base légale invoquée par l'administration fait entrer le litige dans le champ d'application de l'article L.59 A du livre des procédures fiscales, il est constant que M. et Mme X ne contestent pas le montant de l'indemnité dont il s'agit mais uniquement le principe de son imposition dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; qu'un tel différend constitue une question de droit, qui ne ressortit pas à la compétence de la commission départementale des impôts directs ; que, par suite, nonobstant la circonstance que le service, dans sa réponse aux observations du contribuable, a rayé la mention relative à la possibilité de saisir la commission, les intimés ne sont pas fondés à soutenir que la nouvelle base légale invoquée par l'administration les prive d'une garantie de procédure ; que rien ne s'oppose, dans ces conditions, à ce que la demande de substitution de base légale soit accueillie ;

Considérant que les intimés demandent à titre subsidiaire que l'indemnité litigieuse, qualifiée de plus-value professionnelle, soit placée sous le régime d'exonération prévu par le code général des impôts en faveur des petites entreprises qui cessent leur activité en faisant valoir que les sociétés contrôlées par M. X avaient porté son nom pendant plus de cinq ans ; que, toutefois, cette circonstance ne suffit pas à établir qu'antérieurement à la convention en litige, le nom patronymique de M. X aurait fait l'objet d'une exploitation commerciale par les sociétés concernées qui avaient créé leurs propres marques commerciales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a accordé à M. et Mme X la décharge des droits supplémentaires d'impôt sur le revenu et des intérêts de retard y afférents auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 1993 à raison de la réintégration dans leur revenu imposable d'une somme de 7 500 000 F ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. et Mme X la somme que ceux-ci demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les droits supplémentaires d'impôt sur le revenu et les intérêts de retard y afférents auxquels M. et Mme X ont été assujettis au titre de l'année 1993 et dont ils ont été déchargés par le jugement attaqué sont remis à leur charge.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Nantes en date du 6 mai 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions de M. et Mme X tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à M. et Mme Marcel X.

N° 03NT01595

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 03NT01595
Date de la décision : 07/06/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. LEMAI
Rapporteur ?: M. Luc MARTIN
Rapporteur public ?: M. HERVOUET
Avocat(s) : DELPEYROUX

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2006-06-07;03nt01595 ?
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