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20/04/2006 | FRANCE | N°04NT00939

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ere chambre b, 20 avril 2006, 04NT00939


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 23 juillet 2004, présentée pour M. Christophe X, demeurant ..., par Me Naïm, avocat au barreau de Paris ; M. X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 02.1811 en date du 11 mai 2004 du Tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1995 et 1996 ;

2°) de lui accorder la réduction susmentionnée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de

1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 23 juillet 2004, présentée pour M. Christophe X, demeurant ..., par Me Naïm, avocat au barreau de Paris ; M. X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 02.1811 en date du 11 mai 2004 du Tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1995 et 1996 ;

2°) de lui accorder la réduction susmentionnée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mars 2006 :

- le rapport de M. Luc Martin, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Hervouet, commissaire du gouvernement ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que par deux décisions postérieures à l'introduction de la requête, datées respectivement des 20 et 9 mars 2006, le directeur des services fiscaux de l'Indre-et-Loire a prononcé le dégrèvement, d'une part, à concurrence de la somme de 240,32 euros, des pénalités pour mauvaise foi auxquelles M. X a été assujetti au titre de l'année 1995, d'autre part, à concurrence de 28 457,51 euros, des intérêts de retard, pénalités pour mauvaise foi et pénalités pour non-respect de ses obligations déclaratives auxquelles M. X a été assujetti au titre de l'année 1996 ; que les conclusions de la requête de M. X relatives à ces pénalités sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur le surplus des conclusions de la requête :

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans le cadre d'un accord conclu entre les trois groupes d'actionnaires, dits groupes Y, Z et X, entre lesquels était réparti de façon égalitaire le capital de la SA Tours Management, M. Christophe X, qui appartenait au groupe d'actionnaires du même nom, a été recruté par ladite SA, au 1er janvier 1996, pour une durée indéterminée, afin d'y exercer les fonctions de directeur du secteur “distribution”, moyennant un salaire brut mensuel de 50 000 F ; qu'en mars 1996, le groupe d'actionnaires X a décidé de céder ses actions au groupe Y ; qu'en raison de dissensions opposant M. Y, président du directoire de la SA, à M. X, celui-ci a été licencié avec effet au 30 juin 1996 ; qu'un protocole transactionnel conclu le 28 juin 1996 a prévu notamment que la SA verserait à M. X une indemnité forfaitaire et définitive de 365 000 F “à titre de dommages et intérêts compensant le préjudice que M. X estime avoir subi du fait de son licenciement” ; que le requérant n'a pas mentionné cette indemnité dans sa déclaration de revenus de l'année 1996 qu'il a déposée le 5 août 1997, après mise en demeure du service et réception d'un avis l'informant de l'engagement d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle ; que, dans le cadre de ce contrôle, le service a pris connaissance du protocole susmentionné et regardé l'indemnité de 365 000 F comme totalement imposable ;

Considérant qu'une indemnité versée à l'occasion d'un licenciement ne peut être regardée comme ayant le caractère de dommages et intérêts non imposables que si elle a pour objet de compenser un préjudice autre que celui résultant de la perte de salaires ; que s'il produit des documents qui démontrent en effet l'existence, en 1995, de relations conflictuelles entre les groupes d'actionnaires de la SA et s'il se prévaut de ce que le protocole transactionnel du 28 juin 1996 mentionne que l'indemnité versée correspondait à la réparation du préjudice subi du fait de la rupture du contrat de travail, M. X n'établit pas, cependant, par ces productions, que ce préjudice serait dû à une autre cause que la perte de revenus ;

Considérant que si M. X demande à titre subsidiaire que l'indemnité litigieuse soit qualifiée de revenu exceptionnel et que son imposition soit étalée, en application de l'article 163 0A du code général des impôts, cette conclusion, nouvelle en appel, n'est, en tout état de cause, pas recevable ;

En ce qui concerne les pénalités :

S'agissant de l'année 1995 :

Considérant que l'administration a renoncé au cours de la présente instance à l'application aux rehaussements apportés aux déclarations souscrites par M. X au titre de l'année 1995 de la majoration de 40 % pour mauvaise foi prévue par les dispositions, alors applicables, de l'article 1729 du code général des impôts mais demande que lui soit substituée, dans la limite de son montant, la majoration de 10 % prévue à l'article 1728 dudit code dès lors que M. X a déposé sa déclaration de revenus de l'année 1995 tardivement, après réception d'une première mise en demeure ;

Considérant que si l'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier d'une pénalité en en modifiant le fondement juridique, c'est à la condition que la substitution de base légale ainsi opérée ne prive le contribuable d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi et que l'administration invoque, au soutien de la demande de substitution de base légale, des faits qu'elle avait retenus pour motiver la pénalité initialement appliquée ; qu'il résulte des termes mêmes de la notification de redressements du 30 juin 1998 que, pour assujettir le requérant à la majoration de 40 % pour mauvaise foi, l'administration s'est notamment fondée sur ce que M. X n'avait satisfait à ses obligations déclaratives notamment au titre de l'année 1995 que le 5 août 1997 ; que ce retard était de nature à justifier légalement l'application de la pénalité, au taux de 10 %, prévue par les dispositions de l'article 1728 du code général des impôts ; qu'il s'ensuit que le ministre est fondé à demander, sur le fondement desdites dispositions, le maintien partiel de la majoration à laquelle M. X a été initialement assujetti au taux de 40 % au titre de l'année 1995 ; que ce dernier ne peut utilement invoquer à cet égard la circonstance qu'il aurait déposé sa déclaration de revenus dans les trente jours de la mise en demeure, dès lors qu'à la supposer établie, elle ne fait pas obstacle à ce que lui soit appliquée la majoration prévue par les dispositions précitées de l'article 1728 du code général des impôts, au taux de 10 % ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, et en particulier de la référence qu'elles font à un “rehaussement d'imposition”, que le droit qu'elles reconnaissent à un contribuable de se prévaloir, à l'encontre de l'administration, de l'interprétation donnée par celle-ci d'un texte fiscal a pour seul objet de lui permettre de contester le bien-fondé d'une imposition à l'établissement de laquelle l'administration a procédé en faisant usage de ses pouvoirs de contrôle et de reprise et ne peut, en revanche, fonder une contestation du bien-fondé propre ou de la procédure d'établissement des intérêts de retard ou majorations dont a été assortie cette imposition ; que, dès lors et en tout état de cause, M. X ne peut se prévaloir utilement de la documentation administrative 13 N-1224, n°s 3 et 4, du 14 juin 1996, relative à l'application des majorations prévues par l'article 1729 du code général des impôts aux redressements effectués sur une déclaration souscrite hors délais ;

S'agissant de l'année 1996 :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L.80 D du livre des procédures fiscales : “Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressée au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. Toutefois, lorsque la pénalité mise en recouvrement ne constitue pas l'accessoire d'une imposition ou lorsqu'elle sanctionne une infraction dont la qualification est fondée sur l'appréciation du comportement du contribuable, la motivation est portée à sa connaissance au moins trente jours avant la notification du titre exécutoire ou de son extrait…” ; et qu'aux termes de l'article 3 de la loi susvisée du 11 juillet 1979 : “La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit ou de fait qui constituent le fondement de la décision.” ;

Considérant que l'administration a appliqué la majoration de 40 %, pour mauvaise foi, aux droits supplémentaires résultant de la réintégration dans le revenu imposable de M. X, au titre de l'année 1996, de l'indemnité transactionnelle de licenciement susmentionnée et de revenus de capitaux mobiliers non déclarés ; que dans la notification de redressements du 30 juin 1998, elle a entendu justifier l'application de cette majoration en indiquant que les minorations répétées des revenus déclarés avec retard par M. X, après avoir été avisé de l'engagement d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, et le fait que l'intéressé a imputé, notamment sur ses revenus de l'année 1996, des déficits globaux cumulés des années 1990 à 1993 de, respectivement, 14 433 240 F et 11 027 733 F, dont il n'a justifié ni de l'origine, ni de la réalité, ni du montant dès lors que, pour ces années antérieures, aucune déclaration de revenus n'avait été souscrite, étaient de nature à démontrer une intention délibérée d'éluder l'impôt ; qu'ainsi, l'administration doit être regardée comme ayant régulièrement porté à la connaissance du contribuable les considérations de droit ou de fait justifiant l'application de la majoration retenue ; que, pour le même motif que celui précédemment indiqué, M. X ne peut en tout état de cause invoquer utilement, sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, d'instructions administratives des 6 février 1980 (BODGI 13 L-1-80) et 25 février 1992 (BOI 13 L-2-92) relatives à la motivation des pénalités ;

Considérant, en deuxième lieu, que si M. X soutient que les déficits susmentionnés des années 1990 et 1993 provenaient d'une SNC dont il avait été associé et qu'il a cru en toute bonne foi qu'il était en droit de les imputer sur ses revenus alors même que ladite SNC était devenue une société de capitaux, il n'assortit cette allégation d'aucune justification ; que, par suite, l'administration, qui se fonde sur les motifs énoncés dans la notification de redressements et rappelés ci-dessus, doit être regardée comme apportant ainsi la preuve de ce que le contribuable a délibérément minoré ses revenus afin d'éluder l'impôt ;

Considérant, en troisième lieu, que M. X demande l'application rétroactive à son profit de la loi pénale plus douce ; que, d'une part, il fait valoir que de nouvelles dispositions, codifiées à l'article 80 duodecies du code général des impôts, plus favorables au contribuable, régissent désormais l'imposition des indemnités de licenciement ; qu'il ne peut toutefois utilement invoquer à l'appui de son moyen ces dispositions relatives à l'assiette de l'impôt, qui sont, en tout état de cause, sans influence sur les pénalités qui lui ont été infligées ; que, d'autre part, il se prévaut du 1 du nouvel article 1729 A du code général des impôts, issu de l'article 13 de l'ordonnance susvisée du 7 décembre 2005 aux termes duquel : “Lorsque des rehaussements opérés sur une déclaration souscrite dans les délais sont passibles de pénalités n'ayant pas le même taux, les pénalités sont calculées en ajoutant les rehaussements aux éléments déclarés en suivant l'ordre décroissant des différents taux applicables” ; qu'il est constant que la déclaration de revenus de l'année 1996 n'a pas été souscrite dans les délais par le requérant ; que, par suite, celui-ci ne peut en tout état de cause invoquer ces dispositions dont les conditions de mise en oeuvre ne sont pas satisfaites ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, s'agissant des impositions restant en litige, M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente espèce, soit condamné à payer à M. X la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : A concurrence des sommes de 240,32 euros (deux cent quarante euros trente-deux centimes) et de 28 457,51 euros (vingt-huit mille quatre cent cinquante-sept euros cinquante et un centimes), en ce qui concerne, d'une part, les pénalités auxquelles M. X a été assujetti au titre de l'année 1995, d'autre part, les intérêts de retard et pénalités auxquels il a été assujetti au titre de l'année 1996, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. X.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Christophe X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

N° 04NT00939

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ere chambre b
Numéro d'arrêt : 04NT00939
Date de la décision : 20/04/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. GRANGE
Rapporteur ?: M. Luc MARTIN
Rapporteur public ?: M. HERVOUET
Avocat(s) : NAIM

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2006-04-20;04nt00939 ?
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