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22/03/2006 | FRANCE | N°06NT00088

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, Reconduite a la frontiere, 22 mars 2006, 06NT00088


Vu la requête, enregistrée le 20 janvier 2006, présentée pour M. Hamid X, demeurant ..., par Me Olivier Renard, avocat au barreau de Nantes ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 06-37 du 9 janvier 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire, en date du 20 décembre 2005, décidant sa reconduite à la frontière et fixant le Tchad comme pays à destination duquel l'intéressé devait être reconduit ;

2°) d'annuler ledi

t arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de réexaminer sa situation, ...

Vu la requête, enregistrée le 20 janvier 2006, présentée pour M. Hamid X, demeurant ..., par Me Olivier Renard, avocat au barreau de Nantes ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 06-37 du 9 janvier 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire, en date du 20 décembre 2005, décidant sa reconduite à la frontière et fixant le Tchad comme pays à destination duquel l'intéressé devait être reconduit ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de réexaminer sa situation, dès le prononcé de l'arrêt à intervenir, aux fins, notamment, de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de condamner l'État à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 5 septembre 2005 par laquelle le président de la Cour a délégué M. Gualeni pour statuer sur les appels interjetés contre les jugements rendus par les présidents de tribunaux administratifs ou leurs délégués en matière de reconduite à la frontière ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié, portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 mars 2006 :

- le rapport de M. Gualeni, magistrat délégué,

- les observations de Me Renard, avocat de M. X,

- les observations de M. Tharreau, attaché principal, représentant le préfet de Maine-et-Loire,

- et les conclusions de M. Millet, commissaire du gouvernement ;

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) - 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité tchadienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 28 février 2005, de la décision du préfet de Maine-et-Loire du 24 février 2005, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait, ainsi, dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Sur la légalité externe :

Considérant que l'arrêté contesté comporte l'exposé des faits et des considérations de droit sur lequel il se fonde et est, ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, suffisamment motivé ;

Sur la légalité interne :

Considérant que, si M. X soutient qu'il s'est bien intégré dans la société française, et qu'il n'a plus de relation avec sa famille restée au Tchad, il ressort, toutefois, des pièces du dossier, que l'intéressé, célibataire sans enfant, n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Tchad où vivent ses parents et son frère ; que, dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des conditions du séjour de M. X en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 20 décembre 2005 n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que le préfet n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, comme l'a estimé à bon droit le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nantes ;

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que l'arrêté contesté comporte une décision fixant le Tchad comme pays à destination duquel M. X doit être reconduit ; que, si la demande d'admission au statut de réfugié présentée par l'intéressé a été rejetée par une décision du 23 avril 2003 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 20 octobre 2004 par la Commission des recours des réfugiés, et si la demande de réexamen de son dossier a été rejetée par une décision du 21 décembre 2004 du directeur de l'Office, confirmée le 24 mars 2005 par la Commission, il ressort des pièces du dossier que M. X, qui est trésorier général du Mouvement pour la démocratie et le développement, mouvement d'opposition au gouvernement tchadien, pourrait être exposé, en cas de retour dans son pays d'origine, à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ; que, par suite, en fixant le Tchad comme pays à destination duquel M. X devait être reconduit, le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision, contenue dans l'arrêté du 20 décembre 2005, fixant le Tchad comme pays à destination duquel l'intéressé devait être reconduit ;

Sur les conclusions à fin de régularisation de la situation administrative de l'intéressé :

Considérant que le présent arrêt n'implique pas nécessairement que le préfet de Maine-et-Loire réexamine la situation de M. X ; que, par suite, les conclusions de l'intéressé présentées à cette fin ne peuvent être accueillies ;

Sur l'application des dispositions de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner, dans les conditions prévues à l'article 75, la partie tenue aux dépens à payer une somme au titre des frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide ; que M. X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat, Me Renard, peut se prévaloir des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Renard renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de condamner celui-ci à lui payer, à ce titre, la somme de 1 500 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du préfet de Maine-et-Loire, en date du 20 décembre 2005, est annulé, en ce qu'il fixe le Tchad comme pays à destination duquel M. X devait être reconduit.

Article 2 : Le jugement du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Nantes, en date du 9 janvier 2006, est réformé, en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de mille cinq cents euros (1 500 euros) à Me Renard, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Hamid X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Une copie sera transmise au préfet de Maine-et-Loire.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : Reconduite a la frontiere
Numéro d'arrêt : 06NT00088
Date de la décision : 22/03/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christian GUALENI
Rapporteur public ?: M. MILLET
Avocat(s) : RENARD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2006-03-22;06nt00088 ?
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