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15/02/2006 | FRANCE | N°02NT01766

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ere chambre, 15 février 2006, 02NT01766


Vu la requête, enregistrée le 29 novembre 2002, présentée pour M. Michel X, demeurant ..., par Me Lion, avocat au barreau d'Orléans ; M. Michel X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 97-1913 du 24 septembre 2002 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes, qui lui ont été assignés pour la période du 1er janvier 1992 au 30 septembre 1995 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) d'ordonner le sursis à exécution du ju

gement attaqué ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros au titre d...

Vu la requête, enregistrée le 29 novembre 2002, présentée pour M. Michel X, demeurant ..., par Me Lion, avocat au barreau d'Orléans ; M. Michel X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 97-1913 du 24 septembre 2002 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes, qui lui ont été assignés pour la période du 1er janvier 1992 au 30 septembre 1995 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement attaqué ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

……………………………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 77/388 CEE du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 janvier 2006 :

- le rapport de Mme Magnier, rapporteur ;

- les observations de M. X ;

- les conclusions de M. Lalauze, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant que la circonstance que la notification de redressements adressée au contribuable mentionne que les opérations de contrôle portant sur la taxe sur la valeur ajoutée de l'année 1992 auraient débuté le 1er janvier 1992, ce qui est manifestement une erreur, est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ; que cette simple erreur matérielle, qui n'a pas porté atteinte aux droits de la défense, ne peut entraîner, à elle seule, la décharge des impositions telle que prévue par les dispositions de l'article L.80 CA du livre des procédures fiscales ; que le contribuable n'allègue pas, par ailleurs, que la durée desdites opérations aurait excédé les limites prévues par les dispositions de l'article L.52 du même code ; que le contribuable ne saurait enfin utilement invoquer, sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales une note DGI n° 32 qui, traitant de la procédure d'imposition, ne comporte pas d'interprétation de la loi fiscale au sens de ces dispositions ;

Sur le bien-fondé des rappels de TVA :

Considérant, d'une part, qu'aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : Sont soumises à la TVA les livraisons de biens meubles et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel… ; que sont toutefois exonérées de cette taxe, selon le 4-4° a de l'article 261 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : Les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées, effectuées dans le cadre de l'enseignement primaire, secondaire et supérieur dispensés dans les établissements publics et les établissements privés régis par les lois des 15 mars 1850, 12 juillet 1875 et 30 octobre 1886 ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes du A de l'article 13 de la 6ème directive n° 77-388 du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977, relatif aux exonérations de TVA en faveur de certaines activités d'intérêt général : 1. Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les Etats membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels : …i) l'éducation de l'enfance ou de la jeunesse, l'enseignement scolaire et universitaire, …ainsi que les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées, effectués par des organismes de droit public de même objet ou par d'autres organismes reconnus comme ayant des fins comparables par l'Etat membre concerné… ;

Considérant qu'il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu de l'instruction, si les recettes réalisées par le contribuable entrent dans le champ d'application de l'exonération de la TVA prévue par les dispositions précitées, eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées ces opérations ;

En ce qui concerne l'internat de La Chapelle-Saint-Mesmin :

Considérant, d'une part, que M. X a installé dans un immeuble situé à La Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret) un internat pour l'accueil à titre onéreux d'enfants âgés de six à seize ans, qui lui sont confiés par leurs parents, rendus indisponibles par leur activité professionnelle, notamment lorsqu'elle s'exerce à l'étranger, et qui suivent leur scolarité dans des établissements publics de la région ; que le contribuable fait valoir, à titre principal, que s'il est vrai que cette activité entre dans le champ d'application du 1 de l'article 256 du code général des impôts, il est en droit de bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions du 4-4° a de l'article 261 du même code et des dispositions précitées de la 6ème directive ; qu'il est cependant constant que l'internat de La Chapelle-Saint-Mesmin n'est pas un établissement régi par les dispositions législatives visées par le a du 4 du 4° de l'article 261 du code général des impôts, qui limite l'exonération des activités d'enseignement à celles effectuées par les établissements régis par lesdites dispositions législatives ; qu'il ne peut, dès lors, bénéficier de l'exonération de TVA prévue pour les activités d'enseignement ; que, du reste, dans son attestation, produite par le contribuable, le maire de La Chapelle-Saint-Mesmin, alors même qu'il parle d'internat scolaire ne décrit pas des activités identiques à celles d'un établissement d'enseignement ;

Considérant, d'autre part, que M. X soutient que les dispositions précitées du code général des impôts ne constitueraient pas une transposition correcte de la 6ème directive en tant qu'elles auraient exclu du bénéfice de l'exonération de TVA les activités liées à l'éducation de l'enfance ou de la jeunesse telles que visées par cette directive ; qu'il résulte de l'instruction que si M. X répond à un besoin qui n'est pas satisfait par les établissements d'enseignement public, assure des missions qui incombent normalement aux parents en suivant, notamment, leur scolarité, il ne peut être regardé, en tout état de cause, comme offrant pour l'essentiel, dans le cadre de l'organisation d'un internat, des prestations d'éducation au sens de ladite directive ;

Considérant que M. X fait valoir, par ailleurs, que la prestation d'internat doit être regardée, alors même qu'elle est distincte de l'activité d'enseignement exonérée, comme lui étant étroitement liée au sens des dispositions précitées ; que ce moyen doit cependant être écarté, dès lors que les prestations offertes par le contribuable aux parents des enfants qu'il accueille, bien qu'elles soient utiles et commodes, ne constituent pas un accessoire indispensable de l'activité exonérée ; qu'il ne saurait, dès lors, utilement soutenir que la taxation de son activité d'internat aurait pour effet de porter à un prix trop élevé la prestation d'intérêt général exonérée que constitue l'enseignement primaire et secondaire ;

Considérant que la circonstance que les établissements d'enseignement privé visés par les dispositions précitées de l'article 261-4-4° a disposeraient d'internat ne suffit pas à établir que le refus d'exonération opposé à l'établissement de M. X méconnaîtrait le principe de neutralité de la TVA ;

Considérant que M. X fait cependant valoir, à titre subsidiaire, que son établissement peut bénéficier des dispositions du 4° de l'article 261 D du code général des impôts aux termes duquel, sont exonérés de TVA : …Les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d'habitation… au motif qu'il n'offre aucune prestation hôtelière ou para-hôtelière ; que ce moyen doit, toutefois, être écarté, dès lors qu'en tout état de cause, la mise à la disposition des pensionnaires d'une chambre et des divers locaux communs de l'établissement ne saurait, en l'absence de bail accordant aux enfants les mêmes droits que ceux d'un locataire, être assimilée à la location d'un logement ; que M. X ne saurait, en tout état de cause, utilement invoquer sur ce point, sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, une instruction A 9-91 de 1991 qui traite des locaux donnés en location, dès lors que comme il vient d'être dit, aucun bail n'a été signé par le contribuable et les parents des pensionnaires de l'internat de La Chapelle-Saint-Mesmin ; qu'enfin, si M. X invoque une prise de position du vérificateur dans la notification de redressements le 22 décembre 1995 qui lui été a adressée et selon laquelle : le contribuable se livre à titre principal à une activité d'hébergement et de restauration, eu égard aux règles qui régissent l'invocabilité des appréciations de l'administration en vertu de l'article L.80 B du livre des procédures fiscales qui lui-même renvoie au premier alinéa de l'article L.80 A du même livre, les contribuables ne sont en droit de contester, sur le fondement de l'un ou l'autre de ces articles, que les rehaussements d'impositions antérieures ; que, par suite, les opinions émises par les agents des services fiscaux lors d'une procédure d'imposition conduisant à une imposition primitive assignée à un contribuable qui, estimant pouvoir bénéficier d'une exonération, n'a pas été assujetti à l'impôt en conséquence de sa déclaration ne peuvent, en tout état de cause, être invoquées, dès lors que ces opinions ne se rapportent pas à un rehaussement d'imposition antérieure ; que tel est le cas, en l'espèce, des impositions en litige ;

En ce qui concerne le Château de Bellevue :

Considérant que M. X s'est, en outre, porté acquéreur du Château de Bellevue, situé à Bourg d'Iré (Maine-et-Loire) ; qu'il y a développé deux types d'activités ; que l'administration a admis que la première de ces activités, à savoir l'accueil pendant les périodes de vacances scolaires, d'enfants étrangers désireux d'améliorer leurs connaissances en français ou d'enfants qui viennent réviser leur programme scolaire, pouvait être exonérée de TVA en application des dispositions précitées du 4-4° a de l'article 261 du code général des impôts ; qu'en revanche, elle a refusé de faire bénéficier de cette exonération l'activité d'accueil de classes de nature et découverte déployée par M. X dans ce même établissement pendant le reste de l'année ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que ces classes de nature et découverte sont organisées au profit d'enfants scolarisés dans des établissements publics ; que les élèves viennent séjourner au château, accompagnés de leurs enseignants, suivent les enseignements scolaires correspondant à leur classe et pratiquent, en outre, des activités de découverte, notamment l'équitation, et reçoivent des cours de théâtre, grâce à l'intervention de comédiens professionnels ; que ces activités, qui sont intégrées dans le cadre de l'enseignement primaire et secondaire, et qui ne peuvent être développées que parce que les enfants séjournent sur place, doivent être regardées comme constituant des prestations de services étroitement liées à l'activité exonérée d'enseignement ; que c'est, par suite, en méconnaissance des dispositions précitées du 4-4° a de l'article 261 du code général des impôts que l'administration a refusé que cette activité puisse être exonérée de TVA ;

Sur les pénalités :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1732 du code général des impôts : Lorsqu'un contribuable fait connaître, par une indication expresse portée sur la déclaration ou l'acte, ou dans une note y annexée, les motifs de droit ou de fait pour lesquels il ne mentionne pas certains éléments d'imposition en totalité ou en partie,… les redressements opérés à ces titres n'entraînent pas l'application de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 ; qu'il résulte de l'instruction que M. X n'a pas souscrit les déclarations de TVA à laquelle il était assujetti au titre de la totalité de la période en litige ; qu'il ne saurait, par ailleurs, utilement se prévaloir de ce qu'il aurait annexé une telle note à sa déclaration de revenus ; qu'il n'est, par suite, pas fondé à demander la décharge des intérêts de retard, qui lui ont été assignés en application de l'article 1727 ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1 - Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle... ; que ces dispositions sont applicables à la contestation, devant la juridiction compétente, de la majoration d'imposition prévue par l'article 1728 du code général des impôts, qui constitue, même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à l'autorité administrative, une accusation en matière pénale au sens du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention ;

Considérant que l'administration a assorti les redressements litigieux d'une pénalité pour taxation d'office égale à 40 % des droits faute, pour le contribuable, d'avoir souscrit les déclarations auxquelles il était tenu ; que, pour l'application de ces dispositions, le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, décide, dans chaque cas, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir le taux auquel l'administration s'est arrêtée, soit de ne laisser à la charge du contribuable que les intérêts de retard, s'il estime que ce dernier ne s'est pas abstenu de souscrire une déclaration ou de déposer un acte dans le délai légal ; qu'il dispose, ainsi, d'un pouvoir de pleine juridiction conforme aux stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales, lesquelles n'impliquent pas que le juge puisse moduler l'application du taux résultant de l'article 1728 ;

Considérant, enfin, que M. X soutient que lesdites pénalités méconnaissent le principe constitutionnel de proportionnalité des peines ; que ce moyen, qui tend nécessairement à faire apprécier la conformité à la constitution des dispositions législatives sur lesquelles lesdites pénalités sont fondées, n'est pas au nombre de ceux qui peuvent être utilement invoqués devant le juge administratif ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le Tribunal administratif d'Orléans a rejeté la totalité de sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, soit condamné à payer à M. X la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : M. X est déchargé de la taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont été assignées au titre de la période du 1er janvier 1992 au 30 septembre 1995 à raison de l'activité de classes de nature et découverte qu'il a développée dans son établissement de Bourg d'Iré.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif d'Orléans est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Michel X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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N° 02NT01766

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 02NT01766
Date de la décision : 15/02/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. LEMAI
Rapporteur ?: Mme Françoise MAGNIER
Rapporteur public ?: M. LALAUZE
Avocat(s) : LION

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2006-02-15;02nt01766 ?
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